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Les témoignages font état de l'urgence à acheminer l'aide internationale auprès des populations et à assurer la sécurité de son déploiement. Devant le peu de vivres disponibles pour l'instant, les distributions tournent souvent à l'émeute.

Au lendemain de la puissante réplique qui à secoué Haïti, des centaines de milliers d’Haïtiens attendent toujours l’arrivée des secours et de vivres, souvent dans des conditions d’hygiène épouvantables et dans la peur des violences. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), il y a au moins 500 000 sans-abri dans la seule ville de Port-au-Prince.

L’aide internationale commence à être acheminée dans les zones plus éloignées de la capitale, sous la surveillance de nombreuses troupes américaines, bientôt renforcées par 4 000 soldats supplémentaires qui devaient initialement être déployés en Europe et au Moyen-Orient.

"L'objectif, comme l’a reconnu [la secrétaire d'État américaine] Hillary Clinton, est d'accélérer les opérations de secours qui ne vont pas assez vite", explique Philippe Bolopion, l'envoyé spécial de FRANCE 24 en Haïti. "Avec ces troupes supplémentaires, les forces américaines peuvent aider à sécuriser certains hôpitaux ou bâtiments publics afin de les protéger des pillages", ajoute-t-il.

Des distributions de vivres qui tournent à l'émeute

Les Américains se chargeront notamment de la sécurité durant les opérations de distribution de nourriture de l’ONU, qui reste un véritable défi plus d’une semaine après le séisme dont le bilan toujours provisoire est de 75 000 morts et plus de 250 000 blessés.

"Les gens ont tellement faim et soif, que lorsque l'ONU essaye d'organiser des distributions de vivres, cela tourne souvent rapidement à l'émeute, poursuit Philippe Bolopion. Les gens sont extrêmement énervés, et ils se précipitent vers les camions de nourriture, obligeant l'ONU à quitter les lieux précipitamment."

Le général Ken Keen, à la tête des 12 500 soldats américains actuellement présents sur l’île, tire le même constat. Lors d’un déplacement mercredi à Cité-Soleil, le plus grand bidonville de Port-au-Prince, le général a réaffirmé que la priorité était de sécuriser les points de distribution. "Si on amène un camion là-bas, ce serait l'émeute. On ne veut pas que quelqu’un se fasse tuer pour une bouteille d’eau", a-t-il confié à l’AFP.

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Les gangs se reforment à Cité Soleil
"La sécurité va se détériorer parce que les gens ont faim et soif"

Le chef du commissariat de Cité-Soleil, Aristide Rosemond, confirme que s'il n'y pas de distribution rapidement, "la sécurité va se détériorer parce que les gens ont faim et soif, et que les gangs sont revenus".

"Les gens sont désespérés, ils ont faim et ils ont soif"

Car le séisme a également provoqué une énorme inflation sur les prix des produits de première nécessité, laissant le champ libre aux spéculateurs. Ainsi, les prix des boissons ou de l’essence ont doublé par rapport à l’avant-séisme. "J'avais plusieurs bidons d'essence chez moi avant le séisme. Maintenant, je la revends petit à petit à 400 gourdes (environ 10 dollars) les quatre litres. Et pas question de négocier", explique un habitant à l’AFP.

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La flambée des prix après le séisme
"La sécurité va se détériorer parce que les gens ont faim et soif"

Des prix qui poussent parfois les survivants à voler ou à piller ce qu'il reste des magasins sous les décombres de Port-au-Prince. Mais si l'ONU reconnaît des incidents ponctuels, parfois suivis de lynchages, elle souhaite néanmoins replacer ces évènements dans le contexte haïtien. "S'il y avait déjà des casques bleus dans un premier temps, c'est parce qu'il y avait déjà un problème sécuritaire avant le séisme, rappelle Philippe Bolopion. Selon l’ONU, les gens sont désespérés. Ils ont faim et ils ont soif. Quand ils passent devant un magasin éventré pour récupérer un peu de nourriture afin de survivre, cela ne peut pas être considéré comme du pillage."