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Dans l'embarras, l’aile gauche de la macronie à l’heure du choix
La composition du gouvernement de Michel Barnier – marqué très à droite – les premières déclarations du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et l’attitude du Premier ministre vis-à-vis du Rassemblement national mettent une fois de plus l’aile gauche de la macronie dans l’embarras.

De la crispation et de l’électricité dans l’air. Avec un ministre de l’Intérieur représentant de la droite la plus dure et un Premier ministre qui appelle Marine Le Pen pour la rassurer, les premiers jours du gouvernement Barnier donnent le ton et mettent dans l’embarras ce qui reste de l’aile gauche de la macronie.

Celle-ci avait déjà exprimé ses craintes ces dernières semaines. Il n’a pas fallu beaucoup de temps après l’annonce de l’équipe gouvernementale de Michel Barnier pour que leurs inquiétudes se confirment.

En moins de 24 heures, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a ainsi agité plusieurs chiffons rouges. Il a d’abord mis l’accent, lundi 23 septembre, sur "l’ordre, l’ordre, l’ordre" lors de la passation de pouvoirs avec Gérald Darmanin, puis a affirmé, le soir même au 20 h de TF1, vouloir réformer l’aide médicale d’État (AME), avant d'estimer que les peines de justice n’étaient pas assez exécutées.

Mardi, c’est Michel Barnier qui a pris son téléphone pour "rassurer" Marine Le Pen après des propos tenus plus tôt par son ministre de l’Économie, selon Le Figaro. Antoine Armand avait déclaré dans la matinale de France Inter que le Rassemblement national ne faisait pas partie de "l’arc républicain" et affirmé qu’il n’était pas disposé à recevoir les députés d’extrême droite à Bercy pour échanger avec eux sur le budget.

Réponse quasi immédiate de la patronne du groupe des députés RN à l’Assemblée nationale : "Je pense que le Premier ministre doit aller expliquer à l'ensemble de ses ministres quelle est la philosophie de son gouvernement, car il semblerait que certains n'aient pas encore totalement compris." Michel Barnier a alors appelé la députée du Pas-de-Calais puis contacté son ministre pour le rappeler à l’ordre.

Soutien d’une poignée de députés à Antoine Armand

Quelques députés de l’aile gauche de la macronie, comme Ludovic Mendes ou Stella Dupont, ont depuis posté sur les réseaux sociaux des messages de soutien à Antoine Armand, approuvant un entretien antérieur de leur ancien collègue – datant du 3 septembre – lors duquel il expliquait "pourquoi le RN n’est pas un parti républicain".

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D’autres ont aussi répondu au ministre de l’Intérieur sur l’immigration et l’AME. "Les politiques d’intégration, de contrôle de l’immigration, de santé sont des sujets exigeants. Il s’agit de vies humaines et de la cohésion de notre société. En la matière, attention à ne pas céder à la facilité des propositions populistes et démagogiques", a notamment écrit sur X le député macroniste Guillaume Gouffier Valente.

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Mais les voix qui osent s’indigner sont peu nombreuses. Déjà parce que l’aile gauche de la macronie ne représente plus grand-chose. Celle-ci a perdu de nombreux députés depuis 2017 : certains, comme Matthieu Orphelin ou Aurélien Taché, ont quitté le groupe macroniste assez tôt, d’autres, comme Richard Ferrand ou Caroline Janvier, ont été battus aux législatives en 2022 ou 2024, d’autres encore ont arrêté la politique ou quitté le groupe récemment, comme Sacha Houlié ou Sophie Errante.

Ils ne sont donc plus qu’une poignée à tenter de faire entendre un discours différent. Et avec la perspective de nouvelles élections législatives dans moins d’un an, ceux-ci restent prudents, craignant une sanction qui prendrait la forme d’un retrait de leur investiture. Aucun des députés de l’aile gauche de la macronie contactés par France 24 n’a ainsi souhaité s’exprimer sur le sujet.

"L’aile gauche de Renaissance compte pour rien. Leur salut ne peut être que dans un groupe de centre gauche d’opposition à M. Barnier", a estimé l’ancien président de la commission des lois, Sacha Houlié, dimanche 22 septembre, dans Le Monde.

Sacha Houlié bien esseulé

Ancien leader de cette fameuse aile gauche, ce dernier a tenté, au lendemain des législatives anticipées, de rassembler ses camarades au sein d’un groupe indépendant du groupe présidentiel. En vain. Ceux-ci ont préféré temporiser durant l’été et Sacha Houlié a fini par siéger comme non-inscrit à l’Assemblée nationale.

Une demi-surprise tant l’aile gauche de la macronie a déjà endossé la politique toujours plus à droite menée par Emmanuel Macron. Car les précédents sont nombreux : la première loi Immigration de Gérard Collomb, la loi Sécurité globale, la loi "Séparatisme", la réforme des retraites, les multiples réformes de l’assurance-chômage et, bien sûr, la dernière loi Immigration de Gérald Darmanin… autant de textes que l’aile gauche a fini par accepter et même voter pour la plupart.

Et même si la loi Immigration de décembre 2023 avait déchiré l’ancienne majorité présidentielle, y compris au sein du gouvernement, il n’y avait finalement pas eu la vague de départs annoncée parmi les députés Renaissance.

L’alliance entre la macronie et le parti Les Républicains marque toutefois une nouvelle étape de la droitisation d’Emmanuel Macron. L’aile gauche osera-t-elle enfin taper du poing sur la table et mettre ses menaces à exécution ?

"Je ne soutiens pas ce gouvernement", affirme la députée Stella Dupont, lundi 23 septembre, dans une interview à Libération, se disant prête à faire tomber le gouvernement Barnier. "Tout ce qui touche à mes valeurs, à ma conception d’une France de droits et de devoirs pour tous, une France ouverte, peut m’amener à censurer, même si ce n’est pas ce que je souhaite faire a priori, poursuit-elle. Et compte tenu de la vision politique de différents ministres, dont Bruno Retailleau, le risque de voir ce type de mesures se concrétiser est réel."

L’heure de vérité ne devrait pas se faire trop attendre. La déclaration de politique générale du Premier ministre, mardi 1er octobre, suscitera à l’évidence de nombreuses réactions. À commencer par le dépôt d’une motion de censure de la gauche. Il sera alors temps de se positionner.