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Du temps et de l’argent : Donald Trump freiné par ses ennuis judiciaires
De notre correspondante à Washington – Chaque mois mois, France 24 revient sur les événements marquants de la campagne présidentielle 2024 aux États-Unis. Ce deuxième numéro est consacré à l’impact des affaires judiciaires de Donald Trump et à la légère remontée dans les sondages de Joe Biden.

"The People of the State of New York v. Donald J. Trump"

La scène est inédite et pourtant familière. Costume bleu foncé, cravate rouge, mâchoire serrée, regard fier : Donald Trump est arrivé lundi 15 avril au tribunal de Manhattan où démarrait son procès pénal dans l’affaire Stormy Daniels. Malgré toutes ses tentatives pour faire reculer ou annuler l’échéance, ce premier jour d’audience a bel et bien eu lieu. C’est la première fois qu’un ancien président est jugé au pénal. Cette journée historique était pourtant peu spectaculaire, peut-être en raison du nombre de casseroles judiciaires - dont rien que quatre au pénal - que traîne le milliardaire.

Donald Trump est accusé d’avoir effectué une dépense de campagne électorale illégale en brouillant les traces d’un gros chèque signé à l’ancienne star du X Stormy Daniels pour faire taire une supposée liaison. Le procureur devra prouver que cette dépense maquillée en frais d'avocat visait bien à l’aider à remporter la présidentielle 2016 face à Hillary Clinton, ce qui, de l’avis des spécialistes, ne sera pas simple. Reste que quatre jours par semaine, durant jusqu’à huit semaines, Donald Trump (qui se serait assoupi à l'audience lundi, selon la célèbre journaliste du New York Times Maggie Haberman) devra être présent au tribunal. C’est autant de temps qu’il ne passera pas en meetings ou à la rencontre de ses électeurs sur les routes de la campagne présidentielle de novembre.

Du temps, mais aussi de l’argent

Lundi devant les caméras, Donald Trump a qualifié ce procès d’"attaque contre l’Amérique". Reste que face au jury, pour se défendre, dans cette affaire et les autres, il lui faut des avocats grassement payés. Le milliardaire n’en finit plus de voir ses frais juridiques s’accumuler. Dans l’affaire civile en diffamation qui l’opposait à la chroniqueuse E. Jean Carroll, qui l’accusait de viol, il a payé une caution de 92 millions de dollars en attendant l’appel de sa condamnation. Et dans l’affaire de fraudes financières à la Trump Organization, il a payé une caution de 175 millions de dollars en attendant l’appel de sa condamnation à près d’un demi-milliard de dollars d’amendes.

Donald Trump a beau être milliardaire, il utilise l’argent destiné à sa campagne pour payer une partie de ces frais. En février, par exemple, Donald Trump a pioché 5,6 millions de dollars dans les caisses de son comité de financement "Save America". Des financements qui auraient pu servir à recruter du personnel ou diffuser des publicités dans les États-clés. Avec un effet pervers : refroidir les potentiels donateurs, qui n’apprécient guère que leurs fonds ne soient pas directement mis au service de leur agenda politique.

Les dollars pleuvent sur Joe Biden

À l’inverse, Joe Biden continue d’amasser des réserves pour sa campagne. Après avoir levé plus de 90 millions de dollars en mars, il disposait début avril de 192 millions de dollars en cash. De son côté, Donald Trump a levé 65,6 millions de dollars en mars, et disposait de 93 millions de réserves à la fin du mois. Des chiffres qui, s’ils sont en nette amélioration par rapport à février, restent largement inférieurs à ceux du démocrate.

Résultat : Donald Trump pilonne et Joe Biden papillonne. Le républicain, dont les récents meetings se comptent sur les doigts d’une main, profite de ces rares occasions pour être le plus féroce possible envers son rival. Sur le terrain, son vocabulaire est de plus en plus violent : "Bain de sang", "carnage", "chaos"… Et sur les réseaux sociaux, il n’a pas hésité à partager une vidéo truquée de Joe Biden ligoté à l’arrière d’un pick-up pro-Trump. Une incitation claire à la violence contre un opposant politique, ont accusé, furieux, les démocrates.

Joe Biden, lui, utilise son temps et son argent pour aller à la rencontre les Américains. Michigan, Wisconsin, Arizona, Nevada, Caroline du Nord, Pennsylvanie… Le président américain ne donne pas de grand meeting mais privilégie les événements plus intimes, dans un  restaurant, chez un barbier… des moments capturés en vidéo par sa campagne qui mise sur l’empathie et le sens du contact humain du candidat. En parallèle, il tisse sa toile là où l’élection va se jouer, avec le recrutement de 300 employés dans une centaine de bureaux répartis sur neuf États-clés, selon NBC News. En comparaison, toujours selon la chaîne américaine, l’équipe de campagne de Donald Trump ne disposerait que de moins de cinq employés dans chacun des États-clés.

