logo

Embargo, gel d’avoirs… Ce qui attend l’Iran si les sanctions de l'ONU sont réactivées
Si la procédure dite de "snapback" est enclenchée à la mi-octobre, un arsenal de sanctions internationales frappera une économie iranienne déjà étranglée. L'Iran redoute moins un choc économique qu’un isolement politique accru, dont pourraient profiter ses ennemis pour lui porter de nouveaux coups.
La monnaie iranienne a chuté après l’annonce par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni de la réactivation des sanctions des Nations unies contre Téhéran. © Atta Kenare, AFP

Le 18 octobre, l'Iran risque un retour des sanctions onusiennes par le biais du mécanisme du "snapback", qui réimpose automatiquement des mesures punitives contre Téhéran en cas de manquement à l’accord sur le nucléaire de 2015. Déjà étouffée financièrement par les mesures américaines et européennes, la République islamique pourrait surtout se retrouver dans un isolement diplomatique accru.

L'Iran figure déjà parmi les pays les plus lourdement sanctionnés au monde. Il croule sous un millefeuille de sanctions cumulées depuis 1979, date de la révolution iranienne.

L'accord nucléaire de 2015, qui avait entraîné une levée partielle des sanctions de l’ONU, lui avait offert quelques années de répit. Mais le retrait des États-Unis en 2018, sous le premier mandat de Donald Trump, a brutalement refermé cette parenthèse. Washington a rétabli de lourdes sanctions frappant le pétrole, l’aéronautique, le secteur minier et interdisant l’usage du dollar dans les transactions commerciales avec Téhéran.

Outre ces sanctions américaines, l'Union européenne a imposé à l'Iran son propre éventail de mesures punitives, dès 2011 en réaction aux graves violations des droits humains commises dans le pays, puis en 2022 après le soulèvement "Femme, vie, liberté", compte tenu de la détérioration de la situation. Les Européens ont aussi sanctionné Téhéran pour ses activités de prolifération nucléaire et le soutien militaire iranien à la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine. Ces sanctions ont été prolongées au moins jusqu'en avril 2026.

Elles incluent notamment l'interdiction d’importer du gaz naturel et du pétrole brut iraniens, de vendre à l’Iran des armes ou des équipements pouvant servir à la répression interne, ainsi que de commercer avec des entités comme les Gardiens de la révolution. À cela s’ajoute un volet financier majeur visant les banques iraniennes et l’exclusion du pays du système bancaire mondial Swift.

"Une dimension de droit international"

Peu à peu, au fil des ans, cet empilement de mesures a complètement isolé le régime financier iranien du reste du système international. Mais alors que l'Iran est déjà l’un des pays les plus sanctionnés au monde, que changerait vraiment le retour des sanctions onusiennes ?

Vendredi dernier, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont accordé à l’Iran un mois pour négocier sur son programme nucléaire. Faute d’accord, la procédure de "snapback" rétablira d'ici moins de trente jours un arsenal de mesures onusiennes : embargo sur les armes, interdiction de développer ou de tester des missiles balistiques, gel d’avoirs financiers et restrictions de déplacement pour des responsables iraniens. Les mesures s’appliquent aussi au domaine nucléaire, proscrivant entièrement l’enrichissement et le retraitement de l’uranium. Plusieurs projets de coopérations nucléaire, maritime et aéronautique seraient également suspendus, tout comme certaines exportations.

À la différence des sanctions américaines ou européennes, les résolutions onusiennes s’appliquent à l’ensemble des pays membres de l'ONU, y compris la Russie et la Chine, alliées de l'Iran. "Les sanctions onusiennes revêtent une dimension de droit international qu'il n’y a pas dans les sanctions américaines", explique David Rigoulet-Roze, rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques.

Pour la Chine, qui s’approvisionne discrètement en pétrole iranien, la situation deviendrait plus complexe. Déjà soucieux d’éviter les sanctions américaines, les acteurs chinois recourent à diverses méthodes pour dissimuler l'origine du brut, notamment en le mélangeant afin d’en brouiller la traçabilité.

"Si les sanctions onusiennes étaient rétablies – même si elles ne prévoient pas en tant que tel un embargo pétrolier –, cela placerait tout de même Pékin dans une situation inconfortable pour ses achats de pétrole iranien, dont la Chine est le principal client", souligne David Rigoulet-Roze.

Crainte de voir "légitimer une nouvelle attaque israélienne"

Les effets financiers devraient être "minimes par rapport aux sanctions unilatérales massives imposées par les États-Unis", observe l'International Crisis Group dans une analyse. "On ne peut toutefois pas les considérer comme de simples mesures symboliques, compte tenu de leur large portée. Leur caractère difficilement réversible – compte tenu de la difficulté de parvenir à un consensus parmi les membres permanents du Conseil de sécurité [pour les suspendre une fois rétablies] – risque en outre d’accentuer les problèmes d'une économie iranienne déjà fragilisée par une forte inflation, des difficultés monétaires et la dégradation des infrastructures", nuance l’ONG.

Pour Negar Mortazavi, analyste du Center for International Policy (CIP), ces mesures n'auront "pas d'impact majeur sur l'économie iranienne, le pays figurant déjà parmi les plus lourdement sanctionnés au monde". Elle précise à l’AFP que Téhéran cherche néanmoins à éviter un tel scénario, qui ne ferait qu’accentuer ses difficultés et renforcer son isolement international.

Plaçant le pays au "banc des nations" vis-à-vis du droit international, les sanctions onusiennes font redouter à Téhéran un contexte défavorable qui pourrait "légitimer une nouvelle attaque israélienne", analyse Thierry Coville, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Iran.

"De son côté, la population iranienne est très inquiète, notamment en ce qui concerne l’activité économique du pays, qui est presque à l’arrêt", souligne-t-il. La monnaie iranienne a dévissé dans les jours suivant l’annonce de vendredi. Le rial a atteint un nouveau seuil historique. Un dollar s’échange désormais à plus de 1,06 million de rials.

Pour afficher ce contenu YouTube, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.

Accepter Gérer mes choix

Une extension de votre navigateur semble bloquer le chargement du lecteur vidéo. Pour pouvoir regarder ce contenu, vous devez la désactiver ou la désinstaller.

Réessayer
Embargo, gel d’avoirs… Ce qui attend l’Iran si les sanctions de l'ONU sont réactivées
© France 24
02:40

Le pays doit déjà composer avec des pénuries d’eau et d’électricité, tandis que l’avenir du cessez-le-feu avec Israël demeure incertain. "Si à tous ces éléments s’ajoutent les sanctions des Nations unies, la situation continuera de se dégrader, une possibilité instaurant ainsi une inquiétude généralisée", prévient Thierry Coville.