Des drapeaux palestiniens, ukrainiens ou iraniens au milieu des bannières des syndicats et des pancartes appelant à la démission d'Emmanuel Macron, à la justice sociale, ou encore au boycott des Jeux olympiques 2024. Plusieurs dizaines de milliers de personnes - 18 000 selon la police, 50 000 selon les syndicats - ont battu le pavé à Paris, mercredi 1er mai, pour la traditionnelle mobilisation de la fête du travail, avec des revendications diverses.
"L’'an dernier, nous étions là massivement, tous unis contre la réforme des retraites. Aujourd'hui, je veux me mobiliser pour dénoncer la guerre à Gaza mais aussi pour protester contre la réforme de l'assurance-chômage voulue par Emmanuel Macron", explique Tamara, 32 ans, qui sillonne chaque année les rues parisiennes pour la fête du travail. "Ce sont deux sujets différents, mais dans les deux cas ce sont des formes d’oppression. Cette année, c’est un 1er-Mai de tous les combats", résume la jeune femme, un keffieh palestinien autour du cou.
Drapeaux palestiniens
Dans la capitale, le cortège s’est élancé peu après 14 heures sous un ciel gris et une chaleur lourde, de la place de la République vers la place de la Nation. Et comme Tamara, de nombreuses personnes arborant cette écharpe noire et blanche ou des drapeaux palestiniens sont venus grossir les rangs des manifestants. Des slogans fusent dans la foule : "L'occupant perdra, Palestine vaincra", "Pour l’honneur de la Palestine, pour tous ceux qu’on assassine, même si Macron ne veut pas, nous, on est là".
"Cette année, plus que jamais, la cause palestinienne et le 1er-Mai sont liés. Depuis maintenant sept mois, les Palestiniens sont privés de tout. On leur a retiré leur logement, leur nourriture, leurs droits mais aussi leur travail !", insiste Olivia Zemor, présidente de l'association EuroPalestine, qui appelle le gouvernement français a décréter des sanctions sévères contre Israël.
Mais les appels à la paix ne se cantonnaient pas qu’à la guerre entre Israël et le Hamas. A quelques mètres de l’activiste, sur le bord d’un trottoir, quelques personnes installées derrière un stand, distribuent quant à elles des tracts pour appeler à se mobiliser pour la paix en Ukraine.
Les combats communs de la gauche
De son côté, Luis, 66 ans, lui aussi un habitué de la manifestation du 1er-Mai, est venu pour défendre les salaires et le droit du travail. "Aujourd’hui, c’est la fête du Travail et la fête des travailleurs donc c’est le moment de rappeler au gouvernement qu’il ne fait pas ce qu’il veut avec nos emplois", explique-t-il. "Depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir, nos droits sociaux, notamment ceux liés au travail comme les retraites ou l’assurance chômage ne font que reculer. Cela ne peut pas durer", poursuit-il, tapotant sa pancarte appelant à la démission du chef de l’Etat.
Et à l’approche des élections européennes, le 9 juin prochain, le retraité s’inquiète de voir la situation s’empirer. "La gauche française explose au profit de l’extrême droite mais je veux croire à une nouvelle coalition, à un sursaut au dernier moment. Cette journée est aussi là pour rappeler à la gauche que, malgré les divergences qui peuvent exister, elle a des combats communs."
Un combat partagé par Tom Talliot. A 24 ans, le jeune homme est l’une des voix des jeunes écologistes de France. Les élections européennes en tête, ce dernier veut faire front commun avec les autres représentations politiques de la jeunesse. S’il est là pour "se mobiliser contre la destruction du service public", "la défense du code du travail" ou encore "la lutte contre le fascisme", il veut surtout montrer "que nous pouvons parler d’une voix unie."
"Boulot, on veut l’oseille !"
"La gauche est dans un état désastreux et l’extrême droite en tête dans les sondages. Il faut cesser tout de suite les combats de chapelle sinon les conséquences seront dramatiques", insiste-t-il.
Alors que des tensions surgissent rapidement en tête du cortège, où des forces de l’ordre dispersent des manifestants avec des gaz lacrymogènes, au milieu, la foule continue de progresser dans une ambiance bon enfant.
Avec leur grande pancarte "Boulot, on veut l’oseille !", Nicolas et ses deux amis" sont aussi là pour interpeller les politiques sur le monde du travail en France. "Le 1er-Mai permet de rappeler que c’est un sujet primordial. Parce que malheureusement, il est souvent mis de côté alors que c’est une source de préoccupation pour beaucoup de gens", explique-t-il. "Nous sommes dans un pays parmi les plus riches du monde et pourtant on continue à subir la précarité massive, le chômage… Et de trop nombreuses personnes continuent à mourir au travail dans le plus grand silence".
Jeux olympiques, avortement…
Au moment où Nicolas reprend sa marche, une dizaine de personnes le dépassent. Là encore, le message porté est différent de celui de leur voisin : membres du collectif "le revers de la médaille", elles sont venues participer à la manifestation pour interpeller les pouvoirs publics sur les conséquences sociales néfastes des Jeux olympiques de Paris. "Cela va avoir des conséquences dramatiques sur la population précaire, pour les sans-abris et les sans papiers", dénonce Milou Borsotti.
"Et nous parlons du travail ? Que va-t-il advenir de tous les travailleurs sans papiers qui ont travaillé sur les chantiers des JO quand ces derniers seront officiellement terminés ? Surtout que les contrôles de police vont se renforcer à l’approche de la compétition…", alerte-t-il. Effet du hasard, ou non, quelques pas derrière, un collectif de sans-papiers distribue des tracts pour appeler à plus de régularisations des migrants.
Et en parallèle, d’autres combats cohabitent. Ici, des parents d’élèves de Seine-Saint-Denis, mobilisés depuis maintenant plusieurs mois pour réclamer plus de moyens. Là, un collectif féministe propose de signer une pétition pour améliorer les conditions à l’avortement dans l’Union européenne.
A l’image de cette myriade de combats, alors qu’elles avaient défilé d’une voix unie, portés par un même élan contre la réforme des retraites, les principales organisations syndicales se sont montrées tout au long de la journée en ordre dispersé, avec des slogans variés. Si la CGT se dressait ainsi "contre la rapacité patronale et la violence gouvernementale" – en faisant référence au projet de l’exécutif d’instaurer des dispositions plus sévères pour l’indemnisation des chômeurs. La CFDT, elle, appelait à se mobilisait "pour une Europe plus ambitieuse", à moins de six semaines du scrutin européen.
A la fin de la journée, sur la place de la Nation, l’ambiance est calme. Des manifestants, toutes revendications confondues, étaient assis sur les pelouses, d’autres montés sur la statue. Au milieu l’un deux tient un drapeau blanc avec une colombe, symbole de paix.