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Iran : la famille de Mahsa Amini empêchée de venir en France pour recevoir le prix Sakharov
L'Iran a privé la famille de Mahsa Amini, jeune Kurde décédée en prison l'an passé, de son droit de voyager en France pour recevoir le prix Sakharov pour les droits humains décerné à titre posthume. L'interdiction de sortie du territoire des parents et du frère de la jeune femme intervient alors que la France doit célébrer dimanche à Paris le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme.

Privée de passeports. Les parents et le frère de Mahsa Amini qui devaient recevoir, dimanche lors d'une cérémonie en France, le prix Sakharov décerné à la jeune femme à titre posthume, ont été interdits de quitter le territoire iranien, a annoncé samedi 9 décembre à l'AFP leur avocate, Me Chirinne Ardakani, en France. 

La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, qui décerne cette distinction, a appelé "le régime iranien à revenir sur sa décision interdisant à la mère, au père et au frère de Mahsa Amini de voyager", dans un message posté sur le réseau social X. "Leur place mardi prochain est [au Parlement européen] à Strasbourg pour recevoir le prix Sakharov, avec les courageuses femmes d'Iran", a-t-elle ajouté, soulignant que "la vérité ne peut pas être passée sous silence".

Une mesure qui montre, selon leur avocate, la fébrilité de Téhéran à la veille d'événements symboliques. L'interdiction de sortie du territoire des parents et du frère de la jeune Kurde, morte après avoir été arrêtée par la police des mœurs iranienne pour un voile mal ajusté, intervient alors que la France doit célébrer dimanche à Paris le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. 

"Interdits de monter à bord"

Les proches de Mahsa Amini "ont été interdits de monter à bord du vol qui devait les conduire en France pour la remise du prix Sakharov et de quitter le territoire hier à minuit alors qu'ils étaient munis d'un visa", a expliqué l'avocate. "Leurs passeports ont été confisqués", a-t-elle précisé. Mais ils ont pu retourner chez eux dans la nuit et "leur avocat Me Saleh Nikbakht est arrivé à Paris pour recevoir en leur nom le prix" à Strasbourg, a-t-elle ajouté.

Le prix Sakharov, plus haute distinction de l'Union européenne pour les droits humains, avait été décerné en octobre par le Parlement européen à Mahsa Amini et au mouvement "Femme Vie Liberté" réprimé dans le sang par le pouvoir en Iran.

La mort de la jeune femme le 16 septembre 2022, trois jours après son interpellation, avait entraîné des mois de manifestations de grande ampleur contre les dirigeants politiques et religieux iraniens, dont la répression a provoqué des centaines de morts et des milliers d'arrestations.

"Alors que le Nobel se tient au même moment, les autorités iraniennes n'ont jamais été aussi mobilisées pour éviter que les familles des victimes prennent la parole auprès de la communauté internationale", a estimé Me Ardakani.

Sollicité par l'AFP, le ministère français des Affaires étrangères n'avait pas réagi samedi.

Dimanche devait être remis à Oslo, en Norvège, le prix Nobel de la Paix à la famille de la militante iranienne Nargès Mohammadi, qui ne pourra le recevoir en personne car elle est détenue à la prison d'Évine, à Téhéran.

Celle-ci va entamer une nouvelle grève de la faim à partir de dimanche, "en solidarité avec la minorité religieuse" bahaïe, ont indiqué son frère et son époux lors d'une conférence de presse dans la capitale norvégienne samedi. De santé fragile, Nargès Mohammadi avait déjà observé une grève de la faim de quelques jours début novembre pour obtenir le droit d'être transférée à l'hôpital sans se couvrir la tête.

"Meurtres brutaux de femmes"

L'an passé, la France avait manifesté publiquement son soutien aux manifestations en Iran, rappelant son attachement au respect des droits humains et aux droits des femmes et condamnant la répression dans le sang des protestations.

"Le meurtre brutal de Dina Mahsa Amini a marqué un tournant", avait souligné la présidente du Parlement lors de l'annonce du prix en octobre dernier. "Le slogan 'Femme Vie Liberté' est devenu un cri de ralliement pour tous ceux qui défendent l'égalité, la dignité et la liberté en Iran", avait-elle également estimé.

Le 23 novembre, le Parlement européen avait réprouvé les attaques de l'Iran contre les femmes, y compris les "meurtres brutaux" de femmes dont celui de Mahsa Amini.

Dans une résolution non contraignante adoptée par 516 voix pour, 4 contre et 27 abstentions, il avait "condamné fermement la détérioration continue de la situation des droits humains en Iran et les meurtres brutaux de femmes perpétrés par les autorités iraniennes, notamment de la lauréate du prix Sakharov 2023, Mahsa Amini".

Les eurodéputés ont également appelé à la "libération immédiate de toutes les victimes de détention arbitraire et des défenseurs des droits humains", notamment Nargès Mohammadi, prix Nobel de la paix 2023.

Avec AFP