Mauvaise nouvelle pour la liberté de la presse. La justice de Hong Kong a reconnu coupables de "sédition" deux anciens rédacteurs en chef du site d'information Stand News, désormais fermé, prononçant jeudi pour la première fois ce type de condamnation dans le cadre de la répression du mouvement prodémocratie de 2019.
"Je déclare les trois accusés coupables", a déclaré le juge du tribunal de district Wan Chai, Kwok Wai-kin. Il s'agit par ailleurs de la première condamnation pour "sédition" depuis la rétrocession de l'ancienne colonie britannique à la Chine en 1997.
Le juge Kwok Wai-kin a reconnu coupables deux anciens rédacteurs en chef de Stand News, Chung Pui-kuen et Patrick Lam, de "conspiration en vue de publier et de reproduire des contenus séditieux".
L'entreprise éditrice du site, Best Pencil Limited, a aussi été reconnue coupable de sédition.
"La ligne adoptée [par Stand News] était de soutenir et de promouvoir l'autonomie locale de Hong Kong", a écrit Kwok Wai-kin dans son verdict.
"Il est même devenu un outil de diffamation et de dénigrement des autorités centrales [Pékin, NDLR] et du gouvernement de la Région administrative spéciale" de Hong Kong, a-t-il ajouté.
Stand News, un portail d'informations populaire fondé en 2014 et qui couvrait de façon très détaillée et souvent favorable le mouvement prodémocratie de 2019, a fermé en 2021 après une perquisition de la police dans ses locaux, l'arrestation de ses dirigeants et le gel de ses actifs.
Les condamnés encourent jusqu'à deux ans de prison
Patrick Lam n'a pu se présenter à l'audience jeudi pour des raisons de santé, mais ses avocats ont accepté que le tribunal se prononce en son absence.
Patrick Lam et Chung Pui-kuen, respectivement âgés de 36 et 54 ans, ont été libérés sous caution dans l'attente d'un jugement complet qui sera rendu le 26 septembre. Ils encourent une peine maximale de deux ans de prison en vertu d'une loi de 1938.
Le délit de "sédition", datant de l'époque coloniale, était tombé en désuétude. Il est de plus en plus utilisé par la justice de Hong Kong pour réprimer la dissidence.
Pour Beh Lih Yi, du Comité pour la protection des journalistes, le recours à cette "législation archaïque [...] rend la justice ridicule".
"La décision d'aujourd'hui est la preuve que Hong Kong s'enfonce de plus en plus dans l'autoritarisme et que le fait de ne pas suivre la ligne officielle peut conduire n'importe qui en prison", estime-t-elle.
Chute dans le classement de la liberté de la presse
Durant ce procès qui a duré près de 60 jours, le parquet a cité comme preuves 17 articles et trois vidéos publiés sur Stand News, dont des interviews de militants prodémocratie.
Une centaine de personnes, dont des militants et des journalistes venus couvrir le procès, étaient présentes devant le tribunal jeudi.
Parmi eux, Lau Yan-hin, ancien salarié de Stand News, a qualifié le procès d'"attaque généralisée" contre les médias et a déclaré à l'AFP que le procès l'avait rendu "confus quant à ce qui peut être dit ou ne peut pas l'être".
Cette affaire est "sans aucun doute un cas de référence en matière de répression de la liberté de la presse", a déclaré un ancien journaliste, sous couvert d'anonymat.
Chung Pui-kuen "a simplement fait ce que tout journaliste aurait fait. Dans le passé, cela n'aurait pas abouti à de la criminalisation et de l'emprisonnement", déplore-t-il.
Des représentants de plusieurs consulats, notamment des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, et d'Australie, ont assisté à l'audience.
"Cette décision risque d'entraver l'échange pluraliste d'idées et la libre circulation d'informations, deux pierres angulaires de la réussite économique de Hong Kong", a réagi dans un communiqué l'Union européenne jeudi.
Elle survient alors que l'ex-colonie britannique est passée en vingt ans de la 18e à la 135e place au classement de la liberté de la presse publié par l'organisation Reporters sans frontières (RSF).
En 2002, année où ce classement avait été publié pour la première fois, le territoire faisait figure de havre de la liberté d'expression en Asie.
Dans une autre affaire, la justice de Hong Kong a reconnu jeudi coupable de "complot" une personne accusée d'avoir planifié un projet d'attentat à la bombe contre des officiers de police en marge d'un rassemblement en 2019.
Avec AFP