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Abandon de Nikki Haley à la primaire républicaine : vers quel candidat se tourneront ses électeurs ?
Après sa défaite lors des primaires républicaines, Nikki Haley a annoncé mercredi la fin de sa campagne sans exprimer de soutien explicite à Donald Trump, qui reste désormais le seul candidat du parti de droite pour affronter Joe Biden à l'élection présidentielle. En s'abstenant de soutenir formellement l'ancien président, Nikki Haley fait de ses électeurs une cible de choix pour Joe Biden et Donald Trump.

La base électorale de Nikki Haley sous les projecteurs. La candidate a annoncé mercredi 6 mars jeter l'éponge des primaires républicaines, après sa défaite écrasante lors du Super Tuesday face à Donald Trump. Sauf coup de théâtre, c’est donc l’ancien président qui affrontera Joe Biden lors de l'élection présidentielle de novembre prochain.

Cependant, l'ancienne gouverneure républicaine de Caroline du Sud et ex-ambassadrice américaine à l'ONU n'a pas exprimé de soutien explicite à Donald Trump. Elle a en revanche prévenu l'homme d'affaires milliardaire qu’il lui faudrait "mériter" les voix de ses partisans plus modérés - que convoite aussi Joe Biden. 

Un récent sondage de l'Université Quinnipiac a révélé qu'environ la moitié des républicains soutenant Nikki Haley voteraient pour Donald Trump, tandis que 37 % opteraient pour Joe Biden, rapporte le Washington Post. Quelque 12 % envisagent l'abstention, un autre vote, ou sont indécis. 

L’agenda de Trump "simplifié" 

À 52 ans, Nikki Haley a tenu tête à l’ancien président en jouant à fond la carte du changement de style et de génération et en défendant une ligne politique plus modérée que Donald Trump. En tant que rare femme républicaine de couleur dans une primaire où les hommes blancs prédominent, elle a largement dépassé les attentes. Bien que ses premiers sondages aient été modestes, elle a impressionné lors des débats, face à ses rivaux tels que l'ancien vice-président Mike Pence et Ron DeSantis, le gouverneur de Floride qui était considéré comme le principal rival de l’ex-président. 

Après son abandon, Donald Trump a appelé via son réseau social Truth "tous les partisans de Haley à se joindre au plus grand mouvement de l'histoire de notre nation", décrivant Joe Biden comme un ennemi qui détruit le pays. N'ayant plus besoin de mener une campagne pour les primaires, il peut désormais se concentrer entièrement sur son probable nouveau duel en novembre avec l’actuel président.  

"L’abandon de Nikki Haley simplifie quelque peu son agenda, qui sera par ailleurs déjà compliqué en raison des différentes affaires judiciaires", confirme Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), en référence aux nombreuses enquêtes qui visent l’ancien président, dont une sur l'assaut du Capitole et une sur les archives de la Maison Blanche.  

"L'élément à retenir de ces primaires est que des électeurs (qui ont voté Haley) se sont mobilisés même en l'absence de suspense. Ces électeurs se retrouvent un peu perdus après le Super Tuesday et ont trois options : voter Trump, même s'ils ne sont pas totalement convaincus, voter Biden pour empêcher le retour de Trump au pouvoir, ou ne pas voter du tout." 

Mais une inconnue demeure. Nikki Haley apportera-t-elle son soutien à Donald Trump ? Après avoir réussi à gagner en influence et à attirer un large soutien au sein du parti républicain, Nikki Haley entend faire payer cher son ralliement. Elle a déclaré : "Dans le meilleur des cas, la politique consiste à rallier des personnes à votre cause, et non à les en détourner. Et notre cause conservatrice a cruellement besoin de plus de personnes. C'est maintenant à lui de choisir." 

I end my campaign with the same words I began it from the Book of Joshua. I direct them to all Americans, but especially to so many of the women and girls out there who put their faith in our campaign.

