
À Jérusalem Est, une nouvelle bataille pour la terre s’est engagée. Au nom de la judaïsation de la ville, des Juifs religieux rachètent terrains et maisons à leurs propriétaires palestiniens. Leur but : rendre impossible une future division de Jérusalem. Mais pour les familles qui cèdent à la tentation de vendre, les représailles vont parfois jusqu’à la mort…
Les coulisses de la bataille de Jérusalem, par Marc de Chalvron
Rendez-vous discret dans un grand hôtel de Jérusalem, histoire de gros sous, menaces de mort et chantage financier... Bienvenue dans les coulisses de la bataille de Jérusalem.
Arieh King ne se cache pas. C’est une stratégie : dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. "L’argent va mettre fin au conflit", dit il sereinement. Il sort d’un entretien discret avec un Palestinien. Filmé en caméra caché, celui qui se présente comme agent immobilier pour juif à Jérusalem Est tente de persuader son interlocuteur arabe de quitter la terre qu’il convoite. A la clef, des centaines de milliers de Shekels. L’objectif final d’Arieh King est bel et bien politique : installer un maximum de juifs dans les quartiers palestiniens de la ville Sainte. Tous les moyens sont bons, tant qu’autorisés par la loi israélienne, pour faire partir les arabes et judaïser Jérusalem.
Mohamed Maraji, c’est la face cachée de ce monde obscur. Pour la première fois, il accepte de parler face caméra, non sans hésitation et tergiversation, menaces à notre encontre parfois. Et il a des raisons d’avoir peur. Il le reconnaît aujourd’hui volontiers : il était un "collabo", celui qui a permis à un groupe de colons d’acheter des maisons, de récupérer des terres à Jérusalem Est. La tâche n’est pas sans risque.
Le Palestinien qui vend sa maison à un juif est tout simplement passible de la peine de mort. Et tout le monde le pense aujourd’hui, même sa famille et les rares amis qui lui restent : Mohamed Maraji s’est bien rendu coupable de ce "crime". Lui dément, avec ce qui lui reste de force et d’énergie. Jamais il n’a signé d’acte de vente. Trahi, il se défend et contre-attaque, dénonce les méthodes des colons et se fixe l’objectif d’une vie : faire partir les juifs qui habitent aujourd’hui dans sa "maison". Un homme détruit, seul, qui veut la peau des colons.
Marc de Chalvron et Annette Young, correspondants de FRANCE 24 à Jérusalem, ont suivi pendant plusieurs semaines ces deux hommes, deux destins opposés, l’un exalté par l’idéologie, l’autre brisé par des années d’errances. Un monde gris, ni noir, ni blanc : c’est là que se joue l’avenir de Jérusalem.