Depuis plusieurs mois, l’Église est touchée par plusieurs scandales de pédophilie. L’exemple le plus retentissant est celui de l’Irlande, mais les affaires touchent de nombreux pays, jusqu’à l’Australie. Il passe aussi par l’Allemagne. En Bavière, l’établissement dirigé pendant des années par le frère de Benoît XVI est aujourd’hui pointé du doigt.
Les premières affaires d’abus sexuels dans le collège berlinois Canisius, un établissement jésuite prestigieux, ont été révélées fin janvier. Depuis, pas une journée ne s’écoule sans son lot d’accusation contre des institutions religieuses. Après Berlin, le scandale a touché l’évéché de Hambourg, de Bonn, de Munich. 20 diocèses sur 27 sont concernés. Les victimes se comptent par centaines.
Thomas (nom changé par la rédaction), victime de sévices sexuels alors qu’il n’avait que 13 ans, est l’un des hommes qui a fait éclater ce scandale. Plus de trente ans après les faits, il a trouvé le courage d’en parler et de dénoncer deux prêtres enseignants. Son témoignage et celui de ses camarades du collége Canisius ont provoqué ces révélations en cascade. "Pour moi, explique-t-il a France 24, le véritable scandale dans toute cette affaire c’est que l’un de ces prêtres qui m’a torturé a pu continuer à sévir pendant trente ans dans une douzaine d’autres villes et même jusqu’au bout du monde en Amérique du Sud. Il a pu perpétrer ces crimes encore et encore sans qu’aucun de ses frères, sans qu’aucun de ses supérieurs dans la hierarchie de l’église catholique n’y mettent un terme".
L’église catholique allemande est sur la sellette. La ministre de la justice est allée jusqu’à reprocher au Vatican d’entraver les enquêtes sur les abus sexuels au sein de l’église. Selon elle, une directive datant de 2001 qui soumet les cas les plus graves au secret pontifical aurait contribué à ériger un mur de silence. Cette lettre avait été émise par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, aujourd’hui le pape Benoît XVI.
"La ministre de la justice a suscité beaucoup d’indignation (au sein de l'église), selon Stefan Förner, le porte-parole de l’évéché de Berlin. Le président de la conférence épiscopale allemande a d’ailleurs contesté ces reproches. Je pense que ces abus qui remontent à 30 ou 40 ans ne concernent pas que l’église catholique, mais que ce problème a touché l’ensemble de la société. A cette époque on ne parlait pas de certaines choses qui étaient considéréés comme tabou."
L’église catholique allemande a-t-elle contribué pendant toute ces années à étouffer ces affaires d’abus sexuels? Manuela Groll, une avocate qui défend une quinzaine de victimes berlinoises, en est persuadée. "Cette directive montre que l’Église cherche à instruire elle-même ces affaires, affirme-t-elle. Cela signifie qu’elle écarte de fait toute enquête officielle et qu’elle établit son propre état de droit. L’Église n’a eu aucun respect pour les victimes, elle a protégé et couvert les coupables et cela en dit long sur ses méthodes."
L’église catholique allemande a présenté ses excuses aux victimes et accepté de participer à une table ronde organisée par les autorités. Thomas espère que l’Église dédommagera les victimes et que la loi du silence sera enfin brisée.
Emission préparée par Kate Williams, Marie Billon et Patrick Lovett