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En 2023, les droits des femmes toujours en danger
Congé menstruel en Espagne, projet de loi visant à constitutionnaliser l’IVG en France, arrivée du mouvement #MeToo à Taïwan... Si les droits des femmes ont progressé par endroits en 2023, de nombreux reculs sont encore constatés à travers le monde. Aux États-Unis, plusieurs États ont interdit l’IVG, les droits des Afghanes sont toujours plus limités, et le chiffre des féminicides à l’échelle mondiale toujours plus élevé.

Si l'année 2022 a été marquée par des événements majeurs tels que le début du soulèvement en Iran – qui avait fait émerger le slogan "Femme, vie, liberté" –, la révocation de l'arrêt Roe vs Wade garantissant le droit à l'avortement aux États-Unis, ou encore la disparition progressive des femmes de l'espace public afghan, 2023 marque une certaine continuité dans la lutte pour les droits des femmes.

France 24 revient sur neuf événements qui, en 2023, ont marqué les droits des femmes à travers le monde.

L’Espagne, premier pays européen à créer un congé menstruel

En 2023, les droits des femmes toujours en danger

En février, l’Espagne devient le premier pays européen à voter une loi créant un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses. La ministre de l’Égalité, Irene Montero – membre de la formation de gauche radicale Podemos, alliée des socialistes au sein de l’exécutif –, évoque "un jour historique pour les avancées féministes".

"Il s'agit d'accorder à cette situation pathologique une régulation adaptée afin d'éliminer tout biais négatif" pour les femmes "dans le monde du travail", ajoute le texte.

Cette loi ouvre également aux mineures la possibilité d'avorter sans l'autorisation de leurs parents à 16 ou 17 ans, revenant ainsi sur une obligation instaurée en 2015 par un gouvernement conservateur.

Cinq ans après le début du mouvement, la vague #MeToo atteint Taïwan

En 2023, les droits des femmes toujours en danger

C’est une série Netflix diffusée à partir du 28 avril qui a déclenché #MeToo à Taïwan. "Wave Makers" ("faiseurs de vagues", en français) traite notamment des questions de harcèlement sexuel dans les partis politiques et dans la société de cette île située au sud-est de la Chine continentale.

L’effet est instantané. Au mois de mai, de nombreuses Taïwanaises témoignent de leurs expériences au travail. Des collaboratrices du Parti démocrate progressiste, au pouvoir, donnent quant à elles le coup d'envoi de la première grande vague en accusant de puissants hommes politiques de harcèlement ou d'agressions sexuelles. Le phénomène se propage ensuite aux milieux culturels et universitaires, des victimes présumées accusant des célébrités, des médecins ou encore des professeurs.

À voir, notre reportage Vague #MeToo à Taïwan : les femmes s'expriment contre les violences sexuelles

Aux États-Unis, un an après l’annulation de Roe vs Wade, la bataille fait rage autour de l'avortement

En 2023, les droits des femmes toujours en danger

Le 24 juin 2022, la Cour suprême des États-Unis annulait l’arrêt fédéral Roe vs Wade qui garantissait depuis 1973 le droit d’avorter sur tout le territoire. Depuis, chaque État est libre de légiférer sur la question.

C’est ainsi que 14 d'entre eux ont interdit l’avortement, parfois même sans que ne soient prévues des exceptions en cas de viol ou d’inceste. À l’inverse, 17 États ont étendu l’accès à ce droit.

Dans d’autres États, l’accès à l’avortement n’est pas interdit mais est menacé par des textes visant à le restreindre ou à l’interdire. C’est notamment le cas du Montana, du Wyoming, de l’Indiana et de l’Ohio.

Au mois d’avril, une bataille judiciaire autour de la pilule abortive a déchaîné de vives passions. Alors que des restrictions avaient été décidées dans des tribunaux inférieurs, la Cour suprême a finalement décidé de suspendre ces décisions. Dans les États où l'IVG reste légal, l'accès à la pilule abortive est maintenu.

En Afghanistan, la perspective de "crime contre l'humanité"

En 2023, les droits des femmes toujours en danger

Depuis le retour au pouvoir des Taliban en août 2021, l'Afghanistan connaît la "plus grave crise des droits des femmes au monde", selon Human Rights Watch.

En juillet, la fermeture des salons de beauté a privé les femmes de leur tout dernier espace de sociabilité et de soutien, faisant perdre, par la même occasion, leur emploi à quelque 60 000 femmes.

À l’occasion de la Troisième Commission de l'ONU, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, la présidente du Groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles a constaté que "le niveau d’inégalité institutionnalisée et de discrimination fondée sur le sexe en Afghanistan ‘n’a pas d’équivalent dans le monde'".

En juin, le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains en Afghanistan avait quant à lui évoqué la perspective de "crime contre l’humanité" pour désigner la politique des Taliban à l’encontre des femmes et des jeunes filles.

