
L'ex-otage au Mali, Pierre Camatte, n'était pas un agent de la DGSE, a fait savoir la présidence, jeudi. Les propos du spécialiste du renseignement à l'Élysée devant l'Assemblée nationale semaient pourtant le doute...
Lapsus révélateur de Bernard Bajolet, coordonnateur national du renseignement à la présidence de la République ? Mauvaise transcription au Palais Bourbon ? Les informations concernant un éventuel mandat rempli par Pierre Camatte, otage français au Mali libéré mardi pour les services de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), proviennent d’un compte-rendu troublant de l’Assemblée nationale. Troublant, mais qui mène de toute évidence à une impasse.
Le 27 janvier 2010, Bernard Bajolet répond aux questions des députés de la commission de la défense nationale et des forces armées. A la question du député socialiste Guillaume Garot : "Quelles informations pourriez-vous nous transmettre sur les agents de nos services retenus en otage, leur nombre, leur situation ? Quelles sont les perspectives les concernant ?”, le chef du renseignement à l’Elysée répond : " Nous avons actuellement huit otages. Un au Mali, Pierre Camatte, quatre au Soudan, un en Somalie et deux en Afghanistan."
Pour le site d'informations Bakchich, Bajolet a “grillé” Camatte. Ce qui semble pour le moins questionnable. Dans l’éventualité où la phrase de Bajolet serait à prendre au pied de la lettre, les "deux en Afghanistan" - en clair, les deux journalistes de France 3 -, seraient également espions. Or, pour eux, l'appartenance à la DGSE est très peu probable, étant donné la façon dont le pouvoir français s’est à plusieurs reprises désolidarisé de ce dossier. Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, avait révélé que l'enlèvement des deux journalistes suscitait la colère du président Nicolas Sarkozy. Quant aux quatre otages au Soudan, auxquels Bajolet fait référence, sont très certainement des humanitaires.
En revanche, l’otage en Somalie, cité par le chef des services de renseignements auprès de l’Elysée, est effectivement missionné par la DGSE.
Le démenti de la présidence de la République est sans appel : "C'est une fausse information. Pierre Camatte n'est pas agent de la DGSE", a déclaré un porte-parole de l'Elysée par téléphone à l'Associated Press. Et l'Elysée de préciser que le nombre de "huit" est celui des "Français, à l'époque (retenus) en otage dans le monde", mais "pas le nombre d'otages de la DGSE dans le monde", en évoquant une "mauvaise retranscription" ou une "mauvaise compréhension" des propos de Bernard Bajolet.
Ce dernier aurait-il mal compris la question ? Pour le blogueur du Monde.fr, Jean-Marc Manach, les propos de Bernard Bajolet sont de l’ordre de la "bourde", prise pour argent comptant par les députés. Selon les informations de Jean-Marc Manach, le député Guillaume Garot se dit prêt à reposer la question à Bajolet : “La question est effectivement de savoir s’il a répondu 'agents' ou 'otages'. Mais dans mon esprit, les journalistes ne sont pas des agents de la DGSE. Je peux reposer la question, c’est peut-être une erreur d’interprétation.”
Concernant une éventuelle mauvaise transcription du compte-rendu de l’Assemblée nationale, le doute n'est pas permis. La direction commission de la défense nationale, jointe par France24.com, indique que le compte-rendu a été relu par les services de Bernard Bajolet. Comme à chaque fois lorsque la commission procède à une audition.