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La militante iranienne pour les droits des femmes et prix Nobel de la paix Narges Mohammadi, qui souffre de difficultés cardiaques, a été violemment battue mardi dans la prison d'Evin où elle est incarcérée depuis 2021. Sa famille, qui peine à obtenir de ses nouvelles en raison de son isolement carcéral, demande son hospitalisation immédiate.

L'état de santé de Narges Mohammadi est préoccupant. La prix Nobel de la paix iranienne a été grièvement blessée mardi 6 août par des gardiens de la prison d'Evin, à Téhéran, où elle est emprisonnée depuis 2021 pour son engagement auprès du mouvement "Femme, vie, liberté". Dans un communiqué transmis à plusieurs rédactions dont France 24, sa famille exprime sa vive inquiétude : "Nous avons été informés par les familles des codétenues de Narges Mohammadi qu'à la suite d'une attaque menée par des geôliers du quartier des femmes d’Evin ce mardi 6 août 2024, Narges Mohammadi (…) a perdu connaissance, vraisemblablement après un infarctus."

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La militante iranienne pour les droits des femmes étant privée de son droit de communication avec sa famille et de visites depuis l'annonce de son prix Nobel de la paix fin novembre 2023, ses proches doivent s'appuyer sur les familles de codétenues pour s'informer sur son état de santé. Selon eux, plusieurs détenues s'étaient rassemblées mardi matin dans la cour du quartier pour femmes de la prison d'Evin "pour protester contre l’exécution secrète, à l’aube, de Gholamreza Rasaei", un militant du mouvement "Femme, vie, liberté". "Ordre a alors été donné de frapper et d’attaquer les femmes, en particulier celles qui se trouvaient en première ligne des protestations", poursuit le communiqué. "D’après nos informations, après avoir reçu plusieurs coups de poing dans la cage thoracique de la part des miliciens et des forces de sécurité, Narges Mohammadi, qui a été opérée du cœur par le passé et présente des difficultés pulmonaires signalées, s’est effondrée dans la cour de la prison après de vives douleurs thoraciques et une insuffisance respiratoire."

"Bâillonner la dissidence"

D'après la famille, les détenues blessées, dont Narges Mohammadi, n'ont reçu que des soins minimaux par le médecin de la prison. Quelques heures plus tard, la prisonnière politique de 52 ans aurait ressenti des douleurs aiguës au niveau de la cage thoracique et demandé des soins d'urgence. "Le médecin de garde de nuit, après avoir confirmé les ecchymoses sur la poitrine, a ordonné des examens cardiaques sans délai, qui ont été cependant différés à samedi par l’administration pénitentiaire au prétexte que jeudi et vendredi sont fériés", écrit la famille.

Ce n'est pas la première fois que les conditions de santé de la militante iranienne se détériorent en prison. "En 2021, une artère principale de son cœur avait fait l’objet de la pose d’un stent après une occlusion à 75 %, [et] en juin 2024, son état nécessitait un transfert de toute urgence à l’hôpital pour une angiographie, qui a finalement été réalisée avec un mois et demi de retard", précise sa famille. Enfin, les proches de la militante ont communiqué la semaine dernière des résultats médicaux réalisés début juillet et montrant "une inquiétante dégradation de sa santé en raison de risques cardiovasculaires, de complications gastro-intestinales et d'une hernie discale".

Contactée par France 24, l'avocate de sa famille en France, Me Chirinne Ardakani, estime que cet événement est directement lié à l'assassinat d'Ismaïl Haniyeh sur le sol iranien. "C'est un niveau de violence inédit dans le quartier des femmes qui dénote du tournant ultrarépressif qu'a pris le régime iranien ces trois derniers jours. Il est à mettre en lien avec les répercussions de l'assassinat ciblé d'Ismaïl Haniyeh. La République islamique se sentant fragilisée sur ses bases, elle utilise la rhétorique de l'ennemi intérieur pour tenter de bâillonner avec plus de force encore la dissidence", assure l'avocate.

"Une stratégie d'usure psychique et physique"

Figure du mouvement "Femme, vie, liberté", Narges Mohammadi a été régulièrement incarcérée depuis 25 ans pour son engagement contre le voile islamique obligatoire et contre la peine de mort. Condamnée à 15 mois de prison en janvier pour "propagande", elle a écopé d'une nouvelle condamnation d'un an de prison en juin, portant son cumul des peines à plus de 13 ans.

Le 6 mars, elle a réussi à faire publier un essai, "Torture blanche", sur l'isolement carcéral dont elle fait l'objet. Selon Me Chirinne Ardakani, "il y a une stratégie d'usure psychique et physique de la République islamique d'Iran pour contraindre [les militants des droits humains] à renoncer à leur combat. Quand les soins ne sont pas refusés, ils sont retardés pour épuiser physiquement le détenu. C'est un système de répression et soumission à des traitements dégradants."