À la veille de l'entrée en vigueur d'un décret stipulant que les internautes devront obtenir l'aval du ministère des Communications avant de publier des vidéos sur Internet, la Toile italienne s'enflamme.
La liberté d’expression des internautes italiens est-elle remise en question ? C’est, en tous cas, ce qu’affirment certaines associations et certains hommes politiques après que le Parlement italien a adopté, en décembre dernier, le décret 169 - dit "décret Romani" - qui régule la publication de vidéos sur Internet.
Le texte prévoit que les Italiens sollicitent l’aval du ministère des Communications s'ils veulent "diffuser et distribuer des images animées, accompagnées ou non de son, sur Internet". Ce décret doit repasser devant une commission de l'Assemblée nationale, à la demande de l'opposition, avant de pouvoir entrer en vigueur.
Si le secrétaire d'État en charge des Communications, Paolo Romani, défend bec et ongle son décret, affirmant qu’il ne fait qu’appliquer la directive européenne 2007/65/CE sur les droits de diffusion, l’association Articolo21 estime, elle, que ce texte ne concerne pas la diffusion de contenus sur Internet. Et dénonce, dans un communiqué, une extension de "la discipline rigide du droit d’auteur aux fournisseurs Internet, à travers des dispositions dont les effets rappellent ceux de la controversée loi française [Hadopi, ndlr]". "[Ce décret] étend aussi le droit de correction aux journaux télévisés retransmis sur le Web […], ouvrant ainsi la voie à la possibilité de bâillonner tout type de contenu en ligne", poursuit-elle.
Contacté par France 24.com, Christian Engström, député européen du Parti Pirate, partage cette inquiétude. "Il est très inquiétant qu’un État membre de l'Union européenne commence à restreindre les conditions d’utilisation d’Internet, déplore-t-il. Nous souhaitons que l’Europe soit en pointe en matière de législation numérique, et il est déprimant de voir que certaines capitales veuillent nous faire revenir 20 ans en arrière. Il s’agit ici clairement d’une interprétation douteuse de la directive [européenne 2007/65/CE, ndlr]."
Un précédent dangereux ?
La France, où la loi Hadopi est entrée en vigueur en début d’année, pourrait bien prendre le même chemin que son voisin transalpin. En janvier dernier, lors d’une interview accordée à Radio Classique, le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, avait évoqué l’idée que le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) contrôle les contenus diffusés sur Internet, dans le but de "protéger les enfants".
Pour Laurent Le Besnerais, co-fondateur de l’Institut pour les libertés et la citoyenneté numérique (Ilcn), le risque existe effectivement. "Le but de la majorité, en France, n’est pas de s’arrêter à la loi Hadopi, explique-t-il à France 24.com. Elle veut aussi mettre en place la loi Lopsi [loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, ndlr], qui contient tout un volet sur la pédopornographie sur Internet. L’intention est louable, certes, mais l'absence totale de transparence sur la façon dont les sites jugés dangereux seront désignés pose problème."
Le projet de loi Lopsi prévoit, notamment, un filtrage des sites indésirables, ce qui représente une atteinte directe au concept de neutralité des réseaux, estime encore Laurent Le Besnerais. Qui conclut : "Si l'on suit le discours de M. Lefebvre, oui, le contrôle de l’Internet par le CSA deviendra possible. La France se retrouvera alors dans le même cas que l’Italie."