
Une photo diffusée par le maire de Sotchi, Andrey Proshunin, sur sa chaîne Telegram le 3 août 2025, montre des pompiers à l'œuvre dans un dépôt de carburant après une attaque nocturne menée par des drones ukrainiens. © AFP
Deux nouveaux sites pétroliers russes situés dans les régions de Briansk et de Samara ont été bombardés dans la nuit, a annoncé mardi 23 septembre l'armée ukrainienne. Dernier exemple en date d'une série d'attaques contre les infrastructures pétrolières et gazières destinées à perturber les chaînes d'approvisionnement et faire grimper les prix sur le marché intérieur.
Alors qu'un quatrième hiver de guerre se dessine avec la crainte pour les Ukrainiens d'un déchaînement de frappes russes sur les systèmes de gaz et d'électricité, Kiev entend rendre coup pour coup à Moscou.
"Les attaques ukrainiennes visant les installations pétrolières russes ont gagné en intensité depuis le début du printemps. C'est à la fois une réponse aux attaques massives sur les villes ukrainiennes et une stratégie pour paralyser la production pétrolière russe et contraindre Moscou à négocier la paix", note Huseyn Aliyev, spécialiste de la guerre en Ukraine à l’université de Glasgow.
La semaine dernière a été particulièrement intense sur le front de la guerre énergétique. Le 18 septembre, Kiev a mené deux frappes distinctes : l'une contre la raffinerie de pétrole et l'usine pétrochimique Gazprom Neftekhim Salavat à Bachkortostan, dans le centre de la Russie, l'autre contre l'une des plus grandes raffineries du pays à Volgograd, dans le sud du pays. Dans les deux cas, les autorités russes ont minimisé les dégâts causés par ces attaques dont l'ampleur n'a pu être vérifiée de manière indépendante.
Le lendemain, des drones ukrainiens à longue portée ont endommagé plusieurs stations de pompage de pétrole destiné à l'exportation via le port de Novorossiysk dans le sud de la Russie, selon une source des services secrets de l'État ukrainien [SBU] cité par le Kyiv Independant.
Mettre à mal l'effort de guerre russe
L'état-major ukrainien a en outre revendiqué deux attaques contre des raffineries de pétrole dans la nuit du 20 septembre dans les oblasts russes de Saratov et Samara. Des installations directement associées à l'effort de guerre russe, selon Kiev.
"Les forces de défense ukrainiennes mettent systématiquement en œuvre des mesures visant à réduire le potentiel militaro-économique de l'État agresseur. Il s'agit en particulier de saper les capacités logistiques de la Fédération de Russie dans le secteur du raffinage du pétrole et de perturber les systèmes d'approvisionnement en carburant et en lubrifiants des forces armées de la Fédération de Russie", a écrit l'état-major dans une publication sur Facebook.
"Les sanctions les plus efficaces, celles qui agissent le plus rapidement, sont les incendies qui ravagent les raffineries de pétrole, les terminaux et les dépôts pétroliers russes", avait également déclaré le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dans son allocution vidéo nocturne du 14 septembre.
Une déclaration qui intervenait deux jours après une opération d'envergure impliquant plus de 200 drones contre le plus grand terminal russe de la mer Baltique : le port pétrolier de Primorsk dans la région de Leningrad, plaque tournante des exportations maritimes de Moscou.

Pénuries et hausse des prix
Pour mener à bien ses opérations contre ces raffineries, l'Ukraine s'est notamment reposée sur des drones Liutyi. Conçu pour des frappes de précision, cet engin peut parcourir jusqu'à 2 000 kilomètres avec une charge explosive de 75 kilos.
"Auparavant, de nombreuses attaques visaient des installations pétrolières et des raffineries situées près des frontières ukrainiennes. Aujourd'hui, ces installations sont soit hors service, soit mieux protégées. L'Ukraine tente donc de pousser plus profondément dans le territoire russe. Elle y parvient car la production de drones longue portée a considérablement augmenté mais aussi parce que la Russie ne dispose pas de suffisamment de défenses antiaériennes pour protéger toutes ses installations", analyse Huseyn Aliyev.
Selon les calculs de l'agence Reuters, le renforcement de cette stratégie visant à frapper les installations pétrolières russes a permis de réduire de 17 % les capacités de raffinage de la Russie à la fin du mois d'août avec à la clé des pénuries locales sur certains types de carburant et une hausse des prix à la pompe.
Mykhailo Gonchar, président du Centre d'études mondiales Strategy XXI à Kiev, un groupe de réflexion spécialisé dans les questions énergétiques, confirme l'impact de ces frappes sur les chaînes d'approvisionnement.
"Nous assistons à l'émergence d'une crise du carburant en Russie, et celle-ci ne s'arrête pas", estime l'expert interrogé par le Washington Post, assurant que les prix de l'essence en Russie ont augmenté de plus de 20 % par rapport à la même période l'année dernière.
Pour juguler la hausse des prix du carburant, Moscou a prolongé, fin août, l'interdiction d'exporter de l'essence jusqu'au mois d'octobre.
Un impact limité sur le front
Selon une note d'analyse publiée le 16 septembre par l'Institute for the Study of War (ISW), la campagne de frappes menée par l'Ukraine contre les infrastructures énergétiques russes affecte "la capacité de la Russie à financer sa guerre en Ukraine et exacerbe les pénuries chroniques d'essence en Russie et dans l'Ukraine occupée".
Associées aux sanctions occidentales, ces attaques à répétition permettent de porter des coups supplémentaires à l'économie russe qui dépend fortement des revenus du pétrole et du gaz. Les exportations d'or noir représentent environ un tiers du budget fédéral de la Russie. Touchée par la baisse des revenus du pétrole, la croissance russe ralentit et le déficit budgétaire explose.
Cependant, ces attaques restent loin de pouvoir enrayer la machine de guerre russe dans l'immédiat, estime Huseyn Aliyev. "Cela n'aura probablement aucun effet sur le champ de bataille. Aujourd'hui, la Russie ne s'appuie plus autant qu'auparavant sur des véhicules lourds tels que des chars et autres véhicules blindés, en raison de la prédominance des drones sur le champ de bataille".
"Par ailleurs, la logistique continue de fonctionner et l'armée russe peut toujours compter sur ses installations plus à l'Est, notamment en Sibérie" et hors de portée des drones ukrainiens, ajoute l'expert. "Cela prend plus de temps et c'est un peu plus cher avec le transport mais au final le surcoût finira par retomber sur les consommateurs".