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Trois ans après avoir remporté à Tokyo un premier titre olympique, la judoka Clarisse Agbégnénou n'a qu'une ambition : réaliser le doublé à Paris. Entre temps, la championne est devenue maman. La sportive est depuis devenue la porte-parole des athlètes qui essayent de concilier haut niveau et maternité.

"C’est Clarisse maman qui vient avec sa petite armée, son armure et pour montrer aux femmes que tout est possible." À quelques semaines du début des JO de Paris, la judokate Clarisse Agbégénou affiche une belle confiance. Championne olympique en titre, elle est l’une des plus belles chances de médaille pour la France. Porte-drapeau lors des derniers jeux à Tokyo, elle porte aussi un nouvel étendard : celui des sportives qui concilient haut niveau et vie de famille.

Depuis ses deux médailles d’or remportées en 2021 au Japon en individuel et par équipe, elle est en effet devenue mère. Clarisse Agbégnénou a donné naissance en juin 2022 à une petite Athéna, avant de reprendre la compétition début 2023. Un retour sur les tatamis qui n’a pas forcément été des plus évidents. "Mon physique était totalement différent. Cela a été quand même très dur. Je me disais parfois que j’avais peut-être vu trop haut et trop loin", avoue-t-elle lors de la journée média de l’équipe de France de Judo, organisée en juin 2024 au siège de la fédération.

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"C’est mon antistress"

Beaucoup de sportives attendent encore trop souvent la fin de leur carrière pour devenir mère, en raison de nombreux obstacles. Dernièrement, la skippeuse Clarisse Crémer en a fait les frais. En février 2023, la navigatrice a été privée de Vendée Globe par son sponsor, la Team Banque Populaire, en raison de son congé maternité. En 2022, la basketteuse Valériane Vukosavljevic avait aussi dû renoncer au Mondial organisé en Australie, jugeant que "les conditions optimales" n’étaient pas réunies pour y emmener sa fille de six mois, même si "la fédération avait eu une oreille attentive à ses souhaits".

Clarisse Agbégnénou a elle aussi été confrontée à des problèmes d’organisation. Désireuse de continuer à allaiter sa fille après sa reprise, elle a tout fait pour imposer son choix. Certainement en raison de son palmarès (six titres de championne du monde et cinq titres de championne d’Europe) et de sa notoriété, elle a su se faire entendre. La sportive a même reçu une aide financière de l’Agence nationale du sport qui lui permet d’avoir un accompagnant sur chaque compétition et à chaque stage pour s’occuper de sa fille.

La judokate a même fait bouger les lignes au sein de la Fédération internationale de judo en obtenant l’autorisation – inédite jusque-là – d’avoir son enfant en salle d’échauffement lors des différents tournois. Pour elle, il est hors de question d’en être séparée : "C’est mon antistress", résume-t-elle. "Du moment qu’elle ne tombe pas, qu’elle ne se fracasse pas le crâne le jour de la compétition et qu’elle est en bonne santé, tout va bien pour moi."

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Des changements de règlements

Depuis quelques années, les mentalités et les règlements évoluent dans le milieu du sport féminin. La Fédération internationale de football impose ainsi, depuis 2021, aux fédérations nationales d’inscrire dans leur règlement un congé maternité d’au moins quatorze semaines, dont huit après la naissance, avec une rémunération minimale de deux tiers du salaire contractuel. La footballeuse doit aussi être réintégrée par son club à l’issue de son congé, avec "un soutien médical et physique approprié".

En France, si l’Olympique lyonnais a montré l’exemple en accompagnant la latérale Amel Majri tout au long de sa grossesse en 2022, le club a aussi été condamné en mai de la même année par le Tribunal de football de la Fifa à verser près de 82 000 euros à Sara Bjork Gunnarsdottir. La joueuse islandaise, enceinte en 2021, n’avait pas touché l’entièreté de ses allocations maternité.