Be strong and courageous. Do not be afraid. Do not be discouraged. For God… pic.twitter.com/XAwgOGzKdy

— Nikki Haley (@NikkiHaley) March 6, 2024

"Ses déclarations sont ambiguës", analyse Steven Ekovich, historien et professeur de sciences politiques à l'université américaine de Paris. "Si elle le fait, cela pourrait compromettre la cohérence de toute sa campagne et lui donner une image de quelqu’un qui ne peut pas tenir une ligne forte. En revanche, si elle ne vient pas à la rescousse de Donald Trump et qu'il perd en novembre, elle pourrait incarner la personne qui est en mesure de créer une dynamique d’un parti qui n’est pas dirigé par Donald Trump. Il ne peut pas gagner sans le soutien de Nikki Haley, mais elle doit aussi être vue comme fidèle au parti. Elle est donc dans un dilemme."

À la recherche des électeurs indépendants 

De son côté, Joe Biden a affirmé dans un communiqué qu’’il y a une place pour les partisans de Nikki Haley dans ma campagne", témoignant de sa stratégie pour élargir sa base électorale. Alors qu'il suscite un manque d'enthousiasme pour sa réélection et que son soutien à Israël dans le conflit à Gaza suscite l'indignation, le président tente de partir à la conquête des électeurs indépendants. 

"Depuis le début de sa campagne, Joe Biden a clairement ajusté son approche des sujets, en distinguant les partisans du MAGA (Make America Great Again), qu'il reconnaît comme difficiles à convaincre, des autres électeurs", explique Ludivine Gilli, directrice de l’observatoire Amérique du Nord de la Fondation Jean Jaurès. Face à un Donald Trump qui continue d'affirmer contre toute évidence que l'élection de 2020 a été truquée et qui menace de jeter en prison quiconque s'opposera à lui, "Joe Biden se présente en défenseur de la démocratie et espère gagner les faveurs soit de l'électorat républicain modéré, soit des électeurs indépendants", poursuit l’experte. 

Au total, environ 570 000 électeurs répartis entre le Nevada, la Caroline du Nord et le Michigan ont voté pour Nikki Haley lors des primaires républicaines. Si ce nombre reste modeste, il pourrait exercer une influence cruciale en novembre, certains de ces États-clés ayant été remportés par seulement quelques dizaines de milliers de voix en 2020. Par exemple, en Caroline du Nord, Nikki Haley a reçu 250 000 voix. En 2020, Donald Trump a remporté cet État avec moins de 75 000 voix d'avance sur Joe Biden, qui a gagné l'élection nationale. 

De même, dans les sondages de sortie des urnes en Caroline du Sud, dans l'Iowa et dans le New Hampshire, plus des deux tiers des électeurs de Nikki Haley ont déclaré qu'ils ne voteraient pas pour Donald Trump en novembre. Avec le retrait de Nikki Haley, Donald Trump pourrait ainsi craindre une perte de voix. 

Géographie électorale 

Dans ce vote, l'influence de la géographie électorale, en particulier dans les banlieues traditionnellement acquises au Parti républicain, doit être prise en compte selon les experts interrogés par France 24. "Ces banlieues représentaient le rêve américain de sécurité, d'éducation de qualité et de propriété avec jardin, des valeurs que les républicains cherchaient à préserver en proposant des réformes fiscales favorables", explique Lauric Henneton. "Mais au fil du temps, ces banlieues ont connu une évolution démographique avec des électeurs diplômés qui tendent à voter démocrate et à être plus progressistes sur le plan sociétal. Cette évolution a favorisé les démocrates récemment, notamment dans des villes comme Atlanta (Géorgie) et Phoenix (Arizona)." 

Les démocrates pourraient aussi perdre des voix en l’absence d’alternative, par exemple "chez les musulmans du Michigan", poursuit Lauric Henneton. Si ces électeurs ne se mobilisent pas en nombre suffisant pour voter pour Joe Biden, Donald Trump pourrait en bénéficier. "Ce phénomène, appelé ‘first past the post’ ou ‘winner take all’, signifie qu'il n'y a qu'un seul tour et que toute perte de voix pour un candidat peut profiter à l'autre", explique l’universitaire.

Huit mois avant le retour d’un duel Biden-Trump, il est encore trop tôt pour prédire avec certitude où se positionneront les partisans de Nikki Haley. "Nous sommes confrontés à de nombreuses inconnues. Les électeurs ne prennent leur décision que dans la semaine à dix jours précédant le vote", conclut Steven Ekovich.