“Cela fait super plaisir de voir qu'il y a autant de monde aujourd'hui”. Alexis et Félix Lebrun se sentent à leur aise, le 4 avril, dans l’hypermarché Carrefour Les Ulis au sud de Paris. Invités pour une exhibition par l’un de leurs sponsors pour les JO Paris 2024, les deux frères se prêtent volontiers au jeu.

Entre deux rayons aménagés pour l’occasion, les phénomènes du ping-pong français échangent quelques balles entre eux, avant d’en faire de même avec des dizaines de supporters spécialement venus pour les rencontrer. Photos, autographes, mots d’encouragement… Alexis et Félix soulèvent un fort élan de sympathie à quelques mois des Jeux olympiques.

Il faut dire que les deux phénomènes ont vu leur notoriété grimper en flèche ces dernières années grâce à leurs performances précoces et à leur progression fulgurante - encore au-delà de la 1 000^e place mondiale il y a deux ans, et aujourd’hui classés parmi les meilleurs pongistes.

À 20 ans, Alexis Lebrun est déjà 21^e mondial, triple champion de France (2022, 2023, 2024), ainsi que champion de France en double (2021) et en double mixte (2022). Son petit frère, Félix, est à 17 ans déjà deux fois champion de France en double (2022, 2023) et a remporté les Jeux européens en 2023. Il est actuellement 5^e mondial, ce qui fait de lui le quatrième Français à atteindre ce niveau dans l’histoire du ping-pong et le troisième joueur le plus jeune à atteindre le top 5 mondial.

Le ping-pong “fait partie de notre histoire”

Difficile de les différencier pourtant, tant ils ressemblent : tous deux sont nés à Montpellier, sont blonds, portent des lunettes rectangulaires noires et font quasiment la même taille - 1,80 m pour Alexis et 1,78 m pour Félix. Même leur timbre de voix est similaire. Surtout, les deux frères partagent la même histoire familiale placée sous le signe… du ping-pong.

“Notre découverte de ce sport a été très simple”, explique Félix. “Notre père (Stéphane Lebrun, ancien 7^e français et champion de France en double en 1997, NDLR) était joueur et entraîneur, il y avait des raquettes partout chez nous et on les a juste prises pour s’amuser. Comme on a aimé, on est allé jouer en club après.”

Leur père expliquait à Franceinfo en 2022 : "Ils ont toujours baigné là-dedans, on en parle constamment, mais c'est un jeu avant tout, c'est ce qui transpire de chez eux."

En plus de leur paternel, les deux frères ont aussi été encadrés dès leur enfance par leur oncle Christophe Legoût - un ancien pongiste qui a notamment été 17^e mondial, triple champion de France (2005, 2010, 2011) et dix fois champion de France en double entre 1996 et 2014. “Il a pu nous expliquer un peu ce que c'est que le haut niveau, nous partager toute son expérience. Cela a été un énorme plus parce qu'on a gagné du temps (d’apprentissage)”, reprend Félix.

Alexis reconnaît aussi l’importance de cet ADN familial du ping-pong dans leur trajectoire : “Cela fait partie de notre histoire, c'est sûr qu’ils (le père et l’oncle, NDLR) nous ont énormément apporté et qu’on a construit un peu toute notre progression autour de ça.”

C’est tout naturellement que les deux frères vont faire le choix de la proximité et se former au club de l’Alliance Montpellier Nîmes Tennis de table, au détriment de structures fédérales de très haut niveau comme l'Insep. “On a voulu rester sur Montpellier parce qu'il y a sur place un super centre d'entraînement qui a été créé”, résume Alexis, qui précise aussi qu’il est en déplacement plus de 200 jours par an avec son frère pour les compétitions. “On est aussi resté pour pouvoir continuer d’être en famille, d’avoir ces discussions avec notre père, avec notre oncle. Et pour l'instant, ça a bien fonctionné.”

La fraternité au haut niveau, “un régal”

Depuis, les deux frangins ont gravi les échelons à vitesse grand V dans les catégories jeunes et chez les seniors. Leur aura - qui peut conduire des spectateurs à faire 300 km pour venir les voir jouer à Montpellier - a largement dépassé les frontières du département de l’Hérault, notamment grâce à leurs performances remarquées en compétition.

La fratrie Lebrun est désormais redoutée du côté de la Chine, nation abonnée aux premières places et aux médailles d’or olympiques au ping-pong. Surtout depuis la victoire d’Alexis contre le pongiste Fan Zhendong - alors n°1 mondial et actuellement 2^e - à Macao en avril 2023, qui a connu un grand retentissement international.

Les deux frères ont aussi su s’illustrer sur la scène nationale comme lors de la finale des championnats de France, en mars dernier. Hasard du calendrier, Alexis et Félix se sont affrontés chez eux, à Montpellier. Et c’est l’aîné qui a finalement remporté le match 4 sets à 2, montant sur la table de ping-pong les poings serrés pour fêter sa victoire pendant que son frère fondait en larmes.

Cette scène laisse-t-elle entrevoir un semblant de concurrence ? Pas pour Félix, pour qui la carrière de haut niveau “est un régal” en compagnie d’Alexis. “Être frère c'est un plus. C'est ce qui nous a permis de progresser, notamment pendant le confinement", confie-t-il. "On était deux, on pouvait s'entraîner, on avait une table chez nous, donc on a eu la chance de pouvoir continuer à avancer et de se pousser tous les deux. Et maintenant c'est juste un régal de pouvoir voyager tout le temps avec lui et de jouer ensemble des grandes compétitions.”

Les deux frères n’oublient pas pour autant de plaisanter sur leur statut respectif. “Dernièrement, j'ai perdu contre Alexis, il a déjà trois titres de champion de France et moi je n’en ai pas. Mais j'ai peut être aussi le classement, je suis un peu devant”, s’amuse Félix.

Quoi qu’il en soit, tous deux postulent pour représenter la France aux Jeux olympiques cet été. Mais ils ne sont pas encore assurés d’être de la partie. Surtout Alexis qui n’a que quatre places d’avance sur un autre Français, Simon Gauzy (25^e mondial) - alors que seuls les deux meilleurs français au classement mondial seront inscrits en simple messieurs, le 18 juin prochain.

En attendant, les deux frères vont avoir encore quelques compétitions à disputer pour décrocher leur ticket. “On a encore 100 jours pour arriver les plus forts possibles aux Jeux olympiques, donc on va bien bosser”, explique Alexis. Félix a, lui, “hâte d’y être” : “Les JO, c’est sûr que ça fait rêver.” Et les frangins comptent toujours suivre la même recette : “S’amuser et s’entraîner.” L’insouciance du talent, voici ce qu’est peut-être finalement la clé de leur succès.