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Pèlerinage meurtrier à La Mecque : en Tunisie, "des agences de voyage jouent avec la vie des gens"
Plus de 1000 fidèles sont décédés alors qu’ils accomplissaient le grand pèlerinage annuel à la Mecque, entre le 14 et le 19 juin. En cause, une température suffocante dépassant les 50 º C, mais aussi les agences de voyages qui organisent des pèlerinages en dehors des circuits officiels selon de nombreux témoignages recueillis par l’AFP. En Tunisie, le décès de 35 pèlerins tunisiens et la disparition de dizaines d’autres provoquent l’émoi.

En l’absence de chiffres officiels fournis par l’Arabie Saoudite, le décompte faisant état de 1000 morts  a été effectué par l’Agence France-Presse (AFP), se basant sur les données des pays dont sont originaires les victimes. Plus de dix pays ont signalé des morts parmi leurs ressortissants, dont la Jordanie, le Sénégal, l’Indonésie, le Pakistan et la Tunisie. 

En Egypte, qui compte un nombre de victimes particulièrement élevé avec plus de 650 pèlerins morts, le président Abdelfattah al-Sissi a annoncé la mise en place d’une “cellule de crise” pour rapatrier les victimes et rechercher les disparus. 

Des vidéos montrant des pèlerins visiblement décédés, notamment recouverts de draps blancs, ont provoqué de vives réactions sur les réseaux sociaux.    

ATTENTION CES IMAGES PEUVENT CHOQUER

Pèlerinage meurtrier à La Mecque : en Tunisie, "des agences de voyage jouent avec la vie des gens"
Pèlerinage meurtrier à La Mecque : en Tunisie, "des agences de voyage jouent avec la vie des gens"

Le taux élevé de morts en comparaison avec les années précédentes est imputé à des insolations dues à des températures extrêmes dépassant les 50 ºC. Mais des agences de voyage peu scrupuleuses sont aussi mises en cause. Elles organisent des pèlerinages hors des circuits officiels, et donc non autorisés par les autorités saoudiennes. À titre de comparaison, lors du pèlerinage de 2023, des données publiées par plusieurs pays avaient fait état de 230 décès.  

Chaque année, l’Arabie Saoudite octroie des quotas à chaque pays pour le pèlerinage annuel à la Mecque. Pour cette édition, environ 1,8 million de fidèles ont pu bénéficier de visas spécifiques pour effectuer ce pèlerinage. Mais, pour contourner ce système de quotas, des agences de voyages proposent des pèlerinages avec un visa “touriste”. Les pèlerins ne bénéficient pas de certaines installations, comme l’accès à des tentes climatisées et des distributions d’eau organisées par les autorités saoudiennes. 

Selon les autorités de plusieurs pays, qui comptent des victimes parmi les pèlerins, la plupart des personnes décédées s’étaient rendues à la Mecque dans le cadre d’un visa “touriste”. C’est notamment le cas de la Tunisie, où le ministère des Affaires étrangères a annoncé dans un communiqué que parmi les 35 pèlerins tunisiens morts, 30 étaient partis avec un visa touristique. 

“Ils auraient dû suspendre les visas touristiques un mois ou deux avant la période du Hajj”

Selon des médias tunisiens, 12 pèlerins décédés, soit près du tiers des victimes, sont originaires de la ville de Ben Gardane. Sur les réseaux sociaux, il est fait également état de nombreux disparus. Achar al-Ouardani est un militant de la société civile à Ben Gardane, qui a notamment relayé ces derniers jours des appels de détresse de proches de pèlerins égarés.  

On ne sait pas encore exactement quelles sont les raisons de ces drames. Mais en tout cas, la responsabilité revient aux autorités saoudiennes et celles de Tunisie. 

Le pèlerinage à la Mecque dans le cadre de la délégation officielle coûte environ 21 000 dinars tunisiens [environ 6000 euros]. Tout le monde ne peut pas se payer le voyage. Par conséquent, de nombreux citoyens se rabattent sur des agences de voyages qui proposent le même pèlerinage à environ 3000 euros. Ces agences promettent un hébergement dans un hôtel confortable, la nourriture, le déplacement, mais en réalité les pèlerins se retrouvent dans des hôtels miteux, livrés à eux-mêmes, dans des conditions exécrables.  

Les autorités saoudiennes savent que de nombreux pèlerins tentent de se rendre à la Mecque sans avoir obtenu le visa officiel. Elles auraient du suspendre les visas touristiques un mois ou deux mois avant la période du Hajj, pour éviter ce type de drames. 

Pèlerinage meurtrier à La Mecque : en Tunisie, "des agences de voyage jouent avec la vie des gens"

En plus des morts, il y a de nombreux pèlerins, souvent âgés, qui s’égarent dans la foule. C’est essentiellement dû au fait que ces agences de voyages désignent des accompagnateurs qui ne sont pas expérimentés et qui ne savent pas gérer un groupe d’une quarantaine de personnes qu’ils sont censés encadrer. Ils jouent avec la vie des gens.  

قبل عدة سنوات شاركت في مهمة الحج وتشرفت بخدمة ضيوف الرحمن.

كان عداد الحجاج في ذلك الوقت كبير جداً وكان التنظيم احترافياً.

أما ما حصل في حج هذا العام من وفيات ومفقودين فليس أمراً طبيعياً.

ابن سلمان والضباط الخونة تعمدو إهمال الحجاج.

كما تعلمون أن من يحكم بلاد الحرمين زنديق و… pic.twitter.com/3oJUOHoG6Q

— طارق الزهراني (@TARIQ_UK2) June 20, 2024

Les morts et disparitions ne sont pas seulement des clients des agences privées, mais aussi parmi la délégation officielle. La responsabilité de ces drames incombe donc aussi aux autorités tunisiennes. Dans le cadre de ces pèlerinages officiels, l’Etat désigne aussi des accompagnateurs, qui souvent ne sont pas non plus compétents. Il faut plus de réglementation, que ces guides soient soigneusement sélectionnés, ils doivent connaître les hôpitaux, quelles sont les heures de grande affluence donc les plus dangereuses pour les pèlerins, comment effectuer les premiers soins. Or, rien de cela n’est fait.

Il faut une prise de conscience parmi nos jeunes. Ils ne doivent pas envoyer leurs parents âgés, souffrant de maladies chroniques, en plein cagnard, c’est criminel. Ou sinon qu’ils les accompagnent pour prendre soin d’eux, car les guides ne peuvent pas tout.

Plusieurs pèlerins ont critiqué les autorités saoudiennes, surtout la police et les secours, qu’ils accusent d’être moins enclins à porter assistance à ceux ayant effectué le voyage sans avoir obtenu le visa officiel pour le pèlerinage. La rédaction des Observateurs n’est pas parvenue à vérifier ces accusations de source indépendante. 

Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères tunisien a implicitement reproché aux gouvernements saoudien de délaisser les pèlerins non autorisés dans un  communiqué publié le 18 juin. « Il est nécessaire d'accepter tous les pèlerins tunisiens arrivant avec des visas touristiques, de visite ou de Omra, et qui se rendent dans les camps des Lieux Saints pour demander des soins médicaux, de la nourriture et un abri pour les personnes égarées, et ce en conformité avec les principe d'égalité entre tous les citoyens, quelle que soit leur situation” exhorte le texte.