
Un manifestant brandissant une pancarte "Bayrou ment" lors de la manifestation du 1er mai 2025 à Paris. © Ian Langsdon, AFP
Attention ! La France entre dans une zone de très fortes turbulences. Le pays s’apprête à vivre une semaine politique et sociale particulièrement intense. Entre la chute annoncée du gouvernement de François Bayrou, le choix que devra faire Emmanuel Macron, le mouvement "Bloquons tout" et une possible dégradation de sa note de crédit, la France ne sera plus tout à fait la même d’ici sept jours.
Depuis l’annonce du Premier ministre le 25 août de la tenue d’un vote de confiance, le monde politique est en ébullition et se demande de quoi l’après-Bayrou sera fait. D’autant que la rentrée sociale, avec le mouvement "Bloquons tout" prévu le 10 septembre et la journée d’action intersyndicale programmée le 18, était déjà annoncée comme potentiellement explosive.
France 24 fait le point sur les enjeux d’une semaine à hauts risques.
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Lundi 8 septembre : la chute promise de François Bayrou
Le Premier ministre a eu beau se démener depuis le 25 août pour sauver son gouvernement en recevant les responsables des partis politiques et en multipliant les rendez-vous médiatiques, sa chute ne fait aucun doute. Il pensait trouver un chemin pour éviter d’être renversé lundi et refusait de croire toutes les oppositions qui promettaient depuis deux semaines de ne pas voter la confiance, mais François Bayrou a fini par se rendre à l’évidence : son avenir est scellé.
Le chef du gouvernement a ainsi commencé à évoquer, dans ses dernières interventions médiatiques, l’après-8 septembre. Il a estimé, vendredi 5 septembre, sur RTL, "extrêmement difficile" le choix que devra faire Emmanuel Macron après son renversement et a assuré qu’il n’y aurait pas "d’interruption du gouvernement". "Je remplirai ma mission avec tout ce que j'ai de conscience et de volonté de préserver les choses, et je serai là pour aider mon pays", a-t-il affirmé.
Son choix de ne pas publier avant lundi les décrets augmentant les franchises médicales – François Bayrou avait annoncé à la mi-juillet son intention de doubler de 50 à 100 euros le plafond annuel de ces sommes qui restent à la charge des assurés sociaux sur les boîtes de médicaments, actes paramédicaux, transports sanitaire et consultations médicales – montre également qu’il ne se voit plus aux commandes après le vote de confiance.
Celui-ci se déroulera lundi en fin d’après-midi ou en début de soirée. La séance s’ouvrira à 15 h et débutera par l’intervention de François Bayrou. Puis un représentant de chaque groupe s’exprimera, avant que le Premier ministre ne leur réponde. Cette séquence pourrait durer entre trois et quatre heures. Le vote se tiendra dans la foulée et durera 30 minutes.
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Mardi 9 septembre : que fera Emmanuel Macron ?
Le gouvernement de François Bayrou renversé, le président de la République se retrouvera en première ligne et devra choisir : nommer un nouveau Premier ministre rapidement, comme le veulent les partis du socle commun et le Parti socialiste, dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale, comme le demande notamment le Rassemblement national, ou bien démissionner, comme le réclame La France insoumise ?
Si Emmanuel Macron a exclu cette dernière option et semble pour le moment écarter la dissolution, impossible toutefois de faire le moindre pronostic, tant le chef de l’État aime à prendre des décisions inattendues. Il pourrait très bien se résoudre à convoquer de nouvelles élections nationales ou nommer à nouveau un Premier ministre issu de son camp – les noms de Catherine Vautrin, Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin circulent à nouveau. Nommer à Matignon une personnalité étiquetée de gauche comme Bernard Cazeneuve, voire un socialiste, est aussi une option. Il apparaît en revanche peu probable qu’Emmanuel Macron accepte de nommer un Premier ministre déterminé à changer de cap et à revenir sur les fondamentaux de sa politique (non taxation des plus riches, aide aux entreprises, réforme des retraites...).
L’autre inconnue concerne le temps de réflexion que va s’accorder le président de la République. En 2024, il avait attendu deux mois après le résultat des élections législatives du 7 juillet pour nommer Michel Barnier. Puis, après la motion de censure du 4 décembre ayant renversé ce dernier, il lui avait fallu neuf jours pour se décider à nommer François Bayrou. L’ensemble de la classe politique le presse cette fois-ci d’aller vite, d’autant qu’un nouveau budget devra être préparé et présenté à l’Assemblée nationale avant début octobre.
