C'est bien connu... Même à l’heure de la mondialisation libérale, l’argent public n’a pas d’odeur. Plusieurs millions d’euros d’argent publique sont investis pour chaque nouvelle usine de construction aéronautique qui ouvre dans le monde. Et pourtant, les grands constructeurs ne cessent de se mener une guerre juridique, souvent devant l’OMC, pour aides publiques illégales.
Belfast, le 17 novembre 2009. Le constructeur canadien Bombardier inaugure une nouvelle usine de construction d’ailes pour sa dernière création : le C-Series. Cet avion, avec une capacité de 100 à 150 places, vise un autre marché que celui accaparé par les géants Airbus et Boeing : celui du transport régional, resté dynamique malgré la crise. Représenté par Arlene Forster, ministre des entreprises, le gouvernement nord-irlandais est au rendez-vous pour cette inauguration. Il a été présent à chaque étape de l’histoire de Bombardier en Irlande.
Ce sont plus de 140 millions d’euros qui été ont versés à bombardier, en plusieurs paliers, depuis 1989. Prêts ou subventions, le gouvernement ne recule devant rien pour s’assurer que le constructeur canadien ne quittera pas le sol irlandais. A la clef : plusieurs milliers d’emplois et une valorisation du secteur industriel local.
Ce système de subventions est bien implanté, Boeing et Airbus en profitent depuis plus d’une dizaine d’années. Il semble peu probable que ce modèle change. Selon Jean Marc Thouvenin, auteur d’un ouvrage sur la question, le secteur aéronautique est tout simplement trop coûteux pour fonctionner sans l’aide de fonds publics.
Des contentieux sont pourtant continuellement portés devant l’OMC ou encore la commission Européenne ; chaque constructeur contestant la légitimité de la subvention accordée au concurrent. Une plainte contre Airbus déposé par Boeing est toujours en cours de traitement par l’OMC. Elle pourrait sanctionner le constructeur européen selon un rapport préliminaire. Airbus a également déposé plainte contre Boeing pour les mêmes raisons. Mais alors que la crise a poussé des Etats à injecter des millions dans leurs secteurs bancaires ou automobiles, les organismes ont tendance à réfléchir deux fois avant de condamner l'octroi d'aides publiques.
Une enquête de Jérôme Bonnard, Mounia Ben Aïssa, Maud Jullien et Ali Laïdi.