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Après l'attaque iranienne contre Israël, la crainte d'une "guerre avec le Hezbollah" au Liban
Après l'attaque iranienne inédite menée dans la nuit de samedi à dimanche, la riposte israélienne semble inévitable. Selon Agnès Levallois, vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient et professeure à Sciences Po, "l'option la plus réaliste" est celle d'une "guerre ouverte avec le Hezbollah" au Liban. Une opération qui permettrait à Israël de réagir sans pour autant entrer dans une confrontation directe avec l'Iran.

Réouverture des écoles israéliennes, reprise du trafic aérien en Iran... Un calme précaire régnait lundi 15 avril après l'attaque iranienne inédite lancée dans la nuit de samedi à dimanche contre Israël, point culminant de deux semaines de tensions entre les deux pays faisant craindre une riposte massive de l'État hébreu, déjà engagé depuis six mois dans la guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza.

Selon un responsable militaire américain, Téhéran, qui dispose de l'un des programmes balistiques les plus avancés du Moyen-Orient, a lancé ce week-end une centaine de missiles balistiques de moyenne portée, plus de 30 missiles de croisière et au moins 150 drones contre le territoire israélien. Selon l'État hébreu, "99 %" des projectiles ont été interceptés, par lui-même, les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore la France – qui a procédé à des interceptions depuis sa base aérienne située en Jordanie.

De son côté, l'Iran présente cette attaque comme une opération d'"autodéfense" après la frappe du 1er avril contre le consulat iranien à Damas imputée à Israël et qui avait coûté la vie à sept membres des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique du régime iranien. Dès le lendemain, le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, avait promis de "punir" Israël.

Depuis 24 heures, l'historique offensive iranienne a donné lieu à un concert de condamnations internationales mais aussi à des appels unanimes à la retenue. "Le président a été clair : nous ne voulons pas d'escalade. Nous ne voulons pas d'une guerre étendue avec l'Iran", a déclaré dimanche le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby.

La France va "tout faire pour éviter l'embrasement", a indiqué lundi le président Emmanuel Macron, tandis que Londres et Berlin ont demandé à Israël de s'engager dans la voie d'une désescalade.

"Nous sommes extrêmement préoccupés par l'escalade des tensions dans la région et nous appelons tous les pays de la région à faire preuve de retenue", a également fait savoir la Russie, alliée du régime iranien.

Depuis l'attaque lancée par Téhéran, le cabinet de guerre israélien s'est réuni deux fois afin de discuter d'une éventuelle réponse, tandis que l'armée a réaffirmé sa détermination à poursuivre ses opérations contre le Hamas à Gaza, qualifié de "mandataire de l'Iran".

Selon les experts militaires, la riposte israélienne semble inévitable, même si la forme que pourraient prendre ces représailles reste incertaine. Vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO) et professeure à Sciences Po, Agnès Levallois penche pour le lancement d'une importante opération militaire israélienne contre la milice pro-iranienne du Hezbollah au Liban. Entretien.

France 24 : Après avoir longtemps sous-traité son hostilité à l'égard de l'État hébreu aux Houthis du Yémen et au Hezbollah libanais, l'Iran a choisi d'attaquer directement Israël. Pourquoi prendre un tel risque ?

Agnès Levallois : Au-delà de l'attaque du consulat à Damas le 1er avril, Israël a mené d'autres opérations ces derniers temps contre les Gardiens de la révolution, en particulier en Syrie. L'Iran se devait de réagir directement pour asseoir sa crédibilité et montrer que ces assassinats ciblés n'étaient plus tolérables pour la République islamique.

Par ailleurs, les attaques du 7 octobre ont porté un coup à la crédibilité d'Israël en termes de supériorité militaire. Cela peut inciter un pays comme l'Iran à passer à l'action pour montrer que l'État hébreu n'est pas invulnérable, même si la supériorité d'Israël est bien réelle.

Cependant, il faut noter que la réaction de l'Iran est restée finalement très mesurée. Téhéran a veillé à ce que les dégâts soient limités. C'est une façon d'avertir Israël qu'il ne pourra pas continuer à attaquer sans qu'il y ait une réaction mais, en même temps, l'Iran tente d'éviter une escalade régionale – que le régime ne souhaite absolument pas.

Est-ce que cela signifie que l'Iran, qui dispose de l'un des programmes balistiques les plus avancés du Moyen-Orient, est en mesure de mener des attaques de plus grande envergure ?

Si l'Iran avait vraiment décidé de rentrer dans une escalade, le pays avait les moyens de faire beaucoup plus. À mes yeux, cela signifie que l'Iran ne souhaite pas aller au-delà de ce qui a été fait. Les Iraniens sont des stratèges et savent très bien jusqu'où ils peuvent aller afin d'éviter leur crainte ultime : que les Américains et les Israéliens détruisent les installations nucléaires qu'ils sont en train de construire patiemment depuis des années.

Malgré ce risque calculé de l'Iran, une riposte israélienne semble inévitable. Quelle forme peut-elle prendre ?

Il est clair qu'à un moment ou à un autre, Israël va riposter, surtout avec le gouvernement actuellement aux manettes. L'option la plus réaliste semble celle d'une guerre ouverte contre le Hezbollah au Liban, une offensive dont rêve Netanyahu et une partie de l'armée israélienne car la milice reste l'alliée la plus proche de l'Iran et dispose d'un arsenal bien plus important que celui du Hamas.

Le ministre israélien de la Défense est également favorable à cette option. Selon lui, elle permettrait le retour des Israéliens qui ont quitté le nord du pays à cause de la menace que faisait planer sur eux le Hezbollah. On sait qu'il y a une partie de la population israélienne qui est de plus en plus remontée contre le gouvernement à cause de cela. C'est un enjeu important pour Israël.

Attaquer le Hezbollah permet de réagir sans prendre le risque d'attaquer directement le territoire iranien. Cela permet également d'éviter de prendre le risque d'entrer en confrontation avec les États-Unis, qui ne veulent pas d'une riposte israélienne en Iran.

Est-ce que la décision que prendra Israël constituera un test d'autorité pour le président américain Joe Biden ?

Absolument. On a bien vu ces dernières semaines que la relation entre Netanyahu et Biden était difficile. Or, le président américain a été très clair sur le fait qu'il ne voulait pas d'une riposte israélienne en Iran. C'est un test pour la capacité de Biden à exercer des pressions fortes sur Netanyahu. Cependant, attaquer l'Iran ne pourra se faire qu'avec l'approbation américaine car Israël a besoin du soutien militaire des États-Unis pour mener une telle opération.

En revanche, les Américains ne devraient pas vraiment réagir en cas d'offensive contre le Hezbollah au Liban et laisseront Israël ouvrir un second front. Par ailleurs, on peut craindre dans ce contexte un marché entre Américains et Israéliens sur Gaza. Si les États-Unis obtiennent d'Israël de ne pas attaquer directement le territoire iranien, Joe Bien pourrait ne plus exercer les mêmes pressions sur Netanyahu pour l'empêcher de mener une offensive terrestre sur la ville de Rafah.