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Mercredi 10 septembre : journée d’action du mouvement "Bloquons tout"
Le mouvement a été lancé par des appels sur les réseaux sociaux au printemps mais a surtout pris de l’ampleur au lendemain de la présentation de son budget, le 15 juillet, par François Bayrou. Le but : bloquer la France le 10 septembre avec des grèves, des débrayages et des blocages.
Largement soutenu par la gauche politique et en particulier La France insoumise, "Bloquons tout" est devenu au fil des semaines de l’été un mouvement noyauté par la gauche radicale et l’extrême gauche. Le profil de ses partisans actifs sur les boucles Telegram, notamment, a été étudié par une enquête de la Fondation Jean-Jaurès et par les renseignements territoriaux. Ces derniers affirmaient ainsi, dans une note révélée par Le Parisien, que "la dynamique actuelle repose principalement sur des militants associatifs, politiques, issus de la mouvance d’ultragauche, et certaines fractions syndicales".
Reste à savoir si l’appel au blocage et les nombreuses assemblées générales organisées en amont du 10 septembre seront suivies le jour-J et si le pays sera effectivement bloqué. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a déclaré, vendredi 5 septembre lors d’un déplacement à Clermont-Ferrand, ne pas croire à "des mouvements d'ampleur" mais a estimé qu'il pourrait toutefois y avoir "des actions spectaculaires". "J'ai envoyé un télégramme au préfet pour leur demander de faire preuve de la plus grande fermeté. Il n'est pas question que des sites stratégiques, des infrastructures essentielles à la vie du pays puissent être bloqués", a affirmé le ministre.
Les autorités s'attendent à des actions diverses sur tout le territoire, allant de blocages de gares, de raffineries, d'axes de circulation, à des opérations de sabotages de radars automatiques et des manifestations classiques.
Les services de renseignements soulignent la difficulté à anticiper ce que sera ce mouvement "horizontal" et sans chef. "Chacun fait ce qu'il veut" dans un contexte de "grogne et de colère", notait mercredi une source sécuritaire. Si bien que les forces de l'ordre se préparent à toute éventualité.
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Vendredi 12 septembre : Fitch dégradera-t-elle la note souveraine de la France ?
La semaine politique et sociale pourrait s’achever par une dégradation de la note de crédit de la France, à l’image de ce qu’il s’était passé en décembre 2024 lorsque l’agence Moody’s avait abaissé la note française, après la chute du gouvernement de Michel Barnier.
Or, l’agence Fitch, qui fait régulièrement office de précurseur, doit justement publier son avis sur la France le 12 septembre, après avoir maintenu en octobre dernier la note de crédit de la France à "AA-" mais revu sa perspective à "négative".
Nombre d'analystes estiment que le vote du 8 septembre à l'Assemblée nationale accroît le risque d'une dégradation de la note de crédit de la France. "Si le gouvernement venait à échouer à obtenir la confiance lors d'un vote lié à la nécessité d'un resserrement budgétaire, cela viendrait alimenter l'idée qu'il n'y a que peu d'appétit électoral ou politique pour une austérité budgétaire", analyse pour Reuters Aman Bansal, stratégiste chez Citi.
Toutefois, selon Rohan Khanna, responsable de la stratégie des taux de la zone euro chez Barclays, il est généralement plus difficile de dégrader dans une catégorie inférieure la note d'un pays emprunteur. "Il n'est pas facile de faire cela pour la deuxième plus grande économie d'Europe", déclare-t-il, estimant que la nomination d'un nouveau Premier ministre contribuerait à écarter la menace d'une dégradation de la note souveraine de la France.
Morgan Stanley affirme être d'avis qu'il pourrait être prématuré pour Fitch de revoir sa note à la baisse, alors que l'agence y a déjà associé une perspective négative. En mars dernier, Fitch avait par ailleurs indiqué s'attendre à ce que le déficit public de la France atteigne 5,6 % du produit intérieur brut (PIB) l'an prochain, un pourcentage nettement supérieur à l'objectif du gouvernement (4,6 %). L'agence anticipait également un possible scrutin cette année.
Avec AFP et Reuters