Dans le handball aussi, les choses changent. La discipline fait figure de pionnière depuis mars 2021 : elle a été la première en France à se doter d’une convention collective offrant une vraie couverture de la maternité. Les professionnelles bénéficient d’un accord collectif garantissant "le maintien du salaire des joueuses par les clubs pendant un an, en cas de grossesse". Mais le dispositif ne prévoit pas le maintien du contrat de la sportive, ce qui fragilise les poursuites de carrière.

Une crèche olympique

Au niveau olympique, il y a encore beaucoup à faire. A l’approche de l’événement, Clarisse Agbégnénou est montée au créneau. En janvier dernier, elle n’a pas hésité à interpeller directement le président Emmanuel Macron en lui demandant de pouvoir dormir au village olympique avec Athéna, qu’elle continue d’allaiter. Le règlement du CIO interdit en effet la présence des enfants.

Sa demande n’a pas été entendue, mais la championne a trouvé une solution. Lors des Jeux, elle restera en journée au village olympique avec l’équipe de France, et le soir, elle ira rejoindre sa fille dans un hôtel tout proche : "Elle ne sera pas au village avec moi, mais en tout cas je pourrai dormir avec elle, et ça c’est très bien."

Pour la première fois de son histoire, le CIO a toutefois annoncé mettre à disposition des athlètes participants aux Jeux une crèche pour "leur permettre de passer du temps de qualité" avec leurs enfants et pour "leur apporter assistance et soutien pendant les Jeux". La nurserie ne fournira pas de service de garde, mais un espace de jeu réservable pour un créneau horaire.

"De nombreux athlètes doivent jongler entre leur carrière sportive et leur vie de famille. Je sais de quoi je parle, puisque j’ai participé aux Jeux Olympiques d’hiver de 2014 en tant que maman d’un enfant en bas âge. La grossesse et la maternité sont des étapes naturelles dans la vie, mais cela ne doit pas être synonyme de fin de carrière pour les femmes athlètes", a déclaré la présidente de la Commission des athlètes du CIO, l’ancienne joueuse de hockey sur glace Emma Terho, à l’annonce de la création de cette crèche.

"Mentalement, je suis plus forte"

Ces dernières années de nombreuses championnes ont ainsi prouvé qu’il était possible de rester au plus haut niveau à la suite d’une maternité. La footballeuse américaine Alex Morgan, la lanceuse de disque Mélina Robert-Michon ou encore la handballeuse Cléopâtre Darleux ont mis temporairement entre parenthèses leur vie de sportive pour devenir mère, mais sans que cela n’altère leur performance.

Clarisse Agbégnénou en est aussi l’un des exemples les plus parlants. Onze mois après la naissance d’Athéna, elle a remporté son sixième titre mondiale. En janvier dernier, elle a aussi gagné pour la septième fois le Grand Slam de Paris, l’un des tournois majeurs du judo.

Lors des Jeux de 2024, la Française, qui fait figure de grandissime favorite, aura l’occasion de devenir la première judokate tricolore à décrocher deux titres olympiques. Devenue maman, elle se sent encore plus complète qu’avant. "Mentalement, je suis plus forte. Je peux tout faire. J’ai une force en moi que je n’aurais jamais imaginé. Si on m’avait dit cela il y a quatre ans, j’aurais dit que c’était impossible", résume-t-elle.

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Trois ans après son triomphe à Tokyo, Clarisse Agbégnénou n’a qu’un seul objectif : monter sur la plus haute marche du podium. Une potentielle victoire personnelle, mais aussi collective : "Je la partagerai avec ma fille, mais aussi avec tout le monde pour qu’il y ait de nouvelles choses qui se passent et pour les mamans qui ont envie de continuer à travailler dans divers secteurs. Je suis contente de pouvoir le vivre et de pouvoir le démontrer. Être maman, c’est quelque chose qui est incroyable."

JO de Paris : Clarisse Agbégnénou, judokate et maman, un combat sur et en dehors des tatamis