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Ali Karaki et les chefs du Hezbollah dans le viseur israélien, une traque systématique
La frappe ciblée d’Israël visant, lundi, à éliminer le commandant du Hezbollah Ali Karaki est une nouvelle illustration de la stratégie de l’État hébreu, qui cherche à "décapiter" l’ensemble de la direction historique de la milice pro-iranienne.

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"Ali Karaki va bien et est en bonne santé." Le Hezbollah s’est montré prompt, lundi 23 septembre, à démentir les rumeurs sur la mort de l’un de ses derniers commandants "historiques" encore en vie. Ce responsable de la milice chiite pro-iranienne aurait été la cible d’une frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth, ont rapporté des sources sécuritaires aux médias libanais.

L’armée israélienne n’a commenté ni l’objectif de cette "frappe ciblée", ni son éventuel succès. Le Hezbollah a tenu à préciser qu’Ali Karaki avait non seulement échappé à l’attaque, mais qu’il avait pu depuis être conduit vers "un lieu plus sûr".

Commandant du front sud

Ali Karaki est souvent présenté dans les médias comme l’un des plus influents dirigeants du Hezbollah. Dans l’organigramme du Conseil du jihad – la plus importante instance militaire de cette milice – établi par l’armée israélienne, il apparaît à la tête du Commandement du Sud, sous les ordres directs de Hassan Nasrallah, leader de ce mouvement inscrit sur la liste des organisations terroristes aussi bien par l’Union européenne que par les États-Unis. "Cela signifie que c’est probablement lui qui organise en grande partie les opérations militaires contre Israël menées depuis le sud du Liban", explique Filippo Dionigi, spécialiste du Hezbollah à l’université de Bristol.

Autrement dit, il donne les ordres aux forces de la milice le long de la frontière avec l’État hébreu, et "ses troupes seraient la première ligne de défense [du Hezbollah, NDLR] si Israël lançait une opération au sol dans le sud du Liban", résume le New York Times.

Un front devenu d’autant plus important que depuis le sabotage et les explosions de bipeurs et talkies-walkies des militants du Hezbollah, mardi 17 et mercredi 18 septembre, Israël semble avoir fait du nord de son territoire sa priorité.

Ali Karaki, s’il est toujours en vie, doit donc jouer un rôle central pour la milice dans le contexte actuel du conflit avec Israël. Il a "probablement aussi gagné en importance avec l’élimination d’Ibrahim Aqil [chef de la force Radwan, l’unité d’élite du Hezbollah, NDLR] le 20 septembre et de Fouad Chokr [responsable militaire du Hezbollah, NDLR] fin août", assure Shahin Modarres, spécialiste de l’Iran à l’International Team for the Study of Security (ITSS) Verona.

Tentative d'attentat en 2008

Et pour un personnage aussi important du Hezbollah, les informations à son sujet sont peu nombreuses. Pas très étonnant pour une organisation qui "se caractérise par une culture du secret, surtout pour sa branche armée. Le Hezbollah publie généralement des détails sur ses dirigeants lorsqu'ils meurent", souligne Didier Leroy, spécialiste du Hezbollah libanais, chercheur à l’Institut royal supérieur de défense (Belgique) et à l’Université libre de Bruxelles (ULB).

Mais même dans une milice aussi discrète sur ses commandants, Ali Karaki "fait clairement partie des figures centrales [de la milice] les moins connues et qui se font les plus discrètes", reconnaît Shahin Modarres.

Né en 1967 à Nabatieh, dans le sud du Liban, ce combattant rejoint les rangs du Hezbollah dès ses débuts dans les années 1980, d’après les experts interrogés par France 24. "Le grand public fait connaissance avec lui en 2008 lors de son implication dans une tentative d’attentat contre la représentation diplomatique israélienne à Bakou en Azerbaïdjan", souligne Filippo Dionigi.

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Le complot avait finalement été déjoué. Arrêté, Ali Karaki avait été condamné à une peine de prison de quinze ans. À peine deux ans plus tard, l’Iran avait cependant négocié sa libération dans le cadre d’un échange de prisonniers avec l’Azerbaïdjan.

De retour au Moyen-Orient, il grimpe alors les échelons de la branche armée du Hezbollah jusqu’à en devenir "l’une des figures centrales avec Talal Hamiyé [en charge des opérations clandestines du Hezbollah, NDLR] et Fouad Chokr", souligne Shahin Modarres.

Les derniers rescapés des dirigeants historiques ?

C’est pourquoi sa survie à l’attaque israélienne de lundi, si elle est avérée, est importante aux yeux de la milice pro-iranienne. Il n’occupe pas seulement un poste stratégique, il serait aussi "le rescapé notoire de la branche historique du Hezbollah", affirme Didier Leroy.

Ces dernières semaines, Israël a porté "un coup sans précédent au Hezbollah et à ses responsables historiques. Entre les assassinats ciblés de ses dirigeants et les explosions de bipeurs, c’est une période très difficile à surmonter pour le groupe", résume Filippo Dionigi.

Mais difficile d’évaluer l’impact opérationnel réel des éliminations en série des responsables de la branche armée du Hezbollah, d’après les experts interrogés par France 24. "Ce n’est pas comme le Hamas qui, à Gaza, dispose de moins d’options pour remplacer des leaders qui seraient éliminés. La branche armée du Hezbollah compte environ 50 000 combattants et la culture de martyrs développée au sein de l’organisation fait qu’un mécanisme de relève est prévu pour chaque poste", assure Didier Leroy.

L’impact moral de la "décapitation" de la direction est plus évident "dans le cas d’élimination des personnalités charismatiques et médiatiques comme Qassem Soleimani, le chef de la Force iranienne Al-Qods des Gardiens de la révolution", estime Filippo Dionigi.

Pour autant, "tous les dirigeants historiques éliminés avaient une vraie expérience et connaissance du terrain que n’aura probablement pas la nouvelle garde qui va les remplacer", estime Shahin Modarres.

En outre, le fait qu’Israël a pu "traquer avec une précision extrême les mouvements des responsables militaires les plus importants fait que le Hezbollah a l’air vraiment primitif d'un point de vue technologique par rapport à son adversaire", assure Filippo Dionigi.

L’impact réel de cette chasse aux dirigeants historiques du Hezbollah ne pourra être évaluée qu’à l’aune de la riposte de la milice chiite, d’après les experts interrogés par France 24. Il y a donc un risque réel, à leurs yeux, d’une tentative de démonstration de force du Hezbollah afin de prouver que sa capacité à faire face à Israël n’a pas été (trop) entamée.