
Sébastien Lecornu et Emmanuel Macron, le 20 juin 2025, à l'aéroport du Bourget près de Paris. © Benoît Tessier, AFP
Emmanuel Macron a cette fois-ci rapidement tranché avec une décision qui est tout sauf une surprise : le macronisme se poursuivra avec Sébastien Lecornu à Matignon. Le chef de l’État prend ainsi le risque de prolonger le blocage institutionnel ou de voir son cinquième Premier ministre en en moins de deux ans être à son tour renversé d’ici quelques semaines.
Car celui qui était ministre des Armées depuis 2022 est un proche du président de la République, qu’il avait rejoint après son élection en 2017 en quittant le parti Les Républicains. Sa nomination, qui avait déjà failli se produire en décembre 2024 après la chute de Michel Barnier, est donc le signe qu’Emmanuel Macron entend poursuivre la même politique.
"L’action du Premier ministre sera guidée par la défense de notre indépendance et de notre puissance, le service des Français et la stabilité politique et institutionnelle pour l’unité du pays", affirme d’ailleurs le communiqué de l’Élysée. En d’autres termes, il sera impératif pour le Premier ministre de construire un budget 2026 visant à réduire la dette française, et donc qui demandera des efforts aux Français, à l’image de ce que prévoyait le budget de François Bayrou.
Et même si Emmanuel Macron demande à Sébastien Lecornu, avant de composer son gouvernement, de "consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la nation et bâtir les accords indispensables aux décisions des prochains mois", le casting gouvernemental ne devrait guère changer. Les mêmes têtes d’affiche comme Bruno Retailleau, Gérald Darmanin, Élisabeth Borne, Catherine Vautrin, Rachida Dati ou encore Manuel Valls ont ainsi de fortes chances d'être reconduites.
Dans ces conditions, comment imaginer Sébastien Lecornu faire mieux que ses deux prédécesseurs ? Alors que le chef de l’État avait demandé le 2 septembre aux responsables du socle commun de "travailler" avec les socialistes, ces derniers, qui espéraient gouverner, ont rapidement fait savoir que le nouveau Premier ministre ne pourrait pas compter sur eux.
"Emmanuel Macron s’obstine donc dans une voie à laquelle aucun socialiste ne participera. Celle qui a conduit à l’échec et au désordre et qui aggrave la crise, la défiance et l’instabilité", affirme le communiqué du Parti socialiste publié mardi soir. "Sans justice sociale, fiscale et écologique, sans mesures pour le pouvoir d’achat, les mêmes causes provoqueront les mêmes effets", conclut le texte.
Dîners secrets avec Marine Le Pen et Jordan Bardella
Le salut ne pouvant a priori venir de sa gauche, Sébastien Lecornu se tournera-t-il vers son extrême droite ? Alors ministre des Armées, il avait été épinglé en 2024 par Libération, puis de nouveau en 2025 par Le Canard enchaîné, pour des dîners avec Marine Le Pen et Jordan Bardella.
Impossible de savoir si ces rencontres secrètes avec les dirigeants du Rassemblement national (RN) lui assureront une non-censure des 123 députés d’extrême droite. Mais déjà, le discours du RN a évolué. Alors qu’il réclamait une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale et promettait la censure en cas de nomination d’un Premier ministre macroniste, Jordan Bardella semble plus enclin à laisser sa chance à Sébastien Lecornu.
"Nos principes ne varient pas et l’intérêt des Français demeure notre unique boussole. Ce n’est pas une question de personne ni de casting, mais de politique menée : nous jugerons – sans illusion – le nouveau Premier ministre sur pièces, à ses actes, à ses orientations pour donner un budget à la France, et ce à l'aune de nos lignes rouges", a-t-il écrit sur X mardi soir.
Parmi ces lignes rouges figurent toutefois le refus de faire payer aux Français les coupes budgétaires, notamment via l’année blanche que prévoyait le budget de François Bayrou et qui était qualifiée par Marine Le Pen de "purge fiscale et sociale".
L’équation qui se présente à Sébastien Lecornu apparaît donc tout aussi ardue que pour Michel Barnier et François Bayrou, voire encore plus délicate. Car son arrivée à Matignon – la passation de pouvoirs est prévue mercredi 10 septembre à midi – survient le même jour que "Bloquons tout", un mouvement social appelant à bloquer le pays. À peine entré en fonction, le nouveau Premier ministre doit gérer une crise dans la crise.