Le ministre de l'Immigration a signé et transmis au Premier ministre François Fillon un projet de décret pour rejeter la demande de naturalisation d'un étranger qui oblige sa femme française à porter le voile intégral.
Un étranger imposant le voile intégral à sa femme, de nationalité française, s’est vu refusé sa demande de naturalisation. C’est ce qu’indique ce mardi le ministère de l’Immigration, qui annonce avoir transmis au Premier ministre un projet de décret pour refuser la nationalité française à une personne qui prive son épouse d’"aller et venir à visage découvert", et rejette ainsi "les principes de laïcité et d’égalité entre homme et femme".
Cette annonce du ministre de l’Immigration, Eric Besson, intervient quelques jours après les conclusions de la mission parlementaire sur le voile intégral préconisant son interdiction dans les lieux publics. "Lors de son audition par cette commission, Eric Besson a indiqué qu’il étudiait un moyen d’agir au cas par cas pour lutter contre le voile intégral avant qu’une loi ne soit promulguée", rappelle Roselyne Febvre, spécialiste des questions politiques à FRANCE 24.
Incompatible avec les valeurs de la République ?
itLe parti majoritaire UMP s’est aussitôt félicité de la décision du ministre de l’Immigration rappelant, dans un communiqué, que "la nationalité française ne peut s’obtenir si les valeurs de notre société ne sont pas respectées par le demandeur".
Le gouvernement réfléchit depuis plusieurs semaines à une manière de légiférer pour lutter contre le voile intégral, considéré comme un symbole de l'islam radical. Plusieurs ministres ont indiqué que son port n’était pas compatible avec les valeurs de la République tandis que le président Nicolas Sarkozy a déclaré à maintes reprises qu’il n’était de fait pas le "bienvenu en France". En juin 2008, une Marocaine portant le voile intégral s’était déjà vue refusé la nationalité française par le Conseil d’Etat.
Contactée par FRANCE 24, Viviane Souet, avocate à la Cour de Paris et spécialisée dans le droit des étrangers, estime que, sur ce sujet, le gouvernement se heurte "au principe de laïcité". "Rien n’est impossible, mais s’il veut absolument légiférer contre le voile intégral, il risque de se faire reprendre par la Cour européenne des droits de l’Homme", prévient-elle.
"Etre plus Français que les Français"
L'acquisition par un étranger de la nationalité française est soumise à un certain nombre de conditions "assez floues", estime Me Souet. Les principes de naturalisation sont exposés en de "grandes phrases" et des "termes génériques" qui laissent une importante place à l’interprétation, selon elle.
Les textes officiels stipulent que la "moralité" et l’"assimilation à la communauté française" du candidat doivent être vérifiées par une enquête préfectorale, puis lors d’un entretien individuel. Pour juger des "bonne vie et mœurs" du candidat, les entretiens sont alors très poussés. "Il est demandé aux candidats d’être plus Français que les Français qui n’ont pas eu à passer par une naturalisation", assure Me Souet. C'est d'ailleurs les conclusions de cet entretien qui a poussé le ministre de l’Immigration a refuser la nationalité de l’homme qui imposait le voile à sa femme. Viviane Souet rappelle cependant que ce cas exceptionnel et médiatisé ne doit pas faire oublier que ce sont le plus souvent "une condamnation pénale ou même un petit incident judicaire" qui motivent un refus de naturalisation.