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Cannes : "The Apprentice", brûlot anti-Trump ou "déconstruction d’une icône" ?
De notre envoyé spécial à Cannes – Donald Trump a volé la vedette aux stars d’Hollywood, à Cannes, avec le film "The Apprentice", qui retrace la première partie de carrière, dans l’immobilier, de l’ex-président américain. Un film parmi les plus attendus du festival, contre lequel son équipe de campagne a déjà annoncé une action en justice.

Il s'agit d'un personnage aux mille vies dont le destin rocambolesque dépasse de loin la fiction. L'ex-président américain Donald Trump a fait une "apparition" fracassante lundi au 77e Festival de Cannes à travers la première du film "The Apprentice", retraçant sa spectaculaire ascension en tant que magnat de l'immobilier, dans les années 1970 et 80. 

Candidat à la Palme d'or, le nouveau long-métrage du réalisateur dano-iranien Ali Abbasi est une plongée acerbe dans la construction psychologique du tonitruant et outrancier personnage de Donald Trump, façonné à travers sa relation avec l'influent avocat d'affaire Roy Cohn. 

Un film coup de poing, présenté à quelques mois de l'élection présidentielle et que les soutiens de Trump ont déjà promis de faire interdire. 

La gagne, la gagne, la gagne 

Dès la première scène, "The Apprentice" donne le ton. Les milliardaires sont nés pour être milliardaires, c'est génétique, explique le personnage principal à la jeune fille qui partage sa table dans un restaurant huppé de Manhattan. Donald Trump se voit en 'killer', parce qu'un 'killer' c'est un 'winner'. Son quotidien, pourtant, ne fait pas vraiment rêver. Le jeune Donald collecte les loyers dans les immeubles de son père, le tyrannique magnat de l'immobilier Fred Trump, dont l'entreprise est menacée par une procédure judiciaire car il refuse les locataires noirs.

Mais tout va changer quand il rencontre de Roy Cohn, avocat républicain, entremetteur aux méthodes douteuses, qui prend Donald sous son aile et jouera un rôle clé dans sa construction professionnelle.

Fils de riche un peu gauche, écrasé par la figure paternelle, Donald doit "créer sa propre réalité", "revendiquer la victoire" et "ne jamais admettre la défaite", lui enseigne Roy Cohn, nourrissant ainsi, des années durant, l'ambition sans borne et la soif de revanche familiale de son protégé. En ressort un portrait psychologique aussi dérangeant que captivant, laissant poindre, par bribes, les failles du personnage, incarné par l'acteur Sebastian Stan (vu dans la trilogie de Captain America), dont l'exercice de mimétisme impressionne. 

Le film met également en scène le couple Donald-Ivanka, de leur rencontre aux épisodes les plus sombres de leur relation.

Dévoilé à quelques mois de la présidentielle américaine de novembre 2024, qui donnera lieu au match retour entre Joe Biden et Donald Trump, "The Apprentice" est un pavé dans la mare dont les soutiens du candidat républicain se seraient bien passés.  

Cannes : "The Apprentice", brûlot anti-Trump ou "déconstruction d’une icône" ?

Bataille judiciaire en vue ? 

Le film est présenté comme une œuvre de fiction inspirée de faits réels. Fustigeant une "ingérence électorale" des "élites hollywoodiennes", Steven Cheung, porte-parole principal de la campagne Trump, a d'ores et déjà annoncé une action en justice contre ce qu'il dénonce comme "une pure fiction qui fait du sensationnalisme avec des mensonges, démystifiés depuis longtemps".

Ces accusations visent en particulier le choix du réalisateur d'inclure dans son récit une scène de viol, inspirée des accusations proférées par Ivanka à l'encontre de celui qui était encore son mari, lors de leur houleux divorce. L'ex-femme de Donald Trump a depuis affirmé que cette affaire, relayée par la presse américaine, était "sans fondement".

D'après Variety, un autre soutien de Donald Trump, le milliardaire Dan Snyder, tenterait de faire interdire le film. Ce dernier aurait investi de l'argent dans le projet pensant financer un film à la gloire de l'ancien président et serait furieux du résultat.

Mardi, lors de la conférence de presse à Cannes, Ali Abbasi a réagi à ces attaques contre son long-métrage, estimant qu'il serait d'abord judicieux de le voir. 

"Je pense que ce film ne déplairait pas à Donald Trump, il serait surpris en le voyant" a expliqué le cinéaste, précisant qu'il "serait ravi d'en discuter avec lui" si cela "peut être intéressant". 

"Il ne s'agit pas d'un film sur Donald Trump mais sur un système, la manière dont les hommes puissants utilisent ce système" affirme-t-il, en référence au personnage de Roy Cohn, devenu célèbre en conseillant le sénateur Joseph McCarthy dans sa "chasse au sorcière" anti-communiste au début des années 1950 avant de travailler pour les Trump et de devenir le mentor de Donald.

Accusé par le camp Trump d'avoir brossé un portrait à charge sans nuance de leur candidat, le réalisateur affirme au contraire lui avoir rendu son humanité. 

"L'idéologie du film consiste à prendre ces personnes qui sont des icônes et à les faire atterrir, déconstruire leur mythologie pour en faire des êtres humains", a souligné le réalisateur.  

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