La séquence s'est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Marine Tondelier au bord des larmes, lundi 1er juillet, dans la matinale de France Inter. Alors que le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, venait une nouvelle fois de renvoyer dos à dos le Rassemblement national et La France insoumise pour expliquer qu'il ne pouvait pas appeler clairement à faire barrage contre l'extrême droite, la secrétaire nationale du parti Les Écologistes (ex-Europe Écologie-Les Verts) lui a répondu, des sanglots dans la voix, qu'il avait un "comportement de lâche et de privilégié" qui n'était, selon elle, "pas à la hauteur de l'Histoire".
Un extrait tout en sincérité venu s'ajouter aux nombreux passages de Marine Tondelier sur les plateaux de télévision et les studios de radio compilés par son fan club sur Internet, à l'image du compte X "La veste verte de Marine Tondelier".
Ce matin je suis atterrée et très en colère.
Les « responsables » politiques centristes qui ce matin parlent plus de la FI que du RN ont des comportements de lâches et de privilégiés.
En refusant d'appeler clairement les électeurs à voter pour un candidat du… pic.twitter.com/6rllPXx4JQ
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Accepter Gérer mes choix"Elle a un mode d'expression très direct, très clair, avec une capacité à exprimer des choses complexes d'une façon très accessible, le tout sans langue de bois et de façon respectueuse. Et puis elle dit ce que beaucoup de gens auraient envie de dire s'ils avaient la parole. Par les temps qui courent, avoir quelqu'un qui ne baisse pas les bras, ça donne de l'espoir et ça rassure. Son discours correspond aux attentes du moment, elle comprend la société", juge l'ancien patron du parti écologiste David Cormand, eurodéputé depuis 2019.
Au point de faire peur à Jordan Bardella ? Le patron du Rassemblement national (RN) a refusé de débattre avec elle. Prévu depuis plus d'une semaine, le débat d'entre-deux-tours des élections législatives sur BFMTV, mercredi soir, était censé réunir le Premier ministre Gabriel Attal, Jordan Bardella et Marine Tondelier. Mais le député européen du RN a fait pression sur la chaîne d'info en continu pour que le représentant du Nouveau Front populaire soit Jean-Luc Mélenchon, considéré comme un épouvantail facile à agiter pour l'extrême droite. Face à ce refus d'obstacle, BFMTV a remplacé son débat par trois interviews d'une heure avec les trois représentants politiques prévus initialement.
"Est-ce que Jordan Bardella a peur de nous ? Peur de l'écologie ? Peur des femmes ? Tout ça en même temps ? Je n'en sais rien. Je sais en revanche comment les gens du RN mettent de l’emprise sur une ville et je connais leurs mauvais côtés, leurs faiblesses. Je pense que c'est quelque chose qui lui fait peur également, mais en démocratie, normalement, on ne choisit pas avec qui on débat", a regretté Marine Tondelier, mardi, sur l'antenne de France 24.
À 37 ans, elle a en effet eu le temps d'observer de près l'extrême droite. Marine Tondelier a grandi à Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, et y réside toujours avec sa famille. Elle y a vu le Front national, devenu Rassemblement national, s'emparer de la mairie en 2014, année où elle est élue pour la première fois au conseil municipal.
"Ne jamais baisser la tête, ne jamais baisser les yeux, ne jamais baisser les bras !"
Elle tire de cette expérience un livre, "Nouvelles du Front" (éd. Les liens qui libèrent, 2017), sous-titré "La vie sous le Front national, une élue de l'opposition raconte". Dans son récit, elle témoigne de la brutalité des méthodes du maire Steeve Briois et de son équipe, des intimidations dont les oppositions et la presse sont les cibles et du climat menaçant avec lequel les employés de la ville et les associations doivent composer. Marine Tondelier apprend durant ces années à encaisser les coups et à répondre aux attaques.
"Ça fait dix ans que je suis élue d'opposition au Rassemblement national à Hénin-Beaumont. Je connais leurs valeurs, leurs méthodes dégueulasses. Et j'ai appris trois choses : ne jamais baisser la tête, ne jamais baisser les yeux, ne jamais baisser les bras !", lance-t-elle, dimanche 30 juin, à la foule réunie place de la République après les résultats du premier tour des législatives.
Impeccable @marinetondelier 🙏👍👏
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Accepter Gérer mes choixRefusant de "déserter" sa circonscription, où elle a combattu à plusieurs reprises Marine Le Pen aux législatives, sans succès, elle s'est présentée dimanche comme suppléante de la candidate socialiste du Nouveau Front populaire, Samira Laal. Cette dernière a échoué (26,05 %) face à l'ancienne candidate à la présidentielle, élue au premier tour (58,04 %).
