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Kamala Harris pour, Donald Trump contre... L'IVG, enjeu de la présidentielle américaine
Publié le : 11/10/2024 - 17:16 Modifié le : 11/10/2024 - 17:18

Aux Etats-Unis, la question de l’avortement est devenue l'un des enjeux de la campagne pour la présidentielle. D’un côté, les républicains sont majoritairement convaincus qu’il faut interdire totalement l'Interruption volontaire de grossesse (IVG). De l’autre, les démocrates pensent plutôt que les femmes doivent avoir le droit de disposer de leur corps. Chaque camp a son hérault : Donald Trump chez les conservateurs, Kamala Harris pour les pro-choix. Dans la réalité de tous les jours, vingt-et-un Etats ont considérablement durci l’accès à l'IVG depuis le renversement de l’arrêt Roe contre Wade, en juin 2022.

Donald Trump s’en est vanté tant et plus : il est l’homme qui a renversé l’arrêt qui protégeait l’avortement au niveau fédéral depuis 1973. Cinquante ans après son adoption, "Roe contre Wade" n’est plus et la liberté des femmes d’interrompre une grossesse s’est réduite comme peau de chagrin. Dans les semaines qui ont suivi cette décision de la Cour suprême des Etats-Unis, en juin 2022, de nombreux Etats ont adopté des lois plus ou moins restrictives sur l’avortement. Au total, 21 Etats ont tellement réduit le périmètre que l’IVG y est interdit, même en cas de viol ou d’inceste - comme en Alabama - ou fortement restreint, et souvent limité à une interruption dans les six premières semaines de la grossesse seulement.

Cette bataille autour du droit à l’avortement a toujours eu lieu aux Etats-Unis, mais elle s’est accentuée en 2016, lorsque Donald Trump est entré en campagne pour son premier mandat présidentiel. A l’époque, il le claironnait fièrement : il se battait "pour ceux qui sont contre l’avortement", et proposait même – avant de se rétracter, de "punir les femmes qui avortent". Dès son arrivée au pouvoir, il avait effectivement commencé à démanteler le droit à l’IVG, en rétablissant par exemple une règle interdisant aux ONG recevant des fonds fédéraux de pratiquer ou promouvoir l’avortement.

Six mois plus tard, en nommant le conservateur Brett Kavanaugh à la Cour suprême, le républicain confirmait ses intentions concernant l’arrêt Roe contre Wade. Avec plus de juges conservateurs que démocrates, l’arrêt était condamné à moyenne échéance. Il a fini par tomber le 24 juin 2022 avec l’arrêt Dobbs vs Jackson Women’s Health Organization, le tout, ironie du sort, sous l’ère du démocrate Joe Biden...

Ambivalence de Melania Trump

Historiquement, pourtant, Roe vs Wade a marqué un changement important aux Etats-Unis. Cet arrêt était arrivé devant la Cour suprême après trois années de combat judiciaire mené par l’avocat Henry Wade contre "Jane Roe". De son vrai nom Norma McCorvey, cette jeune femme de 21 ans voulait avorter lors de sa troisième grossesse, alors qu’elle avait déjà donné son deuxième enfant à adopter et que sa première fille avait été élevée par ses parents. Alcoolique, peu éduquée, sans travail, elle ne pouvait pas faire face. Les avocates Sarah Weddington et Linda Coffee l’avaient défendue pour contester la loi du Texas interdisant alors les avortements. En 1973, elles avaient obtenu gain de cause et la confirmation que le 14è amendement de la Constitution américaine protégeait le droit des femmes à disposer de leur corps.

Pour cette nouvelle campagne présidentielle, le sujet de l’IVG est à nouveau sur le tapis et c’est même l’un des enjeux majeurs qui pourraient faire basculer les Etats pivots et les électeur·rices indécis·es, avec le pouvoir d’achat et l’immigration. Depuis 18 mois, les histoires dramatiques sur des femmes décédées pendant des grossesses dangereuses se multiplient. Il y a celles qui n’ont pas pu mettre un terme à une grossesse qui mettait leur vie en danger, celles qui, comme Amber Thurman, sont décédées après avoir subi une IVG dans un autre Etat que le leur et n’ont pas pu bénéficier de soins adéquats une fois de retour chez elles.

Alors que Donald Trump mène une campagne où il prône tout et son contraire sur l’avortement, son épouse Melania Trump défend le "droit fondamental à la liberté individuelle" pour les femmes d’interrompre une grossesse. Vraie liberté de parole de l’ex première dame des Etats-Unis ? Ou stratégie pour reconquérir une partie des électrices républicaines, refroidies par la crainte d’une interdiction totale de l’avortement même en cas d’inceste, de viol ou de danger pour la vie de la mère?

Côté démocrate en revanche, le message de la vice-présidente et candidate Kamala Harris est plus clair : elle fera tout pour permettre l’avortement accessible et sûr. Elle évoque, avec ces décès et mises en danger inutile de la vie des femmes enceintes, "une crise sanitaire [dont] Donald Trump est l’architecte." Pour elle, le républicain veut "ramener l’Amérique aux années 1800".

Le bras de fer autour du droit à l’IVG dépendra des Etats-pivots, où il les candidat·es doivent inciter les électeur·rices indécis·es à voter. Arizona, Caroline du Nord, Géorgie, Michigan, Nevada, Pennsylvanie et Wisconsin ont peut-être le droit des femmes à disposer de leurs corps dans leurs urnes.