La Chine est connue pour censurer Internet, mais Pékin sait également comment s’en servir à son avantage. Le pouvoir fait appel aux internautes, encourageant les citoyens à dénoncer leurs responsables locaux corrompus.
A 58 ans, Wang Peirong a sacrifié sa carrière d’enseignant pour lutter en solo contre la corruption. Depuis 2000, ce professeur d’ingénierie à l’université de Xuzhou (est) rassemble des preuves et les met en ligne sur son blog. L’année dernière, Il a ainsi provoqué l’arrestation d’un dirigeant de sa ville, entretenant une demi-douzaine de maîtresses avec de l’argent détourné. "Il n’y a pas d’espace pour parler de la corruption, car les corrompus nous empêchent de parler. Avec Internet, on peut toucher les gens et contourner leur censure."
En quelques années, Wang est devenu une personnalité sur le Web chinois. Le gouvernement l’a repéré, et il vient d’être nominé pour le Prix de la justice 2009 par le parquet populaire suprême. C’est que Pékin a lancé depuis 2007 une campagne pour encourager les internautes à exprimer leur plainte contre la corruption. Un site dédié a même été créé. "C’est une sorte de démocratisation de l’Internet, explique Pu Xingzu, professeur de politique à l’université Fudan de Shanghaï. Car cette politique donne enfin au peuple un canal pour exprimer les frustrations de tous sur la corruption des dirigeants."
Démocratie sur Internet… L’expression fait encore sourire les blogueurs et autres libres-penseurs de la Toile chinoise. Articles supprimés, sites bloqués, il reste impossible de dénoncer librement la corruption des autorités. Le site du gouvernement est du coup souvent jugé inefficace.
Mais pire encore, les gouvernements locaux critiqués par les internautes peuvent toujours se venger. Wang Peirong en a fait les frais. Il n’a plus le droit d’enseigner et il se fait régulièrement agresser par les hommes des autorités. "Ils n’ont aucun moyen de me poursuivre en justice, déclare Wang Peirong, fataliste. Car mon rapport s’appuie sur les faits. Je pourrais révéler des choses compromettantes, ils n’osent pas m’attaquer publiquement. Ils utilisent donc des méthodes mafieuses, en s’en prenant à moi ou à ma famille."