Le Mexique dépénalise l'avortement

En 2023, les droits des femmes toujours en danger

À contre-courant d'autres pays d'Amérique latine et des États-Unis, le Mexique a dépénalisé l'avortement le 6 septembre sur l'ensemble de son territoire.

La Cour suprême mexicaine a estimé que "le délit d'avortement dans le Code pénal fédéral est inconstitutionnel" parce qu'il est "contraire au droit à décider des femmes et des personnes en capacité de gestation".

L’avortement était déjà dépénalisé dans une douzaine des 32 États du pays. La capitale, Mexico, avait été la première juridiction d'Amérique latine à autoriser l’avortement, en 2007.

L'Iran durcit les sanctions contre les femmes refusant de porter le voile

En 2023, les droits des femmes toujours en danger

Le 20 septembre, quelques jours après la commémoration de la mort de Mahsa Amini, le Parlement iranien a approuvé un projet de loi intitulé "Soutien à la culture de chasteté et du voile". Les femmes qui ne portent pas le voile risquent désormais des sanctions financières et judiciaires pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement.

Ces peines sont censées sanctionner la "promotion de la nudité" ou "la moquerie du hijab" dans les médias et sur les réseaux sociaux, le texte considérant comme "inapproprié" un vêtement "serré" ou "qui exhibe une partie du corps".

En septembre 2023, la mission indépendante mise en place par les Nations unies avait estimé que cette loi – si elle était adoptée – "exposerait les femmes et les filles à des risques accrus de violence, de harcèlement et de détention arbitraire".

Avant que le projet ne devienne loi, le texte doit encore être approuvé par le Conseil des gardiens de la Constitution.

Au Maroc, le roi Mohammed VI demande d'accélérer la réforme de la Moudawana

En juillet 2022, dans son discours du Trône, le roi Mohammed VI avait ouvert la voie à une nouvelle révision de la Moudawana, le code de la famille du Maroc, suscitant l'espoir des Marocaines – privées d'un grand nombre de droits, notamment au sein de la famille – de voir enfin consacrée l’égalité des sexes prévue par la Constitution de 2011.

Le 26 septembre dernier, une lettre envoyée par Mohammed VI au chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a été reçue comme un signal positif par les défenseurs des droits des femmes, le roi lui demandant d'accélérer la réforme afin qu’une première version du texte lui soit présentée dans un délai de six mois.

Le code, qui avait déjà évolué en 2004, a notamment permis la coresponsabilité des conjoints, l'augmentation à 18 ans de l'âge minimum légal pour se marier, l'autorisation de la femme à demander le divorce et sa liberté à choisir un époux sans l’autorisation d’un tuteur. Mais le poids des traditions et le pouvoir d'appréciation laissé aux juges creusent, au grand regret des militantes féministes, un écart significatif entre l'esprit du nouveau code et la pratique.

Emmanuel Macron annonce un projet de loi pour constitutionnaliser l'IVG

En 2023, les droits des femmes toujours en danger

L'engagement a été pris par le chef de l’État à une date symbolique, au nom d’une figure symbolique. Le 8 mars – Journée internationale des droits des femmes –, à l’occasion d’un hommage à Gisèle Halimi, célèbre avocate féministe dont le droit à l’avortement était l’un des principaux combats, Emmanuel Macron, reprenant une proposition de loi portée à l’Assemblée nationale par La France insoumise et Renaissance, a fait une promesse : inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution française.

Sept mois plus tard, le président français accélère le chantier en annonçant un projet de loi constitutionnelle visant à faire de l’avortement un droit fondamental.

Il sera "présenté en Conseil des ministres d'ici la fin de l'année", si bien qu'"en 2024, la liberté des femmes de recourir à l'IVG sera irréversible", écrit le président de la République sur les réseaux sociaux.

Fondé sur le travail des parlementaires et des associations, le projet de loi constitutionnelle sera envoyé au Conseil d'État cette semaine et présenté en Conseil des ministres d’ici la fin de l'année.

En 2024, la liberté des femmes de recourir à l'IVG sera irréversible. https://t.co/4uSoIJu310

— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 29, 2023

Le nombre de féminicides à un niveau record dans le monde, selon un rapport de l’ONU

En 2023, les droits des femmes toujours en danger

Environ 89 000 femmes et filles ont été délibérément tuées en 2022. Un chiffre qui atteint son plus haut niveau depuis vingt ans (en 2021, ce chiffre s’élevait à 81 100).

Dans un communiqué, la directrice exécutive de l’ONUDC affirme que "le nombre alarmant de féminicides nous rappelle à quel point l’humanité est toujours aux prises avec des inégalités et des violences profondément enracinées à l’encontre des femmes et des filles".

Dans un rapport publié en octobre, un expert indépendant de l'ONU qualifie le féminicide d'"épidémie mondiale", estimant que les États manquent à leur devoir de protéger les victimes de la violence de genre.