Marine Tondelier est aussi conseillère régionale des Hauts-de-France depuis 2021 et siège dans l'opposition au président Xavier Bertrand (Les Républicains).
"En parallèle, elle était déjà à la direction du parti écologiste. Lorsque j'en étais le secrétaire national entre 2016 et 2019, elle était l'une de mes chevilles ouvrières. Elle s'est notamment occupé des Journées d'été pendant huit ans. C'est elle qui devait faire le lien avec tous les membres du parti, mais aussi les ONG et tous les compagnons de route de l'écologie. Elle a aussi été assistante parlementaire au Sénat et à l'Assemblée nationale. Ces expériences lui ont permis de connaître sur le bout des doigts les arcanes du parti et de la vie parlementaire", souligne David Cormand.
Mais c'est en devenant à son tour secrétaire nationale du parti écologiste, en décembre 2022, que Marine Tondelier commence à jouer un rôle de premier plan dans le paysage politique national. Elle ambitionne alors de convertir les classes populaires à l'écologie politique et promet une liste autonome des écologistes aux élections européennes de 2024. Elle assure alors que la gauche obtiendra de meilleurs résultats séparément que réunie sous la bannière de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes).
La suite de l'histoire est connue : la liste portée par Marie Toussaint a frôlé la catastrophe en n'obtenant, dimanche 9 juin, que 5,50 % des voix, loin derrière les 13,83 % de Raphaël Glucksmann (Parti socialiste-Place publique) et les 9,89 % de Manon Aubry (La France insoumise). Mais aussi et surtout très loin des 13,48 % obtenus cinq ans plus tôt par les écologistes avec Yannick Jadot.
"Il y a une voie possible"
Dans les jours et semaines qui précèdent le scrutin européen, les critiques en interne sur la stratégie de Marine Tondelier se font entendre. Elles réclament l'organisation d'un congrès extraordinaire après les européennes, Marine Tondelier est contestée et a conscience qu'elle va devoir rendre des comptes. Puis les européennes livrent leurs résultats et Emmanuel Macron annonce la dissolution de l'Assemblée nationale.
Pour l'élue d'Hénin-Beaumont, qui en dépit d'une stratégie autonome pour le scrutin européen était favorable à une union de la gauche en vue de la présidentielle de 2027, l'urgence est claire : empêcher le Rassemblement national, qui vient d'obtenir un score historique aux européennes avec 31,37 % des voix, d'accéder au pouvoir.
Marine Tondelier joue alors un rôle décisif dans l'union des forces de gauche, expliquant aux socialistes qu'un tel rassemblement ne pourra se faire sans les insoumis et aux insoumis qu'ils devront accepter la présence des socialistes.
"Elle a fait preuve de leadership pour mettre les gens autour de la table et faire en sorte d'obtenir le consentement des quatre partis pour faire le Nouveau Front populaire. Elle a su bousculer et être entendue", témoigne David Cormand, présent aux premières loges à la table des négociations.
Il y avait une attente énorme.
Cela nous obligeait et nous l'avons fait.
Maintenant au travail !#FrontPopulaire #Legislatives2024 pic.twitter.com/ugnjKeIuvc
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Accepter Gérer mes choixLes discussions ont d'ailleurs lieu au siège de son parti et c'est elle qui annonce, dans la soirée du lundi 10 juin, l'accord de principe des forces de gauche pour faire l'union aux élections législatives anticipées.
Depuis, la secrétaire nationale du parti Les Écologistes se démultiplie. Invitée de toutes les matinales, elle répond aux critiques sur la crédibilité économique du programme du Nouveau Front populaire ou aux incessantes questions sur Jean-Luc Mélenchon. Elle n'hésite pas à critiquer l'exclusion de plusieurs insoumis (Alexis Corbière, Raquel Garrido, Danielle Simonnet notamment) et à affirmer que l'ancien candidat à la présidentielle "n'est pas le leader du Nouveau Front populaire" et qu'"il ne sera pas Premier ministre".
Cette question se réglera selon elle après le second tour des législatives. Avant le 7 juillet, elle préfère mettre toute son énergie dans la campagne. "Il y a une voie possible, a-t-elle affirmé au micro de France 24. Je le dis aux gens qui ont la boule au ventre et qui se disent que c’est foutu : ce n'est pas vrai, il y a un chemin."