
Le drapeau afghan hissé à Marjah, l’image a fait le tour du monde. Le 25 février, l’une des plus vastes offensives de l’OTAN et de l’armée afghane a pris fin dans ce district de la province du Helmand repris aux Taliban. L'opération Mushtarak a été présentée comme un succès, mais elle soulève aussi de nombreuses interrogations.
« Je ne sais pas si ce sont les Américains ou les Taliban qui m’ont blessé, commence Ahmad, allongé sur son lit d’hôpital. Il y avait des combats, on est sorti de chez nous, mon frère a aussi été touché aux jambes ». L’adolescent repose sa tête sur l’oreiller, sans un sourire. Il est soigné à l’hôpital de Emergency à Lashkar Gah, la capitale de la province du Helmand.
L’organisation humanitaire italienne vient en aide aux victimes de combats. Plus d’une quarantaine de personnes gravement blessées durant l’opération de Marjah au mois de Février a été accueillie ici. Asadullah en fait aussi partie. Assis sur son lit, il lève sa main bandée et montre sur son corps amaigri les blessures causées par une explosion. « Il y avait des bombardements et des tirs de partout. On ne comprenait pas ce qu’il se passait, explique-t-il d’une voix fatiguée. La route était bloquée et je suis resté sur place blessé, le soir et le lendemain. J’ai attendu deux jours que les gens du Croissant rouge puissent venir me chercher ».
En temps normal, il aurait fallu une demi-heure pour transporter Assadullah à l’hôpital parce que Marjah n’est qu’à une trentaine de kilomètres de la capitale provinciale. Mais les routes ont été bloquées par les forces afghanes, les soldats l’OTAN et les mines posées en grand nombre par les combattants Taliban…
Une poignée de chauffeurs de taxi locaux, engagés par le Croissant Rouge et la Croix Rouge, ont transporté les blessés jusqu’à Lashkar Gah. « Environ deux cents civils ont été blessés ou tués par les mines, les bombardements et les armes lourdes, remarque le Dr Ahmadullah Ahmady, directeur du Croissant Rouge pour la province du Helmand. Mais on ne connaît pas le nombre exact de personnes tuées par les mines, parce qu’on n’a pas pu retrouver tous les corps ».
Les forces de l’OTAN ont reconnu avoir tué par erreur seize civils durant l’opération Mushtarak. Mais elles ont aussi recueilli sur leurs bases des blessés, dont elles n’ont pas souhaité communiquer le nombre. Impossible au final, de savoir combien de civils ont été tués et blessés à Marjah.
L’opération a été annoncée par la coalition plusieurs semaines avant son déclenchement. D’après les autorités afghanes, quatre mille familles ont réussi à fuir la zone des combats. Ils ont tout laissé derrière eux… Parmi elles, deux mille huit cents ont été recensées par les autorités afghanes et ont reçu des biens de première nécessité. « On va rentrer chez nous dès que le calme sera revenu, pour s’occuper de nos cultures, dit Gul Ahmad, un paysan. On n’a rien à faire ici, en plus on n’a même pas à manger. Un sac de blé, ça ne suffit pas… En ce moment on habite dans le désert. On n’a pas d’autre d’endroit où aller ».
L’opération de Marjah est présentée comme un succès par l’OTAN et les autorités afghanes, qui ont repris le district aux Taliban. Mais selon la Croix-rouge, les mines empêchent tout retour à la vie normale. Les habitants subiront encore longtemps les conséquences de cette offensive.
Emission préparée par Kate Williams, Marie Billon et Patrick Lovett