Joe Biden resserre légèrement l’écart dans les sondages

Joe Biden a certes un avantage en cash, mais toujours pas dans les urnes, selon les sondages qui continuent à le placer derrière Donald Trump. On note toutefois une petite remontée depuis son discours sur l’état de l’Union du 7 mars.

Selon le baromètre du New York Times et du Sienna College publié samedi 13 avril, Donald Trump ne devance plus Joe Biden que d’un point de pourcentage au niveau national (48 % pour Trump et 43 % pour Biden fin février contre 46 % et 45 % début avril). Le journal explique cette remontée par une re-consolidation de la coalition démocrate qu’il avait réunie en 2020.

Cependant, dans les États-clés - indice beaucoup plus intéressant à observer que les sondages nationaux puisque la présidentielle américaine fonctionne grâce au système des grands électeurs - Donald Trump conserve son avance, selon la moyenne de Real Clear Politics.

L’avortement sur les bulletins de vote

Pour les élections de mi-mandat de 2022, les démocrates ont réussi à faire de la défense du droit à l’avortement un thème gagnant de leur campagne. Joe Biden espère rééditer cette performance en novembre prochain. Ces dernières semaines, deux États étaient sous le feu des projecteurs.

Le 13 avril, la Floride, un ancien État-clé qui est désormais assez bien ancré côté républicain, a promulgué un texte interdisant l’avortement après six semaines de grossesse. Mais une dizaine de jours plus tôt, la Cour suprême de Floride a donné son feu vert pour qu’un amendement protégeant le droit à l’avortement soit soumis au vote en novembre. Ce qui signifie que les Floridiens auront leur mot à dire. Les démocrates y voient une opportunité pour mobiliser leur électorat, même si faire basculer le "Sunshine State" dans leur camp sera difficile.

En Arizona, en revanche, la compétition est plus serrée. Or dans cet État, un amendement similaire visant à protéger les droits à l’IVG sera mis au vote en novembre, alors que la plus haute juridiction de l’État vient d’estimer qu’une loi de 1864 interdisant la quasi-totalité des avortements était applicable. La vice-présidente démocrate Kamala Harris a déjà commencé les hostilités, lors d’un discours à Tucson le 12 avril, en accusant Donald Trump de vouloir "ramener l'Amérique aux années 1800".

Ce dernier est dans une position délicate, et ses dernières déclarations sur le sujet ne l’ont pas aidé. Donald Trump, qui avait auparavant indiqué qu’il était favorable à une interdiction de l’avortement au-delà de 15 ou 16 semaines au niveau national, a finalement estimé qu’il revenait aux États seulement de légiférer sur le sujet. Il a également jugé que l’interdiction quasi-totale en Arizona "trop loin". Il espère ainsi ménager les électrices et les indépendants, mais il fait enrager les plus conservateurs de son camp.

Le troisième homme à surveiller : RFK Jr.

Si le groupe indépendant "No Labels", qui promettait de lancer et soutenir un candidat face à Trump et Biden, a jeté l’éponge, Robert F. Kennedy Junior est toujours là. Ce candidat adepte des théories du complot et anti-vaccins n’est pas encore assuré de figurer sur les bulletins de vote de tous les États, faute de signatures suffisantes. Mais ses chiffres - il dépasse les 10 % d’intentions de vote dans certains sondages - sont scrutés de près par les camps démocrate et républicain. Or il semble que c’est à Joe Biden que la candidature de RFK Jr. pourrait faire le plus de mal, car il est particulièrement populaire chez les indépendants et les jeunes.

L’image qui fait sourire

"C’est mon livre préféré" : après les casquettes, les t-shirts à l’effigie de son "mugshot" (photo judiciaire) et les baskets, Donald Trump vend… des bibles. Pour la modique somme de 59,99 dollars, le modèle Trump "God Bless the USA Bible" ("Que Dieu bénisse l’Amérique", titre inspiré de la chanson country de Lee Greenwood diffusée dans dans tous ses meetings), a été très sérieusement mis en vente et présenté dans une vidéo mise en ligne avant Pâques par l’ancien président. Et pour les réfractaires, le site de vente de l’ouvrage se veut rassurant : "Facile à lire, écrit en gros caractère".

Rendez-vous dans un mois pour un nouveau récap’ de la campagne aux États-Unis !