Une enquête en sources ouvertes menée par l’ONG Myanmar Witness a permis de documenter 174 incidents impliquant des établissements scolaires birmans depuis le coup d'État du 1ᵉʳ février 2021 et le début du conflit opposant la junte à la résistance armée.
Détruits, bombardés, brûlés… Dans les zones de combats qui opposent l’armée birmane et les groupes rebelles pro-démocratie, les établissements scolaires font partie des bâtiments civils les plus touchés par les combats. La Birmanie connaît une guerre civile depuis plus de trois ans, déclenchée par le coup d’État militaire du 1ᵉʳ février 2021, qui avait chassé le gouvernement démocratiquement élu d’Aung San Suu Kyi.
Le 20 juillet 2024, l’ONG Myanmar Witness a publié un rapport recensant 174 incidents impliquant au moins 133 établissements scolaires depuis le début du conflit. Myanmar Witness est un projet britannique du Centre pour l’information et la résilience (CIS) qui réunit des enquêteurs internationaux et birmans pour documenter les abus des droits de l’Homme en Birmanie – à travers, notamment, des images publiées sur les réseaux sociaux et des outils d’analyse et de vérification accessibles en ligne.
Pour cette enquête, l’ONG a utilisé les données officielles spécifiant la localisation des écoles, des outils de recherche d’image inversée, des images satellites et d'autres montrant des fragments de munition. Elle a étudié la position des ombres au sol, sur les images, pour déterminer le moment où certains incidents se sont produits.
La majorité des incidents ont eu lieu dans les zones où la résistance rebelle est la plus tenace, avec en tête la région de Sagaing (en rouge sur la carte ci-dessous), considérée comme l’épicentre du conflit, où Myanmar Witness a pu documenter 36 incidents depuis le début du conflit.
Myanmar Witness a documenté 64 décès, parmi lesquels de jeunes enfants. Mais elle estime que le bilan humain, plus difficile à vérifier que les dégâts matériels, est probablement sous-évalué.
"Dans la majorité des cas que nous avons examinés, la méthode d'attaque était la frappe aérienne"
Il est parfois difficile d'identifier, entre l'armée birmane et les groupes rebelles, qui sont les responsables de ces destructions. Mais la nature des attaques peut donner des indices, comme l’explique Matt Lawrence, directeur du projet Myanmar Witness.
Dans la majorité des cas, le mécanisme d'attaque était la frappe aérienne, même s’il y a aussi des tirs d'artillerie ou encore des affrontements directement sur le terrain. Or, l'armée de l'air birmane est le seul [belligérant] à utiliser des avions pouvant bombarder.
Quand il y a d’autres types de dégâts, comme les incendies, il est plus difficile de dire avec certitude qui est le responsable. Mais généralement, les affirmations en ligne associées à l’incident et les mouvements environnants que nous avons pu vérifier nous aident à en savoir plus.
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Accepter Gérer mes choixMatt Lawrence poursuit :
L’armée birmane avance que les écoles sont utilisées à des fins militaires. Nous avons constaté que les deux parties les utilisent comme zones de rassemblement, points de rencontre ou comme bases.
Les dommages causés par les attaques de l'armée birmane sont généralement beaucoup plus importants que ceux causés par les forces populaires démocratiques [ou PDF, l’ensemble des forces rebelles, NDLR].
Selon ce que nous avons documenté, bien que les PDF aient attaqué une université [celle de Loikaw, voir ci-dessous, NDLR], ils ont fait en sorte de faire sortir les civils de la zone, via notamment des couloirs pour qu’ils puissent partir.
"Depuis le coup d'État, le taux de scolarisation en Birmanie a chuté de 80 %"
Élèves déplacés, écoles détruites ou transformées en bâtiment militaire : depuis le début de la guerre civile, de nombreux élèves sont privés d’éducation, ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences, comme le souligne Matt Lawrence :
Des enfants dont l'école a été détruite dans leur village, c'est un village où l'éducation a été détruite. Il y a également des déplacements internes massifs dans tout le pays. Et c'est parfois tout le village qui a été déplacé ou incendié.
Depuis le coup d'État, les inscriptions scolaires en Birmanie ont chuté de 80 %. À long terme, nous aurons une génération qui aura grandi sans accès à une bonne éducation et avec la guerre. Et la génération actuelle qui a grandi avec une bonne éducation et l'espoir d'une démocratie devra passer le relais à cette nouvelle génération.
Outre les écoles, de nombreux lieux de culte – églises, temples, mosquées –- et hôpitaux ont été détruits depuis le début du conflit.
Ces bâtiments civils sont pourtant tous protégés par des lois internationales relatives aux conflits. Leur destruction peut donc être constitutive d’un crime de guerre.