Sa première prise de parole était très attendue. Trois mois après sa sortie de prison, Julian Assange s'est exprimé, mardi 1er octobre, devant les députés européens. Il est notamment revenu sur l'accord conclu en juin avec les États-Unis et ayant permis sa libération. Le fondateur de WikiLeaks, a affirmé avoir plaidé coupable aux accusations d'espionnage par les États-Unis car les efforts juridiques et politiques déployés pour protéger sa liberté n'avaient pas été suffisants.
"J'ai finalement choisi la liberté plutôt qu'une justice irréalisable", a déploré celui qui a passé les 14 dernières années d'abord cloîtré dans l'ambassade d'Équateur à Londres, puis en détention à Belmarsh, une prison proche de la capitale britannique.
"J'ai plaidé coupable d'avoir fait du journalisme"
"Je regrette l'ampleur du terrain perdu pendant cette période. À quel point dire la vérité a été stigmatisé, attaqué, affaibli et diminué. Je vois davantage d'impunité, de secret, de représailles pour avoir dit la vérité et plus d'autocensure", a-t-il déclaré dans un long propos introductif.
"Je veux être parfaitement clair : je ne suis pas libre aujourd'hui parce que le système a fonctionné. Je suis libre aujourd'hui, après des années d'incarcération, parce que j'ai plaidé coupable d'avoir fait du journalisme", insiste-t-il.
En juin, il a passé un accord avec la justice américaine, qui réclamait son extradition et le menaçait d'une lourde peine de prison.
En vertu de cet accord de plaider-coupable, il a été condamné à une peine déjà purgée en détention provisoire, pour "obtention et divulgation d'informations sur la sécurité nationale", et a donc pu être libéré et regagner l'Australie.
Mais devant le Conseil de l'Europe, qui regroupe 46 pays signataires de la Convention européenne des droits de l'homme – dont le Royaume-Uni, où il était enfermé – et s'est constamment opposé à son extradition, il s'est dépeint comme persécuté par les États-Unis et leur service de contre-espionnage pour son activité au sein de WikiLeaks.
Il est revenu sur l'histoire de ce site où il a publié à partir de 2010 des centaines de milliers de documents classifiés concernant les activités militaires et diplomatiques des États-Unis, ainsi que des récits d'exécutions extrajudiciaires et de collecte de renseignements contre les alliés de Washington.
"Ce qui m'est arrivé ne doit pas arriver à d'autres"
Des activités qui ont fait de lui une figure de la liberté d'expression pour ses partisans, un blogueur imprudent qui a mis des vies en danger et gravement compromis la sécurité des États-Unis pour ses détracteurs.
Il a affirmé que l'accord de plaider-coupable qu'il avait passé l'empêchait d'engager de nouvelles procédures judiciaires aux États-Unis.
"C'est pourquoi il est si important que [...] des institutions créatrices de normes comme l'APCE agissent pour qu'il soit clair que ce qui m'est arrivé ne doit pas arriver à d'autres", a-t-il insisté.
Son plaidoyer pourrait mettre à mal la demande de grâce présidentielle qu'il a faite à Joe Biden.
"Engageons-nous tous à faire notre part pour assurer que la lumière de la liberté ne faiblisse jamais, que la recherche de la vérité continue, et que les intérêts d'une poignée de personnes ne fassent pas taire les voix des plus nombreux", a poursuivi Julian Assange.
"Continuez le combat !", a-t-il lancé pour clore son intervention, montrant des signes de fatigue après une heure et demie à s'exprimer.
"Tout le monde peut voir qu'il est épuisé, qu'il est encore très clairement en train de se remettre", a déclaré ensuite son épouse, Stella Assange.
"Il fait beaucoup d'efforts pour aller mieux. C'est son premier objectif et il est toujours en train de se remettre", a également dit le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson. "Mais il est engagé, comme toujours, pour les principes fondamentaux qui sont les siens : la transparence, la justice, un journalisme de qualité."
L'Assemblée parlementaire, composée d'élus désignés par les parlements des 46 États membres, doit débattre mercredi à la suite de cette audition.
Le débat se fera sur la base d'un rapport, porté par l'élue islandaise Thorhildur Sunna Aevarsdottir (Parti pirate), qui qualifie de "disproportionnées" les poursuites et condamnations subies par l'Australien, et le décrit comme un "prisonnier politique".
Avec AFP et Reuters