
Zanzibar, Lamu, Mombasa... trois noms qui font rêver, synonymes d'îles exotiques et de plages de sable blanc. Mais nombre de touristes venus en Afrique de l'Est ignorent qu'elles ont été le théâtre d'une histoire dramatique et méconnue : pendant des siècles, la côte swahilie a été au cœur du trafic des esclaves.
Les trois cités ont connu une richesse immense. Entre le XVIe et le début du XXe siècle, elles étaient au cœur du commerce entre l'Afrique, Oman, l'Inde et l'Europe. Les navires qui y accostaient repartaient chargés d'épices, de bois, d'or... et aussi d'ivoire et d'esclaves. Des marchands, tel le célèbre Zanzibari Tippo Tip, allaient capturer hommes, femmes et enfants dans les terres – parfois même jusqu'au cœur du Congo – avant de les ramener sur la côte swahilie. Nombre d'entre eux étaient vendus, d'autres étaient utilisés dans les champs. À l'apogée de sa sombre entreprise, Tippo Tip faisait travailler jusqu'à 10 000 êtres humains sur les terres de l'archipel.
Mais en 1873, l'Empire britannique impose l'interdiction du commerce des esclaves. La pratique s’arrête finalement au début du XXe siècle. Depuis, les souvenirs de cette période disparaissent petit à petit sur la côte est-africaine. Alors certains tentent de faire vivre la mémoire de ceux qui ont enduré l'esclavagisme.
Ce reportage amène tout d'abord à Zanzibar pour assister aux premières commémorations de l'abolition du commerce des esclaves, dont l'archipel tanzanien était le centre névralgique. La vieille ville témoigne de cette époque, ses grands bâtiments et palais rappellent la richesse des lieux. Les autorités ont bien compris l'importance de ce passé et essaient maintenant de protéger cette Histoire, qui peut aussi attirer les touristes.
La communauté Freretown et la nécessité de faire perdurer les souvenirs de l'esclavage
Ensuite, direction Mombasa, la deuxième ville du Kenya, à bord d'un dhow – un voilier traditionnel de la côte swahilie. C'est ici, dans le plus grand port d'Afrique de l'Est, que des esclaves transportés par un navire omanais ont débarqué et ont été libérés par la Grande-Bretagne, en 1875. Les colons leur ont alors alloué des terres où ils ont formé la communauté Freretown – du nom de Bartle Frere, envoyé du gouvernement britannique qui a négocié la fin de la traite dans la région. Aujourd'hui, leurs descendants sont toujours rassemblés et souhaitent faire en sorte que la communauté soit reconnue et ait une plus grande place dans l'Histoire régionale.
Enfin, le dhow hisse une dernière fois ses voiles pour se rendre à l'archipel de Lamu, au nord de la côte kenyane. Ici, les souvenirs de l'esclavage ont quasiment disparu. Le magnifique musée a été récemment rénové à grand frais par Oman, autrefois au cœur de la traite. Les lieux sont désormais à la gloire du sultanat, le commerce des Hommes n'est plus évoqué. Impossible de dire s'il s'agit d'un simple oubli ou d'une volonté de taire l'Histoire. Mais cela témoigne d'une approche différente des trois cités de la côte swahilie et d'une nécessité : pour que le souvenir de l'esclavage perdure, il devra être entretenu.