Le mot n'est ni dans le Larousse, ni dans Le Robert, mais est prononcé ces derniers jours quasi quotidiennement sur les plateaux de télévision. Le "gloubi-boulga", à l'origine un plat imaginaire d'une émission pour enfants diffusée dans les années 1970-1980, est désormais mis à toutes les sauces par les responsables politiques – mais aussi les journalistes.
Il faut remonter au 30 septembre 1974 pour retrouver la première occurrence du mot. La recette de ce mets pour le moins original est alors détaillée dans un des premiers épisodes de "L'île aux enfants". Son héros, Casimir, liste les ingrédients à mélanger : chocolat en poudre, confiture de fraise, banane écrasée, moutarde et saucisse de Toulouse, "tiède mais pas cuite". Un régal pour le dinosaure orange, ami des enfants – beaucoup moins pour son entourage.
La recette de Casimir pour le "gloubi-boulga"
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Accepter Gérer mes choixÉvoqué régulièrement par le "monstre gentil" lors de ses aventures quotidiennes diffusées de 1974 à 1982, le nom de ce gâteau "réputé immangeable" finit par passer dans le langage populaire. D'abord utilisé pour désigner des plats aux ingrédients hétéroclites, le mot quitte vite les cuisines pour prendre un sens figuré et qualifier tout amalgame contre-nature, toute association incohérente, toute alliance inhabituelle. Tout "mélange infâme", comme le définit aujourd'hui le Wiktionnaire.
Périodiquement employé dans les médias, le mot est revenu en force dans le vocabulaire politique depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, au soir du scrutin européen du 9 juin. Si le président Emmanuel Macron, en justifiant sa décision de renvoyer les Français aux urnes, avait exprimé le besoin d'une "clarification" de la vie politique, observateurs et acteurs des tractations immédiatement entamées lui ont vite opposé le risque accru d'un "gloubi-boulga" issu de la recomposition.
Ces derniers jours, l'emballement pour cette expression s'est confirmé. Pour ne citer que quelques exemples :
- "Je ne participerai pas à un gouvernement qui serait une coalition hétéroclite et improvisée", un "gloubi-boulga". – François Ruffin, candidat en dissidence de La France insoumise aux élections législatives, le 4 juillet.
- "En face du Rassemblement national, qui est la seule offre cohérente, avec ses alliés, on a une espèce de gloubi-boulga politique, avec Gérald Darmanin soutenu par La France insoumise, la même France insoumise qui veut désarmer la police et qui chante à tue-tête 'Tout le monde déteste la police'." – Laurent Jacobelli, porte-parole du Rassemblement national, le 5 juillet sur TF1.
- "Le nouveau gouvernement […] devra être soutenu par une majorité qui devra […] choisir un des caps, pas faire quelque chose qui est un gloubi-boulga, qui n'a pas de sens." Mélanie Vogel, sénatrice écologiste représentant les Français de l'étranger, le 8 juillet sur RTL.
- "Qui pour gouverner ce gloubi-boulga ? L’Histoire marquera au fer rouge la fin du macronisme et cette folle décision du 9 juin 2024." – Aurélien Viers, directeur de la rédaction du quotidien régional La Provence, dans son édito du 8 juillet.
Christophe Izard, le créateur de "L'île aux enfants", qui avait inventé le plat et son nom, ne s'imaginait sans doute pas que le mot passerait à la postérité. Il fêtera pourtant en septembre prochain – tout comme Casimir – son cinquantième anniversaire.