
"Le premier jour d'une France inconnue se lève", titre le quotidien grec To Vima. "Ne vous y trompez pas, c'est historique", écrit la BBC. "Il n'y a désormais plus de honte à voter pour un parti renommé [par Marine le Pen en 2018] 'Rassemblement national'", remarque l'hebdomadaire britannique The Spectator, quand le magazine Der Spiegel déplore, lui, un vote pour l'extrême droite "devenu banal".
Dimanche, le Rassemblement national (RN) et ses alliés sont arrivés en tête des suffrages en obtenant leur meilleur score au premier tour d'un scrutin, avec 33,15 % des suffrages, soit 10,6 millions de voix.
Au lendemain du succès de l'extrême droite au premier tour des élections législatives anticipées en France, la presse internationale pointe, lundi 1er juillet, "l'échec" cinglant du président français Emmanuel Macron, jugé responsable de la situation. Et s'interroge sur les raisons qui poussent plus d'un tiers des votants à choisir l'extrême droite.
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"Cette élection enterre le macronisme"
"'Il faudrait essayer le RN, on n'a jamais testé'. Les gens disent cela comme s'ils étaient en train de choisir des pâtes au supermarché", ironise Der Spiegel.
Trois semaines après le séisme politique provoqué par la décision d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale au soir des élections européennes, les médias allemands sont particulièrement cinglants.
Le Süddeutsche Zeitung, un journal libéral de gauche, dénonce "le coup de poker" de Macron qui "a ouvert en grand la porte à l'extrême droite".
"Si les lepénistes arrivent au pouvoir, ce sera aussi son échec, sa faute", analyse le journal, car "son optimisme et son autoglorification entrent tellement en conflit avec le pessimisme des Français que beaucoup veulent simplement le voir partir".
Pour Die Welt (conservateur-libéral), "cette élection enterre le macronisme" et un président qui "a fait le mauvais calcul" avec sa stratégie "moi ou le chaos".
Quant au Frankfurter Allegemeine Zeitung (également conservateur-libéral), il fustige "la réaction inconsidérée aux élections européennes" du président français.
"Le pays se dirige vers une cohabitation, peut-être vers un blocage de son système politique. La France pourrait être absente de l'UE et de l'Otan pendant des années. Cela ferait plaisir à Moscou", assène le quotidien.
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"La démocratie française parle et elle fait peur"
Outre-Manche, les législatives françaises font la Une de la plupart des quotidiens britanniques, qui ne ménagent pas leurs critiques envers l'exécutif français.
"La droite française humilie Macron" écrit The Times en Une. Une vision partagée par le tabloïd Daily Mail, qui écrit que le chef de l'État français a "ouvert la porte à l'instabilité économique et politique".
"Ce n'est pas seulement une crise pour la France. C'est une crise pour l'Union européenne, avec un des ses principaux membres fondateurs qui aura un Parlement, et peut-être un gouvernement rempli d'eurosceptiques", avance encore le journal, fervent défenseur du Brexit en 2016.
En Italie, pays de la dirigeante d'extrême droite Giorgia Meloni, le premier tirage du pays Il Corriere della Sera (centre-droit) est cinglant : "La droite française est passée hier des héritiers de de Gaulle à ceux de Vichy et de l'Algérie française, une France provinciale et rancunière qui se croyait battue par l'Histoire."
"L'Histoire dira si Macron a été l'homme qui a retardé cette inquiétante métamorphose ou celui qui a offert la France à la nouvelle droite", résume le journal.
Le quotidien de centre-gauche La Repubblica ou encore le journal turinois la Stampa relèvent néanmoins que "rien n'est encore fait", et saluent les accords de désistement annoncés pour contrer le RN.
À lire au sujet des accords de désistements Se maintenir ou se désister face au RN : l'heure du choix avant le second tour
En Suisse, le grand quotidien germanophone Tages-Anzeiger, titre : "La vague Le Pen efface l'aura de pouvoir de Macron." Et de déplorer que "le pays des Lumières, des droits de l'homme et du cosmopolitisme dérive plus à droite que jamais – et peut-être vers l'obscurité, l'isolement et la xénophobie".
"La démocratie française parle et elle fait peur", juge de son côté l'éditorial du quotidien francophone suisse de référence Le Temps, qui qualifie ce qui se passe en France d'"effarante débandade".
🗞️ Voici la une du journal @LeTemps de ce lundi! pic.twitter.com/ayuraoCJ7T
— Le Temps (@LeTemps) July 1, 2024Pour afficher ce contenu X (Twitter), il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choix"La République française semble meurtrie, lacérée par ses divisions", déplore outre-Atlantique le New York Times. "Le résultat du vote est un sérieux revers [pour Emmanuel Macron], après avoir parié que la victoire du Rassemblement national aux récentes élections aux européennes ne se reproduirait pas", poursuit le quotidien américain, actant la défaite du camp présidentiel.
"L’homme qui décrivait autrefois son style de leadership comme jupitérien ressemble désormais à Icare, après avoir joué avec le feu politique et s’être brûlé", écrit de son côté CNN.
"Un vote contre les autres"
Enfin, de l'autre côté de la Méditerranée, un éditorial du quotidien indépendant libanais de langue française L'Orient-Le Jour conclut que "la France n'est pas un îlot". "Ce qui s'y joue s'inscrit essentiellement dans une dynamique qui la dépasse et que l'on pourrait résumer ainsi : les démocraties sont en crise, les États-nations sont profondément fracturés, l'Occident vit dans le sentiment réel ou fantasmé du déclin."
Et "tout cela provoque naturellement des peurs, des angoisses et des replis identitaires dont le populisme d'extrême droite se nourrit comme aucun autre mouvement".
En Algérie, l'éditorial du quotidien l'Expression dépeint le portrait d'une "France dans les bras du RN", évoquant "un moment historique, un rêve qui se concrétise pour l'ex-parti de Jean-Marie Le Pen, tortionnaire notoire pendant la guerre de libération nationale et défenseur farouche de l'Algérie française dont l'indépendance lui est restée en travers de la gorge".
Après avoir énuméré toutes les fois où il a été fait appel à un "front républicain" pour faire barrage à l'extrême droite, le quotidien généraliste algérien constate qu'il s'agit d'"une recette qui, vraisemblablement, ne marche plus".
"Les Français, sans doute déçus par la manière dont sont gérées les affaires de leur pays, sont désormais décidés à tenter l'aventure avec un parti xénophobe. Ce qui devait arriver arriva."
De son côté, le pure player TSA évoque "un vote contre les autres". "Les Français qui ont voté pour le RN savent que ce parti n’a ni les moyens ni les compétences de sortir le pays de son marasme économique. Ils l’ont fait en premier lieu contre les autres : les immigrés, les binationaux et les musulmans", écrit le média généraliste, rappelant que le parti d'extrême droite "promet aussi d’engager un bras de fer avec l’Algérie, avec suppression des visas et dénonciation de l’Accord de 1968 sur l’immigration, quitte à provoquer une rupture avec l’un des principaux partenaires de la France".
"Le RN promet de s’attaquer à une partie de la population vivant en France et de croiser le fer avec les partenaires de ce pays de l’autre côté de la Méditerranée", poursuit TSA. "Un discours haineux et belliqueux qui semble séduire une partie de la population. Et c’est cela le plus inquiétant."
Avec AFP