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Invités à se prononcer par référendum, les Chiliens ont rejeté dimanche la nouvelle Constitution proposée par le Conseil constitutionnel. La loi fondamentale établie en 1980 lors de la dictature d'Augusto Pinochet reste en vigueur.

Pour la deuxième fois consécutive, les Chiliens ont rejeté un projet de nouvelle Constitution. À l'occasion d'un référendum, ils se sont prononcés "contre" le texte élaboré par un Conseil constitutionnel dominé par l'extrême droite à 55,75 % des voix, tandis que le "pour" a obtenu 44,25 % des suffrages, selon les résultats officiels publiés par le Service électoral après que 99 % des bulletins aient été dépouillés, dimanche 17 décembre.

La loi fondamentale datant de la dictature d'Augusto Pinochet restera donc en vigueur.

Chili : le deuxième projet de Constitution soumis à référendum

Plus de quinze millions d'électeurs étaient appelés à se prononcer pour ou contre cette nouvelle mouture de la loi fondamentale, à tonalité très conservatrice.

Le texte soumis au vote a été rédigé par ceux qui défendent l'héritage du général Pinochet, après le rejet en septembre 2022 d'une première proposition progressiste soutenue par le président de gauche Gabriel Boric. Ce dernier, le plus jeune dirigeant de l'histoire du Chili, âgé de 37 ans, a récemment assuré que cette nouvelle consultation serait la dernière tentative de réformer la Constitution.

"Sous ce mandat, le processus constitutionnel est clos. Il y a d'autres urgences", a déclaré le président de gauche, dans un discours au palais présidentiel de La Moneda. "Notre pays continuera avec la Constitution actuelle, car après deux propositions constitutionnelles soumises à un référendum, aucune n'a réussi à représenter ou à unir le Chili dans sa belle diversité", a ajouté le président, qui a soutenu la première proposition avancée par la gauche et a opté pour la neutralité sur la seconde.

Un scrutin qui "renforce notre démocratie", selon le président Boric

La révision de la Constitution de l'ère Pinochet (1973-1990), considérée comme un frein à toute réforme sociale de fond, avait été actée pour contenter le mouvement social de 2019 contre les inégalités qui a fait une trentaine de morts. Un an plus tard, les Chiliens avaient approuvé à 80 % l'élaboration d'une nouvelle Constitution.

Après le rejet de la première proposition, Gabriel Boric a subi un nouveau revers en mai lorsque la droite ultra-conservatrice est arrivée en tête du scrutin pour élire les membres qui allaient former le Conseil constitutionnel chargé de rédiger la nouvelle loi fondamentale.

"Aujourd'hui, nous vivons une nouvelle journée civique qui, au-delà de tout résultat, renforce notre démocratie", a déclaré le président Boric après avoir voté dans sa ville natale de Punta Arenas, à 3 000 km au sud de Santiago. "Le Chili a démontré une force que nous ne devrions pas considérer comme acquise, à savoir que les problèmes [...] sont canalisés de manière institutionnelle et résolus de manière pacifique", s'est félicité le chef de l'État

De l'autre côté de l'échiquier politique, le Parti républicain a séduit les électeurs par son discours intransigeant contre l'insécurité, qu'il associe principalement à l'immigration vénézuélienne.

L'opposition présente le vote de dimanche comme une consultation sur le président Boric, qui a surfé sur une vague de mécontentement pour être élu fin 2021, à 35 ans, mais dont la côte de popularité est désormais en baisse.

Un texte controversé

La proposition de nouvelle Constitution ambitionnait de renforcer le caractère conservateur du texte actuel, qui date de 1980, en particulier sur des questions telles que l'avortement et la sécurité publique.

L'avortement est un sujet polémique, "dangereux même", estime Catalina Lufin, 22 ans, présidente de la Fédération des étudiants de l'Université du Chili, car elle "nous fait reculer en matière de droits fondamentaux".

La pratique était totalement interdite au Chili jusqu'en 2017, quand une loi l'a autorisé mais seulement en cas de risque pour la vie de la mère, viol, ou de fœtus déclaré non-viable.

La Constitution actuelle "protège la vie de celui qui va naître", mais le nouveau texte souhaitait aller au-delà, en faisant de l'embryon une personne, rendant ainsi plus difficile la justification d'un avortement.

"Nous n'avons pas réussi à convaincre les Chiliens que cette Constitution était meilleure que l'actuelle et qu'elle constituait le moyen le plus sûr de mettre fin à l'incertitude politique, économique et sociale", a déclaré José Antonio Kast, chef du Parti républicain, d'extrême droite, et ancien candidat à la présidentielle battu par Gabriel Boric en décembre 2021.

"Il n'y a rien à célébrer. Et non seulement nous ne pouvons pas célébrer, mais le gouvernement et la gauche ne peuvent pas non plus se réjouir, parce que les dégâts que le Chili a subis ces quatre dernières années sont immenses et plusieurs décennies seront nécessaires pour les réparer", a-t-il ajouté.

En revanche, le nouveau texte reconnaît pour la première fois les peuples autochtones, une aspiration de longue date des peuples indigènes, majoritairement Mapuche, qui représentent environ 12 % de la population, mais ne répond pas à leur demande de plus d'autonomie.

Andrès Calfuqueo, étudiant en sciences politiques d'origine Mapuche, assure que le nouveau texte ne le "représente pas". Il "est né d'un processus qui promettait d'unir les Chiliens mais qui a fini par les diviser".

Avec AFP et Reuters