Le président élu argentin Javier Milei a été investi dimanche en fin de matinée, prêtant serment trois semaines après sa retentissante victoire électorale d'outsider lancé il y a deux ans à peine en politique. Dans son premier discours de président, il a promis aux Argentins un "choc" d'austérité.
L'ultralibéral Javier Milei est devenu, dimanche 10 décembre, le douzième président de l'Argentine depuis le retour de la démocratie il y a quarante ans, revêtant l'écharpe présidentielle ciel et blanc. Le nouveau président a annoncé d'emblée que la situation économique dans le pays allait "empirer" à court terme, promettant un "choc" d'austérité.
"Il n'y pas d'alternative à un ajustement, il n'y a pas d'alternative à un choc" en matière budgétaire, car "il n'y pas d'argent !", a lancé Javier Milei à une foule de partisans, réunis devant le Parlement, où il venait de prêter serment.
"Nous savons que la situation va empirer à court terme. Mais après nous verrons les fruits de nos efforts", a-t-il ajouté dans un discours offensif, promettant de "prendre toutes les décisions nécessaires pour régler le problème causé par 100 ans de gaspillage de la classe politique", "le pire héritage" jamais reçu par un gouvernement.
Face à lui, une mer ciel et blanc de plusieurs milliers de partisans, dominés par drapeaux argentins et maillots de la sélection, acclamait ses interventions, aux cris de "Libertad, Libertad", voire "Motosierra !" (tronçonneuse), en référence à l'outil qu'il a brandi en campagne, pour symboliser les coupes à venir dans l'État ennemi.
Le président élu a indiqué qu'il convoquerait dès les prochains jours une session extraordinaire du Parlement pour présenter un premier ensemble de lois.
"Pas de place pour la tiédeur ou les demi-mesures"
Dévaluation du peso, la monnaie nationale, notoirement surévalué ? Premières coupes budgétaires, notamment les chantiers publics dans le collimateur de Milei ? Restriction, voire interdiction d'émission monétaire par la Banque centrale, qu'il veut à terme éliminer ?
"Électrochoc" ou "choc contrôlé", les premières mesures Milei ont fait ces derniers jours l'objet de spéculations d'économistes et médias, sans que rien ne filtre de l'entourage du président élu. Une seule certitude : l'inflation, déjà intolérable à 143 % sur un an, va continuer.
"La nouveauté pour les gens va être pour la première fois depuis longtemps des prix 'libres', avec la fin des programmes dit 'prix encadrés'" que négociait tant bien que mal le gouvernement sortant (centre-gauche) avec les fournisseurs, estime pour l'AFP Viktor Beker, économiste de l'Université de Belgrano.
"D'où certainement une forte hausse des prix. Il est très probable que l'inflation de décembre dépasse celle de novembre (+8,3 %, NDLR) et celle de janvier celle de décembre", ajoute-t-il.
Dès après sa victoire retentissante, Javier Milei a prévenu qu'il n'y aurait "pas de place pour la tiédeur ou les demi-mesures". Mais a aussi douché certaines attentes, prévenant que l'inflation ne serait pas maîtrisée avant "18 à 24 mois".
Le porte-monnaie des Argentins pourra-t-il encore le supporter ? Nombre de jeunes, qui ont constitué le cœur de l'électorat Milei, ont dit ces jours-ci à l'AFP être prêts à lui laisser du temps "car la situation n'est pas facile".
Redresser les comptes budgétaires
Restent hors champ, pour l'heure, certaines postures plus controversées du candidat Milei : son opposition à l'avortement, légalisé en 2021, ou son déni du changement climatique comme "responsabilité de l'homme".
Ce qui compte, c'est l'économie, et redresser les comptes budgétaires, avec un difficilement croyable objectif d'"équilibre à fin 2024" (le déficit était de 2,4 % du PIB fin 2022).
Carlos Felipe Jaramillo, vice-président de la Banque mondiale pour l'Amérique latine, a rencontré ces jours-ci l'équipe Milei, et dit avoir "un diagnostic très similaire" sur la "nécessité d'attaquer le problème budgétaire, cause clé de l'inflation". Mais il a aussi dit "l'inquiétude [de la Banque mondiale] sur le problème de la pauvreté, et sa possible accentuation à court terme", dans un pays où 40 % vivent déjà sous le seuil de pauvreté.
L'investiture de Javier Milei se fera sous le regard bienveillant de dirigeants ou politiciens de droite nationalistes, qui très tôt avaient exprimé soutien et affinité à l'ultralibéral argentin élu : ainsi l'ex-président d'extrême droite brésilien Jair Bolsonaro, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, ou encore le chef de la formation espagnole d'extrême droite Vox, Santiago Abascal.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé samedi sa venue. Après s'être entretenu fin novembre avec Javier Milei pour le féliciter, il l'avait, sur son compte X, "remercié pour sa position claire. Pas d'équilibre entre le bien et le mal. Juste un soutien clair à l'Ukraine".
Parmi les autres chefs d'État et de gouvernement présents figure le roi d'Espagne Felipe VI, et les voisins de l'Argentine, l'Uruguayen Luis Lacalle Pou (centre droit), le Chilien Gabriel Boric (gauche), le Paraguayen Santiago Peña (libéral). Le Brésilien Lula, vivement critiqué par Milei par le passé, a envoyé sa cheffe de la diplomatie.
La France est représentée par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini.
Avec AFP