Le dessinateur Joann Sfar passe derrière la caméra et s'attaque à un monument de la chanson française, Serge Gainsbourg, personnage tourmenté passé à la postérité, autant pour ses frasques que pour ses chansons. Sortie en salles aujourd'hui.
AFP - Grand séducteur, artiste écorché vif, provocateur impénitent... Eric Elmosnino compose un Serge Gainsbourg plus vrai que nature dans "Gainsbourg, une vie héroïque", réalisé par l'auteur de bandes dessinées Joann Sfar avec une fantaisie qui s'essouffle au fil du film.
Dans les salles le 20 janvier, ce "conte de Joann Sfar" -- une mention exigée via la justice par l'une des compagnes de Gainsbourg, Jane Birkin -- prend quelques libertés avec la biographie de l'artiste.
Mais c'est pour mieux saisir sa vérité intime, estime son auteur, connu pour ses aventures du "Chat du rabbin", qui à 38 ans a publié près de 140 albums, dont les aventures de "Petit Vampire", "Pascin" ou la "Sardine de l'espace".
L'enfance est au coeur de la première moitié de ce long métrage, de loin la plus réussie : on y suit, dans le Paris occupé par les nazis, le jeune Lucien Ginsburg, un garçon en culottes courtes affligé, pour son malheur, d'une terrible "Gueule de juif".
Celle-ci devient bientôt un personnage indépendant qui symbolise à la fois l'instinct créateur et le mauvais génie de Gainsbourg.
Jouée par l'acteur américain Doug Jones -- qui avait personnifié l’humanoïde aquatique de "Hellboy" ou Pan dans "Le Labyrinthe De Pan" -- pourvu d'une tête en latex à l'appendice nasal géant, cette figure apporte au film une dimension poétique, tantôt tragique tantôt humoristique.
C'est la meilleure idée de Sfar. Il signe sa première réalisation qui s'ouvre sur un joli générique en animation. Son film d'animation "Le chat du rabbin" co-signé avec Antoine Delesvaux, doit sortir en juin.
Après avoir campé l'artiste en jeune poète timide cloîtré dans sa chambre sous les toits, Sfar saisit le processus créatif "gainsbourien", émaillé de provocations flamboyantes et de pulsions autodestructrices, et les rencontres marquantes -- avec Boris Vian notamment --, au fil de scènes plutôt réussies.
Les femmes de la vie de Gainsbourg sont déclinées comme autant d'archétypes : France Gall (Sara Forestier) en adolescente mièvre, Juliette Gréco (Anna Mouglalis) l'irrésistible femme fatale, Brigitte Bardot (Laetitia Casta) la femme-enfant déjà sex-symbol, Jane Birkin (Lucy Gordon, qui s'est suicidée en mai) l'âme soeur, et Bambou (Mylène Jampanoï) la sulfureuse amante.
Avec ce défilé d'icônes parfois réduites à une célèbre tenue, une poignée de mimiques et un phrasé exagérément calqué sur l'original -- surtout la Bardot de Laetitia Casta --, le spectateur voit s'évanouir une bonne part de l'originalité du film. Chantées par les comédiens, les versions des tubes de Gainsbourg sont plus ou moins réussies.
Pour le rôle de Serge, Joann Sfar s'est tourné vers Eric Elmosnino, un comédien chevronné venu du théâtre, qui au cinéma a déjà tourné avec Olivier Assayas, Bruno Podalydès ou Albert Dupontel. Son Serge Gainsbourg est impressionnant de vérité : ironie mordante, séduction, fragilité, élégance ou violence, tout y est.