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Présidentielle en Côte d’Ivoire : le rôle clé de deux institutions chargées d'encadrer le scrutin
En Côte d’Ivoire, le processus électoral est encadré par la Commission électorale indépendante, chargée de l’organisation du scrutin, et le Conseil constitutionnel, garant de sa régularité et de la gestion des contentieux. Deux institutions dont l’impartialité fait régulièrement débat au sein de la société ivoirienne.

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Une agent de la Commission électorale indépendante ivoirienne inscrit un électeur lors des premières étapes de la révision de la liste électorale nationale à Abidjan, le 16 novembre 2024. © Issouf Sanogo, AFP
05:53

Les deux piliers du système électoral ivoirien : la Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil constitutionnel ont pour rôle d'assurer la transparence et la légitimité du processus démocratique en vue de l'élection présidentielle du 25 octobre. Elles sont garantes du bon déroulement de ce scrutin qui doit permettre aux Ivoiriens de choisir un nouveau président pour les cinq années à venir. 

La CEI, responsable de l’organisation et de la logistique

Autorité administrative indépendante possédant son propre budget, la CEI est chargée d’organiser, superviser et contrôler toutes les opérations électorales et référendaires dans le pays. Elle est composée d’une commission centrale, dont le siège est à Abidjan, ainsi que de commissions locales à travers tout le territoire.

Ses prérogatives incluent la gestion et la mise à jour de la liste électorale, pour y ajouter les nouveaux électeurs et radier les défunts ou bien ceux qui ont perdu leurs droits civiques pour cause de condamnation. La CEI supprime également à chaque révision de la liste des personnes inscrites frauduleusement ou pour qui l'inscription est irrégulière ou incomplète. 

Cet organe encadre également la collecte des parrainages citoyens, obligatoire depuis 2020. Chaque candidat doit obtenir le soutien d’au moins 1 % des électeurs dans la moitié des régions et districts autonomes du pays. La CEI fournit aux collecteurs des kits numériques ainsi qu’un modèle papier pour les zones sans connexion suffisante, les forme et les accompagne durant ce processus.

La CEI réceptionne les dossiers de candidatures à la présidentielle et contrôle la validité des documents fournis. Enfin, elle gère l’acheminement du matériel électoral et l’organisation des bureaux de vote ainsi que la collecte et la transmission des résultats.

Pour la logistique, la CEI s’appuie sur les services administratifs du ministère de l’Intérieur, qui met à disposition des moyens matériels nécessaires à l’organisation du scrutin et assure la sécurité du processus.

Le Conseil constitutionnel, arbitre juridique 

Garant de la conformité juridique des élections, le Conseil constitutionnel intervient à plusieurs étapes clés du processus électoral. Il statue sur l’éligibilité des candidats, tranche les contentieux électoraux et proclame les résultats définitifs du scrutin présidentiel. 

Il joue également un rôle de supervision au cours du processus électoral, s’assurant que les règles constitutionnelles et légales sont respectées lors du vote, du dépouillement et de la transmission des résultats.

Après validation administrative, la CEI transmet les dossiers des candidats à la présidentielle au Conseil constitutionnel. Celui-ci publie une liste provisoire de candidats, reçoit et examine les réclamations et observations, puis déclare les candidats éligibles ou non, avant de publier la liste définitive.

À l’issue du scrutin, le processus de contrôle et de validation est similaire, si ce n’est que c’est la CEI qui annonce et publie les résultats provisoires de l’élection. Le Conseil constitutionnel intervient pour valider ces résultats, traiter les éventuelles contestations et proclamer les résultats définitifs.

Enfin, s'il constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat, il peut en prononcer l’annulation totale ou partielle.

Cette situation s’est produite en 2010, provoquant la plus grave crise électorale de l’histoire de la Côte d'Ivoire. Alors que la CEI avait déclaré Alassane Ouattara vainqueur, le Conseil constitutionnel avait invalidé les résultats dans sept départements et annoncé la victoire de Laurent Gbagbo.

Une décision, jugée infondée par la communauté internationale, l’ONU et la plupart des observateurs internationaux, qui avait paralysé les institutions et conduit à de violents affrontements faisant plus de 3 000 morts.

Procès en partialité 

La Côte d’Ivoire est dotée de plusieurs outils censés permettre des élections apaisées. Le pays compte une pluralité de partis, très actifs sur la scène politique, et a fait le choix d’un scrutin majoritaire à deux tours, favorisant la légitimité du chef de l’État, encadré par la CEI et le Conseil constitutionnel.

Pourtant ces deux instances font l’objet de critiques récurrentes quant à leur véritable indépendance. Début juin, la CEI a radié de la liste électorale l’un des principaux candidats d’opposition, Tidjane Thiam, et confirmé l’inéligibilité de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro à la présidentielle de 2025, provoquant une vive polémique.

La CEI affirme n’avoir fait que respecter les règles. Le premier a été radié par décision de justice, au motif qu’il n’était pas ivoirien au moment de son enrôlement en 2022. Il a retrouvé sa nationalité ivoirienne en mars, après avoir renoncé à sa nationalité française.

Les trois autres ont été écartés pour cause de condamnations judiciaires. Tous dénoncent une manœuvre du pouvoir destinée à écarter ses adversaires et réclament une nouvelle révision de la liste électorale. 

Celle-ci doit avoir lieu chaque année, selon la loi ivoirienne. Mais la CEI n'en organisera pas en 2025 du fait du calendrier particulièrement chargé, a-t-elle fait savoir, avec la présidentielle puis les élections législatives, qui ont été avancées au mois de décembre. 

Une décision inacceptable, dénonce l'opposition qui réclame par ailleurs une réforme de la CEI.

Parmi ses dix-huit membres, six sont liés au pouvoir. Cinq sièges sont réservés aux différents partis d’opposition, six aux représentants de la société civile et le dernier à un représentant du Conseil supérieur de la magistrature. Ce dernier, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, est président de la CEI depuis 2019. Il revendique une posture de neutralité et dénonce des accusations "injustes" contre son institution.

L’opposition appelle de son côté à un "rééquilibrage", la considérant trop favorable au pouvoir. En signe de protestation, ses deux principaux représentants, le PPA-CI et le PDCI, ont suspendu leur participation à la CEI en avril.

Présidentielle en Côte d’Ivoire : le rôle clé de deux institutions chargées d'encadrer le scrutin

Le Conseil constitutionnel a lui aussi fait l’objet d’accusations similaires lorsqu’il a autorisé Alassane Ouattara à briguer en 2020 un troisième mandat, jugé inconstitutionnel par l’opposition. 

En septembre, il a validé la candidature pour un quatrième mandat du président Alassane Ouattara et a confirmé l'exclusion des principaux candidats d'opposition. 

Les adversaires du président ne sont pas les seuls à pointer du doigt les carences de la démocratie ivoirienne. Dans son dernier rapport, l’Institut V-Dem, centre de recherche de référence sur les questions de démocratie, classe la Côte d’Ivoire parmi les "autocraties électorales", un type de régime qui, malgré des élections multipartites, reste caractérisé par des irrégularités électorales fréquentes, des restrictions à la liberté d’expression et de sérieuses limitations à la compétition politique, selon le centre de recherche indépendant basé en Suède.

La Côte d'Ivoire occupe la 107e place du classement pour la qualité de sa démocratie, sur 179 pays, loin derrière plusieurs de ses voisins dont le Ghana (50e), le Sénégal (69e) et le Liberia (78e).