Un ressortissant indien est poursuivi aux États-Unis pour avoir commandité le projet d'assassinat à New York d'un dirigeant séparatiste sikh, à l'instigation d'un agent de New Delhi, a annoncé mercredi 29 novembre le ministère américain de la Justice.
Ce dossier pourrait empoisonner les relations de l'Inde avec les États-Unis, comme cela fut le cas en septembre pour le Canada. Le Premier ministre Justin Trudeau avait alors incriminé les services de renseignement indiens pour le meurtre en juin d'un autre dirigeant sikh, Hardeep Singh Nijjar, près de Vancouver.
Le secrétaire d'État Antony Blinken avait prévenu à cette occasion en septembre que les États-Unis étaient "extrêmement vigilants dès lors qu'existent des allégations d'une répression transnationale". Il faisait référence au phénomène de projection par les régimes autoritaires de leur contrôle sur leurs citoyens hors de leurs frontières, apparu au grand jour avec l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul en octobre 2018, et en expansion constante, selon les défenseurs des droits humains.
Le ministère américain de la Justice ne cite pas nommément la cible présumée à New York, mais la description des faits permet de l'identifier comme Gurpatwant Singh Pannun, un avocat fondateur de l'organisation américaine Sikhs For Justice (SFJ), qui revendique un État indépendant pour cette minorité dans le nord de l'Inde.
"Terrorisme transnational"
"La tentative contre ma vie en territoire américain est une manifestation flagrante du terrorisme transnational de l'Inde qui est devenu une menace pour la souveraineté américaine, la liberté d'expression et la démocratie", a d'ailleurs réagi dans un communiqué Gurpatwant Singh Pannun, désigné comme "terroriste" par New Delhi en 2020 et recherché pour "terrorisme et sédition".
Nikhil Gupta, 52 ans, a été inculpé à New York pour avoir commandité le meurtre, a annoncé le ministère, précisant qu'il avait été arrêté le 30 juin en République tchèque en vertu du traité d'extradition entre les deux pays. Il est visé par deux chefs d'accusation, passibles chacun de dix ans de prison.
Selon l'acte d'accusation, un agent du gouvernement indien (identifié uniquement par des initiales) a recruté Nikhil Gupta, résidant en Inde et impliqué dans des trafics de drogue et d'armes, pour assassiner la "victime", en échange de l'abandon de poursuites pénales contre lui.
Un prix fixé à 100 000 dollars
Le prévenu a ensuite contacté un individu qu'il considérait comme un complice "mais qui était en fait un informateur des services de sécurité américains, pour l'aider à engager un tueur". Cet individu lui a présenté un soi-disant tueur à gages, en réalité un agent des services américains sous couverture, selon la même source.
L'agent du gouvernement indien a accepté de payer 100 000 dollars à ce prétendu tueur à gages lors de négociations conduites par Nikhil Gupta, dont 15 000 lui ont été versés d'avance en liquide dans sa voiture le 9 juin, selon l'acte d'accusation, photo à l'appui.
L'agent a également fourni des informations sur le domicile et l'emploi du temps de la victime à Nikhil Gupta, qui les a transmises au prétendu tueur, tout en lui donnant instruction de ne pas passer à l'action pendant des réunions américano-indiennes de haut niveau en raison de possibles retombées "politiques".
Après l'assassinat le 18 juin au Canada de Hardeep Singh Nijjar, qui était "également une cible", il lui a indiqué qu'il n'y "avait maintenant plus besoin d'attendre" pour exécuter son "contrat" à New York, selon les mêmes sources.
L'Inde "forme une commission d'enquête"
L'annonce de ces poursuites aux États-Unis "démontre à quel point l'Inde doit travailler avec le Canada, doit prendre au sérieux ces allégations", a réagi Justin Trudeau devant la presse.
L'administration américaine "a évoqué cette affaire avec le gouvernement indien, y compris au plus haut niveau", a déclaré la semaine dernière Adrienne Watson, porte-parole du Conseil de sécurité nationale. "Nous avons fait savoir que nous nous attendons à ce que toute personne jugée responsable rende des comptes", a-t-elle souligné.
Le ministère indien des Affaires étrangères a affirmé mercredi que New Delhi avait "formé le 18 novembre une commission d'enquête de haut niveau" après avoir été informé par Washington de "connexions entre des organisations criminelles, des trafiquants d'armes, des terroristes et d'autres". "Le gouvernement indien prendra les mesures nécessaires sur la base des conclusions de la commission d'enquête", a assuré le ministère.
Avec AFP