
Une Yazidie visite ses proches défunts au cimetière lors de la commémoration du 10e anniversaire du génocide des Yazidis le 3 août 2024 à Sinjar, en Irak. © Farid Abdulwahed, AP
Un jihadiste belge, jugé par défaut et présumé mort en Syrie, a été reconnu coupable de "crime de génocide" contre la minorité des Yazidis, jeudi 13 novembre à Bruxelles, dans le premier procès tenu en Belgique sur cette entreprise d'extermination menée par le groupe État islamique (EI).
Sammy Djedou, combattant de cette organisation jihadiste, déjà condamné pour terrorisme en Belgique en 2021, était à nouveau jugé en son absence et est présumé mort en zone de guerre.
Le Pentagone avait annoncé son décès en décembre 2016 lors d'une frappe aérienne à Raqqa (Syrie), mais les autorités belges n'en ont jamais eu de preuve formelle et ont décidé de le poursuivre.
Avant la Belgique, trois autres pays européens - l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède - avaient traduit en justice et fait condamner des jihadistes pour leur participation aux crimes perpétrés par l'EI contre cette petite minorité ethnoreligieuse kurdophone
"Attaque généralisée et systématique" des Yazidis par l'EI
Le Belge Sammy Djedou a été reconnu coupable de "crime de génocide" contre cette minorité, en Irak et en Syrie, ainsi que de "crimes contre l'humanité" pour avoir séquestré, frappé, violé et contraint à l'esclavage sexuel trois femmes yazidies entre fin 2014 et fin 2016.
Dans ses motivations la cour a dénoncé l'"attaque généralisée et systématique" des Yazidis par l'organisation État islamique, notamment dans ses fiefs de Raqqa (Syrie) et Mossoul (Irak). "Avec une brutalité et une violence extrême" auxquelles l'accusé a participé, souligne le verdict lue par la présidente.
Cette enquête de la justice antiterroriste belge s'est appuyée sur des témoignages recueillis par des ONG et des journalistes en zone de guerre après la chute du dernier bastion de l'EI à Baghouz (Syrie) en 2019. Elle a permis d'identifier trois femmes yazidies ayant été victimes de Djedou.
"C'est historique pour la Belgique", a salué auprès de l'AFP l'avocate Olivia Venet qui défendait deux de ces femmes s'étant portées parties civiles. Selon elle la justice belge a une responsabilité particulière car la Belgique est en proportion de sa population "le pays qui a fourni le plus de combattants étrangers à l'État islamique".
Il encourt la perpétuité
Les Yazidis sont une minorité kurdophone, adepte d'une religion pré-islamique, qui était implantée principalement dans le nord de l'Irak avant de subir les assauts et persécutions des jihadistes de l'EI à partir d'août 2014, et de fuir en masse. Selon l'ONU, des milliers de femmes et adolescentes ont alors subi viols, enlèvements et traitements inhumains, dont l'esclavage. Des hommes yazidis ont été tués par centaines.
Dans ce procès, Sammy Djedou encourt une peine de réclusion à perpétuité. La cour d'assises doit procéder à une seconde délibération vendredi pour fixer la peine.
Né en août 1989 d'une mère belge et d'un père ivoirien, converti à l'islam à 15 ans, ce Bruxellois était parti rejoindre les rangs de l'EI en 2012. Il était devenu en Syrie, aux côtés d'autres combattants étrangers, un cadre de la cellule des opérations extérieures de l'organisation jihadiste chargée de préparer des attentats en Europe. Il a été cité dans la procédure dite "Paris bis", jugée à Bruxelles en 2022, ciblant diverses complicités dont ont bénéficié les auteurs des attentats du 13 novembre 2015 en France (130 morts).
Dans le dernier jugement en date en Europe concernant les Yazidis, une Suédoise d'origine irakienne a été condamnée en février 2025 à 12 ans de prison par un tribunal de Stockholm pour avoir réduit en esclavage des femmes et des enfants de cette minorité en Syrie pendant cinq mois en 2015.
Le premier procès européen s'était tenu en Allemagne, avec la condamnation fin 2021 à la prison à vie d'un jihadiste irakien reconnu coupable d'avoir laissé mourir de soif une fillette yazidie réduite en esclavage avec sa mère, en Irak.
Un autre procès est prévu à Paris en mars 2026, le premier en France concernant le génocide des Yazidis, ciblant aussi un jihadiste présumé mort.
Avec AFP
