
La police norvégienne recherche activement l’un de ses ressortissants pour son rôle présumé dans la retentissante opération de sabotage des bipeurs des militants du Hezbollah, qui aurait été planifiée par les services d’espionnage israéliens. Rinson Jose, entrepreneur de son état, a étrangement disparu depuis le 17 septembre, jour des explosions en série des bipeurs du mouvement libanais pro-iranien.

"Un dossier de personne disparue a été ouvert et nous avons lancé un avis de recherche international pour retrouver cette personne", a confirmé Mari Elise Bunæs Myhrer, de la police d'Oslo, à la chaîne de télévision NRK, jeudi 26 septembre.
De Taïwan à Oslo en passant par Sofia
Rinson Jose est le dernier personnage à avoir fait son apparition dans l’enquête médiatique aux multiples rebondissements pour déterminer comment des milliers de bipeurs piégés se sont retrouvés entre les mains des membres du Hezbollah. Une société qu’il a fondée en Bulgarie est soupçonnée d’avoir permis d’acheminer au Liban les engins qui ont explosé de manière simultanée.
Après l’attaque du 17 septembre, qui a causé la mort d'au moins 37 personnes et blessé près de 3 000 autres, les regards s’étaient d’abord tournés vers Gold Apollo, la marque taïwanaise des bipeurs piégés. Le PDG de ce groupe avait nié toute implication, suggérant aux médias du monde entier de s’intéresser au cas de BAC Consulting, une société hongroise présentée comme le seul fabricant européen de bipeurs Gold Apollo.
Le profil de cette entité, fondée en mai 2022, paraissait d’autant plus suspect qu’elle affichait plus de 115 raisons sociales – aussi diverses que la distribution de films, la gestion de déchets ou encore les imitations de bijoux, a constaté le Washington Post.
Mais les autorités hongroises ont affirmé qu’aucun bipeur n’avait jamais été fabriqué sur leur sol et qu’une enquête sur les activités de BAC Consulting n’avait révélé aucun lien avec le Liban.

Sauf que Cristiana Barsony-Arcidiacono, la dirigeante italo-hongroise de cette entreprise, s’est révélée avoir un lien avec un autre groupe, appelé Norta Global Ltd, tout aussi suspect et installé à Sofia en Bulgarie.
C’est là qu’apparaît Rinson Jose. Ce Norvégien d’origine indienne est le fondateur et seul employé de Norta Global, présenté dès le 19 septembre comme le réel maître d’œuvre du transfert des bipeurs piégés depuis Taïwan jusqu’au Liban. "BAC Consulting n’était qu’un intermédiaire. La société s’est contentée de signer les documents avec Gold Apollo, mais c’est Norta Global qui s’occupait de tout dans les faits", a affirmé Telex, le site d’information hongrois qui a été le premier à découvrir l’existence de Norta Global.
Un dernier e-mail et puis s'en va
La piste Norta Global a rapidement semblé faire pschitt aussi. Aucun bipeur ni autre moyen de communication n’a été exporté depuis la Bulgarie, ont affirmé les autorités bulgares après avoir lancé une enquête sur Norta Global.
Cette entité ne semblait d’ailleurs n’être rien d’autre qu’une société-écran dont le siège social se trouvait dans un immeuble de Sofia abritant 196 autres sociétés.
La disparition de Rinson Jose a cependant relancé l’intérêt pour la piste bulgare, qui pourrait dissimuler l’identité des vrais cerveaux de l’opération – soupçonnés d’être liés aux services de renseignement israéliens.
En parallèle à son activité de PDG de Norta Global, cet entrepreneur de 39 ans travaillait aussi très officiellement depuis 2020 pour le groupe norvégien de médias DN Media Group. C’est pour le compte de cette société de plus de 500 employés qu’il s’est rendu récemment à une conférence tech à Boston.
C’est depuis cette ville américaine qu’il aurait envoyé un dernier e-mail à ses collègues, le 18 septembre, avant de disparaître des radars, a appris le site américain Newsweek, qui a contacté DN Media Group.
Cette disparition a surpris ses proches en Norvège et sa famille restée en Inde. Quelques jours seulement avant les explosions en série au Liban, il apparaissait à la fois très investi dans la vie associative à Oslo, et très actif professionnellement, a raconté Onmanorama, un site d’information de la région indienne du Kerala dont Rinson Jose était natif. Il a ainsi participé, le 14 septembre, à la fête de l’association culturelle et sportive indienne à Oslo, une structure qu’il a lui-même fondée en 2023. Il continuait en parallèle à s’occuper de NortaLink, une autre entreprise spécialisée dans le conseil en informatique qu’il a créée dans la capitale norvégienne en 2016. Il s’était aussi rendu deux fois dans le Kerala au cours des six derniers mois.
Si le site de Norta Global a disparu du Web depuis le 19 septembre, Rinson Jose a gardé son profil LinkedIn en ligne. En revanche, il a effacé toute trace de lui sur un autre site professionnel – Founders Nation –, a constaté Bill Marczak, membre du Citizen Lab, le centre de recherche sur le numérique et les droits humains de l’université de Toronto. Founders Nation est un site israélien qui met en contact des férus de tech et de start-up… connu pour être utilisé "par de multiples organisations qui ont ou ont eu des liens avec l’armée israélienne", conclut le Washington Post.