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Alger et Nouakchott dénoncent les conditions de la libération de Pierre Camatte

Paris se félicite de la libération de l’otage Pierre Camatte, relâché mardi au Mali par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Mais la remise en liberté de quatre islamistes, en échange du Français, provoque la colère de l'Algérie et de la Mauritanie.

L’annonce de la libération de l’humanitaire français Pierre Camatte, détenu depuis le 26 novembre 2009 au Mali par l'organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a été diversement accueillie par les pays concernés par cette affaire. Sa libération intervient quelques jours après la remise en liberté par le Mali de quatre islamistes - deux Algériens, un Burkinabè et un Mauritanien - arrêtés en avril 2009 dans le nord du pays. La branche d’Al-Qaïda au Maghreb avait fait de la libération de ces quatre individus une condition préalable à celle du Français.

Si le Premier ministre français Françios Fillon a salué "l’action décisive de l’ensemble des acteurs qui ont concouru au dénouement heureux de cette prise d’otage", Alger et  Nouakchott ont condamné "avec force" la libération des islamistes. Preuve que la brouille est sérieuse, l’Algérie et la Mauritanie ont même rappelé leurs ambassadeurs au Mali "pour consultations".

"Un coup de poignard dans le dos"

Bamako assure que les quatre hommes ont été libérés car ils avaient purgé l’intégralité de leur peine, ayant simplement été condamnés à neuf mois de prison pour "détention illégale d'armes de guerre". Une version qui ne convainc pas le porte-parole du ministre algérien des Affaires étrangères, qui dénonce un prétexte "fallacieux" et une "attitude inamicale du gouvernement malien".

"La Mauritanie ne s’attendait pas à une telle décision, c’est un coup de poignard dans le dos", affirme Ould Bä Saïd, professeur à l’université de Nouakchott, à propos de la libération des quatre islamistes. Contacté par FRANCE 24, il regrette que Bamako ait décidé unilatéralement de les libérer faisant fi de "la collaboration accrue entre le Mali et la Mauritanie dans le domaine du terrorisme et de la lutte contre le banditisme au niveau des frontières".

"Pressions françaises"

Même son de cloche pour Faycal Metaoui, spécialiste des affaires politiques et journaliste à "El-Watan", pour qui "Bamako n’a pas respecté les accords juridiques bilatéraux, ni les conventions sécuritaires". Il déplore le non-respect des accords signés entre l’Algérie et le Mali, qui auraient dû "permettre l’extradition des ressortissants algériens recherchés dans leur pays".

Selon Faycal Meteoui, c’est la France qui "est derrière la libération des quatre islamistes". "Bernard Kouchner [le ministre français des Affaires étrangères] s’est rendu deux fois au Mali pour convaincre le président Amadou Toumani Touré. Ce dernier, après avoir tenu bon, n’a pas pu repousser les pressions françaises", affirme-t-il.

De son côté, Paris cherche à calmer le jeu et réaffirme, ce mercredi, sa volonté d'œuvrer pour la sécurité et la stabilité dans la région. La libération de l’humanitaire français est néanmoins fêtée comme une victoire par la diplomatie française. En tournée en Afrique, le président français Nicolas Sarkozy a prévu d’ajouter une escale au Mali pour rencontrer en personne Pierre Camatte. Il n’est pas certain que les images des deux hommes tout sourire à Bamako calme la grogne à Alger et à Nouakchott.