Emmanuel Macron n'a pas caché sa satisfaction lundi 12 août, dans les jardins de l'Élysée, au moment de tirer un premier bilan des Jeux olympiques de Paris 2024. Après deux semaines marquées par une ambiance exceptionnelle, des exploits sportifs à n'en plus finir et une organisation sans anicroche largement saluée par la presse internationale, le chef de l'État a salué des Jeux ayant, selon lui, montré "le vrai visage de la France".
"C'est un succès de sécurité, d'organisation, un succès sportif et populaire", s'est-il félicité devant plusieurs centaines de professionnels mobilisés durant la quinzaine olympique. Et rappelant les nombreuses craintes formulées il y a encore quelques semaines, il n'a pas hésité à régler ses comptes : "Il y a eu énormément d’experts qu’on a beaucoup entendus durant ces dernières années pour dire que tout ce que vous avez fait durant ces dernières semaines était impossible."
"Nous qui avons vécu pendant plus de deux semaines dans un pays où on a eu le sentiment que l'air était plus léger […], on n'a pas envie que la vie reprenne ses droits", a-t-il finalement lancé, évoquant déjà une "forme de nostalgie".
Il faut dire que pour Emmanuel Macron, la fin des Jeux a pour conséquence concrète la fin de la "trêve olympique et politique" qu'il avait lui-même décrétée après des semaines tendues, notamment marquées par la dissolution de l'Assemblée nationale, une campagne électorale au pas de course en vue des élections législatives anticipées, une recomposition tous azimuts du paysage politique, l'absence de majorité absolue au soir du scrutin et, enfin, les intenses tractations pour la nomination d'un nouveau Premier ministre.
Son blason redoré ?
Alors qu'il doit désormais se heurter au retour à la réalité, le chef de l'État, affaibli il y a encore quelques semaines par cette crise politique, peut-il espérer profiter du succès des Jeux olympiques pour redorer son blason ?
"Il est assez compliqué de jauger l'impact de ce type d'événement sur une popularité, mais ces moments de ferveur profitent généralement au pouvoir en place", confirme l’historien Jean Garrigues, auteur de "Jours heureux. Quand les Français rêvaient ensemble". "Lors de la Coupe du monde de football, en 1998, la joie collective avait beaucoup profité à Jacques Chirac et à Lionel Jospin, pourtant en pleine cohabitation. Ils avaient alors enregistré un regain de popularité spectaculaire", note l’universitaire.
Pour le moment, les données manquent pour quantifier "l'effet JO" sur la popularité d'Emmanuel Macron. Au début des Jeux, un sondage Elabe pour le journal Les Échos paru le 1er août montrait que sa cote de popularité et celle de Gabriel Attal avaient toutes deux gagné deux points en trois semaines, pour s'établir respectivement à 27 % et 33 % d'opinion favorable. Une première amélioration, donc, mais bien loin des quelque 20 points de popularité engrangés par Jacques Chirac en 1998.
Mais "les Français ont plutôt tendance à créditer la réussite des JO aux athlètes et aux organisateurs, comme Tony Estanguet, qu'aux personnalités politiques", estime pour sa part Jean Garrigues. "Cela est d'ailleurs assez révélateur du rejet dont le président fait l'objet depuis quelques mois."
Surtout, si retombées positives il devait y avoir pour le chef de l'État, celles-ci ne seraient que temporaires, insiste encore le spécialiste. "Nous sommes dans un contexte politique très tendu dont beaucoup le jugent responsable. Dès que la réalité se réimposera, il se retrouvera de nouveau au centre des polémiques et des tensions", prévoit-il.
Profiter de l'aura des athlètes
Le chef de l'État a pourtant multiplié les efforts pour s'intégrer à la fête des Jeux olympiques, n'hésitant pas à faire des allers-retours depuis le fort de Brégançon, son lieu de villégiature, pour venir encourager, féliciter ou consoler les athlètes tricolores.
On l'a ainsi vu devant les caméras du monde entier prendre dans ses bras Teddy Riner lorsque le judoka a réussi l'exploit historique de remporter une troisième médaille d'or olympique. On l'a aussi aperçu réconforter la judokate Romane Dicko déçue de finir en bronze, applaudir les basketteurs français face aux États-Unis en finale, ou encore étreindre le nageur Léon Marchand.
"C'est une communication politique assez habituelle. Jacques Chirac était omniprésent – on le voyait dans les vestiaires, en tribunes – pendant la Coupe du monde de 1998. De même, Nicolas Sarkozy ratait rarement un grand événement sportif", rappelle Jean Garrigues. "Par ailleurs, les JO sont un moment d'unité nationale, il est donc naturel qu'il soit présent. Sans compter que cela va très bien avec sa personnalité : il aime aller au contact."
"Mais dans ce cas, son hyperprésence pourrait finalement lui porter préjudice", estime le spécialiste. "Dans ce contexte politique très tendu, il y a une saturation de l'image d'Emmanuel Macron. Il représente la crise politique en cours et, pendant les JO, les gens voulaient une pause. Sa présence a donc été difficilement acceptée par beaucoup."
Certains athlètes français ne se sont pas privés de le faire remarquer. Comme le coureur de 5 000 mètres Hugo Hay. "Emmanuel Macron est hors-sol [...]. Je voudrais lui dire que ce ne sont pas ses Jeux, mais ceux des athlètes", a-t-il ainsi tancé le chef de l'État dans un entretien au quotidien L'Humanité.
Retour aux affaires
Quoiqu'il en soit, le chef de l'État doit désormais renouer avec la réalité et reprendre les tractations politiques pour la nomination d'un nouveau Premier ministre.
Et alors qu'il appelle depuis le second tour des élections législatives à une large coalition pour gouverner le pays, il semble encore invoquer les Jeux olympiques pour se faire entendre. "C'est la démonstration que la France, quand elle se rassemble, sait faire de grandes choses", a-t-il souligné dimanche dans un entretien à L'Équipe. "Quand on a des objectifs communs, quand on travaille ensemble, rien n'est insurmontable."
Mais face à son refus catégorique de considérer la nomination à Matignon de Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front populaire, la situation paraît toujours aussi bloquée. Car de son côté, la coalition de gauche ne transige pas et n'a pas attendu pour reprendre les hostilités : dès lundi, Lucie Castets a cosigné avec les patrons des groupes parlementaires de gauche une lettre à tous les députés et sénateurs (à l'exclusion des élus RN) pour leur proposer de travailler sur ses "priorités", parmi lesquelles la hausse du smic et l’abrogation de la réforme des retraites.
Les JO terminés, il ne reste plus à Emmanuel Macron qu'à compter sur les Jeux paralympiques et la torpeur des vacances d'été pour gagner du temps. Dans les prochains jours, il sera par ailleurs occupé par son agenda mémoriel : jeudi 15 août, il présidera une cérémonie internationale pour les 80 ans du débarquement de Provence. Samedi, il participera comme à son habitude à la commémoration de la libération de Bormes-les-Mimosas, la commune du Var où se situe le fort de Brégançon. Le casting pour Matignon devrait donc encore attendre.