Une étude publiée mercredi décrit pour la première fois le système unique, situé dans le larynx, par lequel les baleines chantent. Un mécanisme qui leur permettrait d'émettre deux sons différents en même temps.
Une étude publiée mercredi 21 février effectue une percée sur la fascinante vocalisation des baleines. Le mécanisme anatomique de ce chant, qui intrigue les scientifiques de longue date, n'avait jamais été identifié.
Selon les révélations de l'étude parue dans Nature et menée par Coen Elemans, du département de biologie de l'université du Danemark du sud à Odense, les mysticètes, aussi appelés vraies baleines, chantent grâce à un système unique dans leur larynx, fonctionnant sur un principe similaire à celui des mammifères terrestres comme les êtres humains.
Les scientifiques supposaient que les mysticètes – les cétacés à fanons comme la baleine bleue ou le rorqual – utilisaient leur larynx pour produire des vocalises. Mais le mécanisme de leur anatomie permettant ces chants n'était pas vraiment compris, rappelle l'article de Nature.
Pour mener à bien son étude, l'équipe internationale a combiné des expériences sur des larynx de trois espèces de mysticètes (baleine à bosse, baleine de Minke et rorqual boréal) avec des modèles anatomiques et informatiques. Selon ses conclusions, ces animaux avaient développé des "structures laryngées uniques pour la production de sons".
Deux sons en même temps
Une fois ses poumons pleins d'air, après une inspiration avec son évent et la fermeture de valves empêchant l'intrusion de l'eau, la baleine produit son chant en poussant l'air via son larynx. Il y vibre entre des cordes cartilagineuses, un peu comme le fait l'air entre les cordes vocales d'un humain pour produire un son. Avant de passer dans une poche, dite laryngée, qui permet son recyclage vers le poumon avant une nouvelle vocalise.
La découverte de Coen Elemans est l'utilisation alternative, et peut-être concomitante selon les espèces, d'un coussinet de graisse situé au-dessus des cordes cartilagineuses. Il permettrait de produire un autre son.
Cette observation a été obtenue en enregistrant les vibrations produites par un flux d'air dans les échantillons de larynx. Qui reste encore impossible à observer sur un animal vivant, compte tenu de sa taille, remarque l'anatomiste américaine Joy Reidenberg.
Elle ne s'en demande pas moins si l'hypothèse découlant de l'étude pourrait expliquer comment certaines baleines arrivent à produire au moins deux sons différents en même temps.
Une communication perturbée par le trafic maritime
Une des limites de l'expérience est sa tenue à l'air libre avec des échantillons de larynx. Celle-ci ne permet pas d'expliquer comment des sons produits à l'intérieur de l'animal peuvent se propager jusqu'à l'extérieur dans l'eau, toutes écoutilles fermées.
Les mesures effectuées par l'équipe de Coen Elemans fixent aussi des limites physiologiques aux gammes de fréquence des chants, leur durée et la profondeur jusqu'à laquelle les baleines peuvent les émettre.
Ces vocalises se situeraient ainsi essentiellement aux mêmes profondeurs et fréquences que les sons produits par le trafic maritime. Perturbant une éventuelle communication entre cétacés.
Ces sons étranges fascinent les voyageurs depuis longtemps. Les premiers marins les attribuaient à des créatures mythiques ou à "l'imagination de marins ivres", rappelle Joy Reidenberg dans l'article.
Ce n'est qu'avec un accès, après la Seconde Guerre mondiale, aux sons enregistrés par les hydrophones militaires que les chercheurs ont compris que ces chants étaient produits par les baleines.
Avec AFP