Kindle, Nook, Bookeen : les e-readers commencent à faire fureur aux États-Unis, si l'on en croit leurs constructeurs. La France ne semble pourtant pas encore prête à succomber au dernier gadget à la mode...
La France va-t-elle entonner la Marseillaise pour contrer l’invasion programmée des e-readers "made in America" ? Aux États-Unis, les Kindle, Nook et autres liseuses électroniques semblent être le dernier gadget à la mode. Par ricochet, leur arrivée massive en Europe est présentée comme inéluctable.
Tout porte à croire en effet que 2010 sera un grand cru pour le livre électronique. Pour la première fois lors du dernier Consumer Electronic Show (qui s'est déroulé du 7 au 10 janvier à Las Vegas), le plus important salon dédié aux nouvelles technologies, un espace a été réservé aux e-readers. Une dizaine de nouvelles liseuses ont été présentées par de grands noms du secteur, de Samsung à LG en passant par Sony.
Amazon, qui a popularisé ces produits en 2008 aux États-Unis avec son Kindle, a par ailleurs annoncé - sans toutefois donner de chiffres - qu’il avait vendu à Noël plus de livres électroniques que de livres papiers. Barnes & Noble, le premier libraire américain, a quant à lui lancé à la fin de 2009 un concurrent au Kindle, baptisé Nook, dont les seules pré-commandes ont réussi à épuiser le stock...
Méfiance toutefois : aussi séduisantes qu'elles soient, ces annonces ne signifient pas que le produit a été adopté par le grand public, même au pays symbole du consommateur-roi. "En 2009, il y a eu à peu près trois millions de readers vendus aux États-Unis, ce qui en fait encore un marché de niche", explique à France24.com Michael Dahan, fondateur de Bookeen, un constructeur français de liseuses électroniques. "J’ai été plusieurs fois aux États-Unis et je n’ai encore jamais rencontré quelqu’un qui lisait un livre électronique dans le métro", constate de son côté Guillaume Monteux, fondateur de la société MiLibris, qui propose des services pour lire sur les supports électroniques.
Les éditeurs ont peur
"Jusqu'à présent, Amazon a surtout fait du buzz autour de son Kindle", espérant que les ventes suivront aux États-Unis et en Europe où il a lancé sa liseuse en 2009, poursuit Guillaume Monteux. Reste que, sur le créneau, le Vieux Continent ressemble encore à une morne plaine. "Le marché européen représente seulement 5 % à 10 % du marché américain", explique Michael Dahan.
Dans le lot, la France serait la plus rétive. Réflexe gaulois ? "Les éditeurs ont peur. Ils doivent régler le problème des droits d’auteurs, du circuit de distribution et, surtout, du prix car pour l’instant le livre est soumis à une TVA particulière, qui n’existe pas dans le numérique", avance Guillaume Monteux. De plus, les bisbilles avec Google sur la numérisation des livres rendent la littérature électronique en français encore rare.
Bookeen, qui espère vendre trois fois plus de liseuses en 2010, ajoute qu’il faudra une locomotive américaine pour faire décoller le marché français. "Le consommateur français copie les États-Unis", fait encore remarquer Michael Dahan... Il n’empêche : l’enjeu est de taille pour le secteur de l'édition, et ce n’est pas un hasard si les deux principaux acteurs du marché de l'édition numérique, Amazon et Barnes & Nobles, sont des libraires et non des spécialistes high-tech. "Avec la dématérialisation du livre, le marché de l’édition ne va pas longtemps rester national, il va devenir mondial, comme pour la musique", pronostique Michael Dahan. Dans cette perspective, c’est aujourd'hui que ses acteurs doivent entrer dans la course.