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L’heure du verdict approche. Le Parlement européen vote jeudi 18 juillet sur la proposition du Conseil européen de reconduire Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne pour un second mandat. Pour être réélue, la conservatrice allemande de 65 ans doit rassembler au moins 361 voix parmi les 720 eurodéputés.
Sur le papier, la présidente sortante est dans une posture assez favorable : malgré la forte poussée de l’extrême droite aux élections européennes, le Parti populaire européen (PPE, droite), auquel elle appartient, reste la principale force du Parlement avec 188 députés. En additionnant ces voix avec celles des sociaux-démocrates (S&D) et des libéraux de Renew – les deux autres composantes de la coalition pro-UE censée la soutenir –, elle peut espérer compter sur un total de 401 députés, bien plus que la majorité absolue nécessaire.
Mais en réalité, la dirigeante allemande ne récoltera pas tous les suffrages au sein de ces groupes, et le résultat final pourrait être serré. "Compte tenu du vote secret et de la composition hétérogène des groupes, marqués par des divisions nationales et des sensibilités disparates, l'issue du vote reste incertaine", confirme Laurent Warlouzet, historien à Sorbonne Université et auteur de "Europe contre Europe. Entre liberté, solidarité et puissance" (CNRS Éditions).
Une coalition proeuropéenne "perturbée"
En 2019, Ursula von der Leyen avait été élue avec seulement neuf voix d’avance pour devenir la première femme à la tête de la Commission européenne. Cette fois-ci, la situation pourrait être encore plus difficile, dans un contexte où l'extrême droite s’est positionnée comme défenseuse des agriculteurs et des classes populaires face à la transition énergétique. "Le PPE est également entré dans ce jeu depuis l'automne dernier, créant un faux paradoxe entre économie et écologie pour capter les voix des agriculteurs, notamment durant les manifestations de début d’année", explique Nathalie Brack, politologue, spécialiste des questions européennes. "Ce revirement du PPE sur le Pacte vert a perturbé la coalition proeuropéenne."
D’autres élus reprochent à la présidente sortante d’aller encore trop loin en matière de politique climatique. Pour cette raison, les six eurodéputés français Les Républicains dirigés par François-Xavier Bellamy ont d'ores et déjà exprimé leur opposition à Ursula von der Leyen, même s’ils appartiennent au PPE. Par ailleurs, au sein de Renew, les députés irlandais (six sièges) ont annoncé qu'ils voteraient contre elle, cette fois-ci en raison de son soutien jugé excessif envers Israël.
"Certes, il y aura des défections, mais elles pourront être contrebalancées par d'autres forces politiques extérieures à la coalition, mais non hostiles à l'Europe, qui reconnaissent son travail déjà accompli et soutiennent partiellement sa réélection", analyse de son côté Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman.
De nouveaux soutiens à l’extrême droite ?
À commencer par les Verts (53 sièges), avec qui Ursula von der Leyen a entamé des discussions la semaine dernière. Elle n'a en effet pas d'autre option : pour rester en poste, elle doit collaborer, négocier, conclure des accords et promettre des responsabilités clés. Le groupe ECR (Conservateurs et réformistes européens), qui comprend 70 députés, appartenant notamment au parti post-fasciste Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni et au PiS polonais, pourrait également jouer un rôle déterminant dans sa réélection.
Selon Laurent Warlouzet, Ursula von der Leyen se permet de courtiser l’ECR, car le groupe est considéré comme une forme d'extrême droite plus "présentable" que les Patriotes pour l'Europe dirigés par Jordan Bardella. "Les membres de l’ECR sont atlantistes et soutiennent l'effort de guerre en Ukraine", explique-t-il. "C'est en partie pour ces raisons qu’Ursula von der Leyen a fait quelques gestes prudents en direction de Giorgia Meloni, notamment en se rendant avec elle en Tunisie [pour signer un "partenariat stratégique" sur l'immigration, NDLR]. Elle cherche donc à obtenir des voix à la fois au centre droit et dans la droite radicale, tout en sachant qu'elle pourrait en perdre chez les Verts."
En mai, Ursula von der Leyen a laissé la porte ouverte à un accord avec Giorgia Meloni lors d'un débat entre les têtes de liste aux élections européennes. Si les deux femmes ont eu plusieurs discussions à ce sujet, la présidente du Conseil italien n'a pas pris position de manière définitive.
Un risque de "grave crise"
Juste avant le vote, Ursula von der Leyen prononcera un discours devant le Parlement, où elle devra jongler habilement pour satisfaire certains députés sans pour autant en froisser d'autres. Si elle échouait à recueillir la majorité absolue, cela plongerait l’UE dans une situation sans précédent : jamais une candidature à la présidence de la Commission proposée par le Conseil européen n'a été retoquée par le Parlement.
Le Conseil disposerait d'un mois pour proposer un autre nom. "Ce choix devrait alors être de nouveau soumis au vote du Parlement européen, probablement lors de la prochaine session plénière de l’institution, prévue du 16 au 19 septembre 2024", note le site Toute l’Europe.
"J’ai du mal à imaginer qu’elle ne soit pas reconduite, cela entraînerait une grave crise", juge Pascale Joannin. "L’UE doit déjà répondre à de nombreux défis, notamment sécuritaires avec la Russie, ainsi que les conflits commerciaux avec la Chine... Est-ce le message que nous voulons transmettre à l'avenir, ou devrions-nous éviter une crise supplémentaire pour l'Union européenne ?", questionne-t-elle.