Alors que les électeurs de plus de 80 circonscriptions ont voté lors de la deuxième phase des élections générales en Inde, la Cour suprême a rendu le 26 avril une décision cruciale sur le système de vote électronique. La plus haute instance judiciaire a statué que le pays devait développer une "culture de la confiance" en la matière, malgré les doutes émis par certains.
Une semaine après le début des élections générales – qui s’étendent sur six semaines et en plusieurs phases – en Inde, la Cour suprême du pays a rejeté le 26 avril les pétitions visant à modifier le processus de vote électronique.
Le scrutin qui se tient actuellement en Inde est 100 % électronique. Pour cela, près de 970 millions d’électeurs doivent utiliser une EVM, une machine électronique ("Electronic Voting Machine" en anglais). Et la commission électorale indienne a annoncé la mise en place de 5,5 millions de machines électroniques dans plus d'un million de bureaux de vote à travers le pays.
La commission électorale indienne recommande le vote dématérialisé – qui présente de nombreux avantages pour le plus grand scrutin au monde. Cette commission maintient aussi que ce système est plus sûr et plus efficace. Par le passé, il y a eu des problèmes de sécurité –détournements d’isoloirs et bourrages d’urnes – dans certaines régions rurales et isolées.
Quels sont les détails de la décision de la Cour suprême indienne ?
Le diable se cache dans les détails, et en l’occurrence dans deux acronymes : les EVM et les VVPAT – les enregistrements papiers vérifiés ("Voter-Verifiable Paper Audit Trail" en anglais).
Le VVPAT est un dispositif électronique qui affiche sur un écran le choix de l'électeur pendant environ sept secondes avant d'être enregistré.
La dernière requête devant la Cour suprême a été déposée par une ONG indienne, l'Association for Democratic Reforms. Elle demandait que les bordereaux des VVPAT soient imprimés et remis aux électeurs pour qu'ils vérifient leurs choix avant l'enregistrement des votes.
La Cour suprême a rejeté cette demande. Elle a souligné dans son arrêt que la "méfiance aveugle" à l'égard du système électronique constitue un problème et qu'il convient d'instaurer une "culture de la confiance".
Y a-t-il donc un problème de confiance ?
L'instauration de la confiance est l'une des principales recommandations de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA) des Nations unies.
La préoccupation fondamentale est la crainte que la technologie puisse être manipulée en faveur du parti au pouvoir.
L'aspect technique revêt une grande importance et l'Inde a de bons antécédents en la matière. La Cour suprême se penche sur cette question depuis 2013 et a formulé des recommandations qui ont été adoptées. Mais en ce qui concerne l'instauration de la confiance, les résultats sont médiocres.
Tout d'abord, la question des EVM a été politisée lors de la campagne électorale.
Le Premier ministre, Narendra Modi, s'est immédiatement emparé de la dernière décision de la Cour suprême lors de sa campagne, déclarant que le verdict était une "gifle sévère" pour le parti d'opposition, le Congrès national indien.
Les sondages d'opinion ont enregistré une baisse incontestable du niveau de confiance des électeurs indiens. Le plus grand sondage préélectoral indien, l'étude Lokniti, a en effet enregistré cette année une baisse du niveau de confiance dans la Commission électorale et dans les EVM.
Les experts ont proposé diverses explications à cette baisse. Mais les discussions intenses, les débats et les messages sur les réseaux sociaux au sujet des EVM soulignent également le fait que les Indiens croient en la démocratie, qu'ils accordent beaucoup d'importance aux élections, qu'ils s'attendent à ce qu'elles soient menées de manière équitable – et que s'ils ont des inquiétudes, ils provoqueront un tollé.
Le vote électronique fait l'objet de nombreux débats politiques et techniques dans le monde.
L’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA) des Nations unies a dressé une carte de l'adoption du vote électronique sur la planète.
La France, par exemple, n'utilise pas le vote électronique pour les élections nationales. D'autres pays, comme l'Allemagne, la Norvège et la Finlande, l'ont essayé à petite échelle avant de l'interdire.

Cet article est une adaptation d'un papier anglais disponible ici en version originale.