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Aide à mourir : l'ultime liberté ?
Publié le : 20/05/2024 - 16:10 Modifié le : 20/05/2024 - 16:12

Le projet de loi ouvrant pour la première fois en France une “aide à mourir” pour certains patients doit être débattu dans l’Hémicycle à partir du 27 mai. Ce marathon parlementaire pourrait durer au moins jusqu’à l’été 2025. Pour comprendre pourquoi cette question divise tant la société française, nous sommes allés à la rencontre de malades et de soignants qui militent pour cette aide à mourir ou qui, au contraire, y sont opposés.

Loïc Résibois a 46 ans. Sa maladie de Charcot a été diagnostiquée en septembre 2022. Depuis plusieurs mois, son corps ne le porte plus. Cet ancien policier des renseignements généraux, tennisman de haut niveau, ne peut désormais plus rien faire sans l’aide de son épouse, Caroline. Très lucide, il nous explique que la maladie de Charcot est une maladie qui éteint un à un tous les muscles du corps. "En gros, poursuit-il, vous êtes un légume avec un cerveau".

Loïc a donc décidé de faire de l’aide à mourir dans la dignité son combat et multiplie les interventions dans les médias et sur les réseaux sociaux. Il estime que cette aide à mourir est "une liberté, qui n’empiète en rien sur celle des autres. Si certains ne veulent pas en bénéficier, c'est simple, ils n'ont qu’à pas la demander".

Le texte voulu par Emmanuel Macron prévoit plusieurs critères : être majeur, résider en France ou être de nationalité française, être atteint d'une maladie incurable en phase avancée ou terminale, être capable d'exprimer ses dernières volontés avec discernement, souffrir de douleurs insupportables ou réfractaires au traitement.

Un projet de loi qui n’est pas vu d’un bon œil à la Maison de Gardanne, près d’Aix-en-Provence. Cet établissement de soins palliatifs, cofondé par le docteur Jean-Marc La Piana il y a trente ans, accueille les personnes atteintes de maladies incurables. L'humanité et la sensibilité y sont les maîtres mots : on ne parle pas de malades, ni de patients, mais de résidents. Les soignants ne portent ni blouse, ni badge. Les familles peuvent être présentes 24 heures sur 24.

Alain Fourneau y est soigné pour un cancer et même si cet ancien directeur de théâtre pense qu’une loi doit exister pour ceux qui le souhaitent, il nous explique que son séjour dans cet établissement a changé son regard sur l’aide à mourir : "Cela me parlait il y a encore quelques mois. Mais c’est vrai qu’après une expérience comme celle-là, cela se mesure, cela se mesure vraiment". Jean-Marc La Piana en est persuadé : si les malades étaient mieux soignés, il y aurait beaucoup moins de demandes d’euthanasie. Le médecin estime qu’il faut donc en priorité développer les soins palliatifs et ne pas tout mélanger dans une seule loi.

En France aujourd’hui, lorsque le pronostic vital du malade est engagé à court terme, la loi Claeys Leonetti de 2016 lui permet de bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, sans aller jusqu’à l’euthanasie active. Sédation profonde et continue ou aide à mourir avec injection d’un produit léthal, le sujet divise au sein même du monde médical.

Bernard Senet est un médecin généraliste à la retraite. Il est l’un des rares en France à assumer avoir pratiqué des euthanasies. Une soixantaine, à l’hôpital ou à domicile. Aujourd’hui, l’ancien médecin de famille est inculpé pour avoir aidé des malades à se procurer du penthotal, un barbiturique interdit en France. Mais il ne regrette rien : "Il y a un moment où la maladie gagne et à ce moment-là, on ne doit pas lâcher le malade et lui dire qu’il doit se débrouiller tout seul."

Comme Loïc Résibois, Bernard Senet estime que la loi devrait reconnaître l’euthanasie comme un acte ultime de soin. Tous deux espèrent qu’elle sera adoptée le plus rapidement possible.