
Owais (pseudonyme) est un habitant de Karachi (Pakistan) qui aime les animaux. Il a contacté notre rédaction en avril pour dénoncer l’exploitation de plusieurs espèces d’animaux sauvages, notamment à la télévision :
Chaque année, durant le ramadan, les principales chaînes de télévision pakistanaises diffusent des émissions spéciales, comme "Shan-e-Ramazan", sur ARY Digital, la plus grande chaîne privée du pays. Mais des animaux sont exhibés dans cette émission, comme les flamants roses et les grues demoiselles, qui sont des oiseaux migrateurs. J’ai constaté cela en 2018 [autour de 5’39, NDLR], en 2019 [autour de 0’57, NDLR], en 2022 [autour de 2’46, NDLR], en 2023 et en 2024 [voir captures d’écran ci-dessous, NDLR].


Pour moi, c’est problématique de voir cela à la télévision. Je pense que cela peut donner envie aux gens d’acheter ces animaux. Sur les réseaux sociaux, on voit d’ailleurs des vidéos de gens avec des animaux sauvages chez eux.

"Cela peut conduire à une hausse du braconnage"
"Moby Manimal" est un défenseur des animaux pakistanais actif sur les réseaux sociaux. Lui aussi considère que les programmes télévisés montrant des animaux peuvent inciter les gens à vouloir en acquérir.
Cela peut conduire à une hausse du braconnage. En plus, les braconniers peuvent utiliser des captures d’écran de ces programmes télévisés pour affirmer, à tort, qu’il est légal de vendre ces animaux et de les garder à la maison. À Karachi, ces animaux sont considérés comme des produits de luxe, les gens les gardent pour les exhiber, pour impressionner les autres. Presque personne ne garde un animal juste pour avoir un animal de compagnie…
Notre rédaction a contacté ARY Digital et le YouTubeur Inzi Or Ibrahim, pour les interroger sur ces images. Nous publierons leurs réponses si elles nous parviennent.
"On peut acheter des tortues vertes à deux dollars"
Owais (pseudonyme) poursuit :
On trouve ces animaux en vente, de plus en plus, notamment à l’Empress Market à Karachi, où je suis allé à plusieurs reprises : il y a des flamants roses, des grues, des canards migrateurs, des renards, des aigles, des faucons, des tortues… D’après les commerçants, les chaînes de télévision achètent aussi leurs animaux là. Concernant les tortues vertes en particulier, c’est une espèce menacée qui pond près de Karachi. Mais des bébés tortues peuvent être trouvés facilement en boutique, pour seulement deux dollars.



Il est aussi possible d’acheter ou de louer certaines espèces en ligne, par exemple via la page Facebook "yousuf Jan animals Sellars", où l’on trouve, entre autres, des flamants roses et des grues demoiselles.

Notre rédaction a contacté le numéro WhatsApp indiqué sur cette page Facebook. Nous lui avons dit que nous étions des Français au Pakistan, intéressés par l’achat de certains animaux, sans indiquer que nous étions journalistes. Il nous a envoyé plusieurs vidéos d’animaux, avec des prix : 30 000 ou 65 000 RS (100 ou 217 euros) pour deux flamants roses, selon leur couleur, et 10 000 ou 15 000 RS (33 ou 50 euros) pour deux tortues des steppes, selon leur taille.

Des espèces censées être protégées au Pakistan
Ces différentes espèces n’ont pas toutes le même statut. Selon la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les flamants roses et les grues demoiselles ne sont ainsi pas en danger. Mais ces dernières années, les défenseurs de l’environnement pakistanais se sont inquiétés de la forte diminution des populations d’oiseaux migrateurs dans leur pays.
En revanche, toujours selon la liste rouge de l’UICN, les tortues vertes et les aigles des steppes, par exemple, sont "en voie d’extinction".
Ces différents animaux sont protégés au Pakistan, notamment par la "Pakistan Wildlife Ordinance" de 1971, valable pour l’ensemble du pays, et/ou par la "Sindh Wildlife Protection Ordinance" de 1972, qui s’applique dans la province du Sindh, où se trouve Karachi. Il n’est donc pas permis de les tuer, de les chasser, de les capturer ou de les garder chez soi.
صوبہ سندھ کے نرم ریت والے ساحل جیسا کہ ھاکس بے اور سینڈز پٹ صدیوں سے سمندری کچھوؤں کی مختلف پرجاتیوں کے "نیسٹنگ گرائونڈس" رہے ہیں۔ ھر سال ستمبر سے فروری تک سمندری کچھوؤں کے انڈے دینے کا موسم رہتا ہے۔
2023-24 میں ھاکس بے کےساحل پر دوران سیزن آنے اور چہل قدمی#SindhWildlife🇵🇰
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Problème : Owais (pseudonyme) et "Moby Manimal" estiment que la loi est rarement appliquée au Pakistan.
De nombreuses lois protègent les animaux, mais le problème, c’est leur application, qui est pratiquement inexistante. Sans compter qu’il y a une réticence à dénoncer les fautes et à intervenir pour stopper les activités illégales. Donc il faut sensibiliser davantage les gens sur les efforts de conservation.
Un avis partagé par Najeebullah Khan, un défenseur de l’environnement pakistanais qui s’intéresse tout particulièrement à la situation des Gruidés. C’est notamment lui qui se trouve derrière le groupe Facebook "Pakistan Crane Group" ("crane" signifie "grue") :
En mars, j’ai suivi un groupe de chasseurs qui capturent et entraînent des grues, afin qu’elles servent de leurres, pour chasser des grues sauvages, pour le loisir, pour se nourrir ou pour les vendre. Cette pratique contribue au déclin des Gruidés. J’étais là pour rassembler des informations, pour ensuite sensibiliser à ce sujet, notamment sur les réseaux sociaux. La majorité de ces chasseurs ne sont pas des gens éduqués.
Selon lui, la corruption et le manque de ressources entravent également les efforts de conservation de la faune.