
"Bobby, s’il te plait, retire ta candidature de l’élection présidentielle". Prononcés le 6 juin, sur France 24, ces mots sont ceux de Kerry Kennedy, nièce de "JFK", le 35e président des États-Unis.
Elle s'adressait alors à son frère Robert Francis Kennedy Jr, candidat indépendant à la présidentielle américaine du 5 novembre, l'implorant de se désister afin de ne pas nuire au camp démocrate.
Un vœu qui semble sur le point d’être exaucé, du moins en partie : Robert Kennedy Jr devrait annoncer le retrait de sa candidature - selon les médias américains - lors d’un discours prononcé vendredi 23 août, dans l’Arizona.
Or en jetant l’éponge, le neveu de JFK pourrait également apporter son soutien à la candidature de Donald Trump, selon le New York Times et CNN.
Un Kennedy chez Donald Trump ?
Toujours selon les médias d'outre-Atlantique, le candidat chercherait à monnayer un retrait contre un poste. À en croire le Washington Post, le candidat indépendant a récemment contacté Kamala Harris, qui aurait refusé l'offre.
Mais Donald Trump, lui, mardi 20 août, chantait les louanges de RFK Jr., "un homme brillant", se disant "ouvert" à lui proposer un poste dans son administration en cas de victoire contre un soutien.
Son retrait – s’il se confirme – conclurait une candidature rocambolesque. Un temps fidèle à l’héritage familial, Robert Francis Kennedy Jr s’était lancé dans la course à la présidentielle, en avril 2023, sous les couleurs démocrates.
Quelques mois plus tard, il quittait le parti pour se présenter en tant qu’indépendant. Le voir finalement offrir ses services au républicain Donald Trump constituerait un séisme dans la dynastie Kennedy.
Le sulfureux neveu de JFK, Robert Francis Kennedy Jr est aussi le fils de Robert F. Kennedy, une autre icône du parti.
Finances insuffisantes, irrégularités constitutionnelles
Le manque de fonds a probablement contribué au retrait de Kennedy, le poussant vers le camp de Trump. Les finances, rappelle Pierre Bourgeois, conférencier en science politique à l'Université catholique de l'Ouest, sont un élément crucial de toute campagne présidentielle aux États-Unis.
Dépourvu des ressources permettant d’inquiéter les mastodontes républicains et démocrates, Kennedy aurait eu des difficultés à rester visible.
Récemment, la candidature de cet outsider s’était en outre heurtée à de sérieuses complications juridiques.
Un juge de New York a rejeté, mi-août, ses demandes d'investiture au motif que l'adresse qu'il avait déclarée était "fictive".
Kennedy avait affirmé résider à New York, mais le juge a tranché en faveur de ses détracteurs démocrates, qui ont démontré que sa véritable résidence était en Californie.
Robert F. Kennedy Jr. a fait appel du verdict new-yorkais. Mais ce "pépin" légal semble être l’élément déclencheur qui le pousse à se retirer de la course électorale, analyse Pierre Bourgois.
Qui héritera des voix Kennedy ?
Le candidat a vu les intentions de votes en sa faveur dégringoler lorsque Joe Biden a annoncé son retrait de la course présidentielle, cédant la candidature démocrate à Kamala Harris.
Mais l’enfant des Kennedy conserve 3 % des intentions de vote nationales, selon le sondage du journal The Hill. Un chiffre qui demeure potentiellement décisif dans une course électorale qui s'annonce très serrée entre la vice-présidente, Kamala Harris, et Donald Trump. Pour celui-ci, l’éventuel "transfert" des voix Kennedy vers le vote républicain constituerait un butin de guerre.
Et qu’un candidat "antisystème" soutienne Donald Trump constitue un cadeau dont le candidat républicain saura profiter, prévient Pierre Bourgois. Difficile, pour autant, d’imaginer l’électorat de Kennedy, hyper-hétéroclite, déposer un bulletin rouge dans l’urne "juste" parce que le "chef" les y aurait conviés.
Rob Kennedy lui-même – à la fois anti-vax, écologiste, militant des libertés individuelles, complotiste, aux relents populistes – "constitue un phénomène peu palpable", selon Pierre Bourgois.
L’Amérique assez marginale qu’il incarne s’était essentiellement tournée vers lui pour une raison, vulgarise le politologue : le sentiment de se sentir représentée ni par Joe Biden, ni par Donald Trump.
C’est ici que réside la force de Kamala Harris, poursuit Pierre Bourgois : avoir attiré une partie de ce "troisième" électorat, et ce, qu’il s’agisse d’Américains "plus à gauche, ou plutôt modérés, mais qui ne croyaient pas en une victoire de l’octogénaire Joe Biden".
Un avantage démocrate, confirmé par les derniers sondages compilés par le magazine Newsweek : le retrait de RFK Jr ferait perdre des voix à Donald Trump, assez pour que Kamala Harris vire en tête dans les "swing states" du Nevada et la Caroline du Nord, deux États-clés.
À ce jour, sur les sept États pivots, le candidat Kennedy n'a pu s'inscrire que dans quatre d’entre eux : l'Arizona, le Nevada, ainsi que le Michigan et la Caroline du Nord.
Et il bénéficie, dans les deux derniers, d’un soutien de 2 %, selon des estimations récentes de CBS News.
À peine quelques centaines de milliers d’Américains donc, mais votant dans des États à même de faire basculer l’issue de l’élection dans un sens, comme dans l’autre.